Contrairement à ce qu'on pourrait penser, le hockey, grâce au Medvescak Zagreb, jouit d'une certaine popularité en Croatie. Bien sûr, le football reste le sport numéro un dans ce pays.
Mais le club, fondé en 1961, n'est pas dénué d'histoire. Le Medvescak -nom d'un quartier de la capitale croate- a ainsi été classé 7e meilleure équipe du continent au terme de la Coupe d'Europe 1990/91. Et ce grâce, notamment, à l'apport de 3 attaquants soviétiques.
Après la dissolution de la Yougoslavie en 1992, la Croatie est devenue trop étroite pour les "Ours". Ceux-ci ont donc cherché un débouché plus intéressant, et l'ont trouvé en 2009 en intégrant la ligue autrichienne (EBEL).
De nombreux succès populaires
En 2012, Zagreb a obtenu son meilleur résultat en EBEL, en atteignant les demi-finales après avoir fini au deuxième rang du tour de qualification.
Puis, en septembre de la même année, le club a connu l'une de ses plus belles heures. Et ce en disputant deux rencontres d'EBEL dans l'amphithéâtre romain de Pula, ville de la côte adriatique, devant plus de 7000 spectateurs, dont 900 journalistes de divers pays.
En janvier 2011, entre autres, le Medvescak avait aussi exceptionnellement évolué devant 15'200 personnes dans l'Arena Zagreb. Cette enceinte, plus moderne que le vétuste Dom datant de 1972, a accueilli la récente finale de la Coupe Davis Croatie-Argentine.
Des résultats mitigés en KHL
L'appétit venant en mangeant, l'Ours est forcément devenu encore plus vorace: le Medvescak a commencé à tourner son regard du côté de la KHL.
Depuis 2013, Zagreb évolue donc dans le prestigieux championnat "russe", qui cherche à s'étendre un peu partout en Europe et en Asie. Avec des résultats mitigés, puisque les bleu et blanc n'ont atteint les playoff qu'à une seule reprise, à leur première saison.
"Trop de matches"
Mais cette évolution accélérée du club croate ne fait de loin pas l'unanimité parmi les supporters du Dom Sportova. Si certains, comme Bruno (17 ans), sont "heureux de voir le Medvescak évoluer dans la deuxième meilleure ligue du monde", d'autres font la grimace.
"La KHL, c'est de la m..., assène ainsi Borna (19 ans). Dans cette ligue, les jeunes Croates ne peuvent pas se développer, on ne les fait pas jouer. Et Zagreb était plus compétitif en EBEL".
Même son de cloche chez Luka (19 ans). "Il y a trop de matches en KHL (réd: 62 en saison régulière). En EBEL, il n'y en avait que deux par semaine, et plutôt le week-end. On pouvait aussi se déplacer à l'extérieur, chez les clubs slovènes par exemple. Mais là, c'est impossible, car les voyages nous reviendraient beaucoup trop chers".
Dures conditions de travail
Justement, les déplacements constituent évidemment une problématique capitale en KHL. Qui plus est pour Zagreb, club le plus occidental de la ligue.
Pour le Medvescak, dont le budget se monte à quelque 11 millions d'euros, les trajets en avion de Bratislava à Moscou en passant par Riga se font en vols commerciaux. Avec monsieur et madame tout le monde!
"On a peut-être les conditions de travail les plus difficiles dans le monde du hockey, regrette Francis Paré. Par exemple, le voyage de retour depuis Sotchi nous a pris 17 heures", poursuit l'attaquant québécois des bleu et blanc.
Alexandre Giroux abonde dans le même sens que son compatriote et coéquipier. "Certains clubs en KHL ont des budgets sûrement 10 fois supérieurs au nôtre", soupire l'ex-buteur de Kloten et d'Ambri.
"Incroyable de battre le CSKA Moscou"
Le responsable de la communication du Medvescak Zagreb, lui, se veut évidemment plus rassurant au niveau des trajets.
"La KHL fait tout pour faciliter la compétition aux clubs. Elle porte une attention particulière à l'élaboration du calendrier de la saison", déclare ainsi Ranko Vucinic.
Pour le dirigeant, rien ne saurait ternir la présence de Zagreb en KHL. "C'est difficile à croire que la Croatie, qui ne dispose que de trois patinoires au total, possède un représentant dans cette ligue. Dans ce sens, voir notre club remporter des victoires contre des institutions comme le CSKA Moscou ou le Spartak Moscou, c'est juste incroyable", ajoute Vucinic.
Un déménagement à Londres?
Toutefois, Zagreb n'est pas assuré de toujours militer en KHL en 2017/18. Il se pourrait que le club, endetté, déménage à Londres ou retourne en EBEL.
Car la KHL est un gouffre financier. Preuve en est la situation du Jokerit Helsinki. Le fameux club finlandais, en KHL depuis 2014, se trouverait au bord de la faillite. D'ailleurs, 10 des 29 équipes du championnat accusent des arriérés sur le paiement des salaires...
"La plus grande menace, pour nous, provient de la détérioration récente du climat politique entre la Croatie et la Russie. Cela pourrait amener nos sponsors et investisseurs russes à nous lâcher", admet Ranko Vucinic. Selon celui-ci, la porte de l'EBEL reste ouverte.
"Un club suisse? Lancez-vous!"
A cause d'arriérés de paiement dans le salaire des joueurs, le président du Medvescak, Damir Gojanovic, a été suspendu par la KHL. Mais cela ne freine pas l'enthousiasme de Ranko Vucinic.
"Il y a des différences culturelles entre les Russes et nous. Mais il faut les accepter avant de rejoindre cette ligue. Et la situation n'est pas aussi dramatique qu'on peut le lire dans les médias", explique le dirigeant.
La KHL reste un monde à part. Que conseillerait Vucinic au président d'un club suisse désireux d'en faire partie? "Lancez-vous! Ce serait dommage, pour une équipe qui en a les moyens, de rater sa chance. Nous sommes fiers d'avoir offert la KHL à nos supporters".
De Zagreb, Michaël Taillard (@MichaelTaillard)
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Fin de notre websérie "Renaissance en Croatie".
Paré: "Je ne sais pas comment c'est géré ici"
FRANCIS PARÉ (attaquant canadien de Zagreb): "Jouer à Zagreb, c'est très difficile. C'est la première fois de ma vie que j'éprouve cela. Les salaires arrivent en retard. Je ne m'attendais pas à ça. Je ne sais pas comment c'est géré ici, mais c'est triste. A Magnitogorsk ou à Turku, ce n'était pas pareil. C'était juste professionnel. Et pourtant, au TPS Turku, en Finlande, on avait le même budget qu'ici. Cela reste une belle vitrine pour moi d'évoluer en KHL, à un haut niveau. J'espère retourner un jour dans un gros club russe. Rejoindre la Suisse? Oui, pourquoi pas. C'est quelque chose que j'envisage très sérieusement."
ALEXANDRE GIROUX (attaquant canadien de Zagreb, ex-Kloten et Ambri): "C'est ma 2e saison en KHL après 2012/13, où j'étais à Riga. A l'époque, le niveau était plus élevé, car, grâce au lock-out, il y avait de nombreux joueurs de NHL en KHL. La principale différence avec la LNA? Je dirais qu'ici, les équipes ont plus de profondeur. Les troisième et quatrième blocs d'attaque sont de meilleure qualité en KHL. Et aussi, les jeunes Russes sont meilleurs. Si j'aimerais revenir en Suisse? A mon âge (réd: 35 ans), je ne suis pas le plus demandé. Mais j'adorerais ça".
(Interrogé sur les soucis du Medvescak, Giroux nous a simplement répondu par un sourire et une moue significative).
COLBY GENOWAY (attaquant canadien de Zagreb, ex-Gottéron, Lausanne et Lugano): "Je peux seulement contrôler ce qui se passe sur la glace. Pas le reste... Si notre glace est mauvaise? L'humidité n'aide pas les responsables de l'entretien. Mais vous êtes capable de vous faire votre propre avis...
La différence entre la KHL et la LNA? Les charges sont plus violentes et dangereuses en Suisse. J'ai été frappé à la tête trois fois en LNA. Là-bas, les 3/4 des joueurs ont subi une commotion au moins une fois. En KHL, je n'ai encore jamais vu quelqu'un en subir une. On patine plus vite en LNA. Mais les joueurs sont plus talentueux en KHL, où on garde le puck le plus possible.