Le 1er mars, Ralph Krueger donnera les clés de l'équipe de
Suisse à Sean Simpson après treize années de bons et loyaux
services. S'il a été poussé vers la porte par les instances
dirigeantes du hockey helvétique, le Germano-Canadien a avoué
n'avoir aucune rancoeur envers les personnes ayant pris cette
décision.
Décontracté comme rarement, Ralph Krueger s'est adressé aux médias
moins de 24 heures après l'élimination de son équipe signifiant la
fin de son parcours avec la Suisse. L'ancien entraîneur de
Feldkirch est longuement revenu sur son bail avec l'équipe
nationale et sur son futur comme entraîneur.
SPORTINFORMATION: - Ralph Krueger, comment
vous sentez-vous après cette élimination brutale?
RALPH KRUEGER: L'équipe de Suisse a pu rêver
d'une qualification pour les demi-finales d'un tournoi olympique
jusqu'aux derniers instants du match face aux Etats-Unis. C'est une
belle aventure, si l'on songe où se trouvait cette équipe il y a
treize ans. Durant toutes ces années j'ai essayé de faire mon
travail le plus honnêtement possible et depuis que mon départ a été
annoncé, j'ai reçu une quantité incroyable de lettres et de
témoignages de sympathie. Cela m'a fait chaud au coeur.
"Je n'en veux à personne"
- L'aventure avec cette équipe s'arrête donc ici, treize ans
après vos débuts.
RALPH KRUEGER: Cela fait quelques mois que je me
préparais à devoir partir alors le processus se passe plutôt
facilement. Je n'ai aucune mauvaise pensée pour les personnes au
sein de la Ligue, qu'importe ce qui s'est passé lors de ces
derniers mois. Etre en poste de 1997 à 2010, cela fait un bail. La
carrière de certains entraîneurs ne dure parfois pas autant
(rires).
- Tout n'a pas dû être rose depuis votre arrivée...
RALPH KRUEGER: Pour être honnête, je n'ai jamais
vécu un moment aussi difficile qu'après les Jeux olympiques de Salt
Lake City. Peu après, lors d'un match amical, nous étions menés
contre le Japon 1-0 durant le premier tiers-temps dans une
patinoire vide et j'avais le président de la Ligue face à moi dans
les tribunes. C'est impossible de décrire à quel point
l'égalisation de Jean-Jacques Aeschlimann m'a fait du bien. Depuis
les Jeux olympiques de 2002, nous n'avons jamais fait moins bien
qu'une neuvième place. C'est peut-être cette constance dont je suis
le plus fier.
"Simpson m'a félicité"
- Avez-vous eu des contacts avec
Sean Simpson?
RALPH KRUEGER: Oui, il m'a écrit un SMS après le
match face aux Etats-Unis en me félicitant pour les performances de
mon équipe. Il m'a également remercié pour tout le travail que j'ai
accompli durant toutes ces années et il m'était reconaissant de lui
transmettre la sélection nationale dans de si bonnes dispositions.
Dans un même temps, il a avoué que ce challenge allait être très
difficile à relever, mais qu'il s'en réjouissait. J'ai senti que
cela venait du coeur et j'ai été très touché par ce geste.
- Et vous, de quoi votre avenir sera désormais
fait?
RALPH KRUEGER: Une chose est certaine, je
n'entraînerai pas en Suisse dans un futur proche. Par respect pour
mon successeur, je dois lui laisser la voie libre pour travailler,
comme l'avait très bien fait Simon Schenk lors de mon arrivée. Dans
mon métier, c'est impossible de faire des projections, même à court
terme. Toutefois, je pense que je ne serai pas derrière le banc
d'une équipe lors du prochain championnat du monde en
Allemagne.
- Pourriez-vous vous imaginer affronter la Suisse?
RALPH KRUEGER: Oui, tout à fait.
- Et entraîner un club, cela vous tenterait?
RALPH KRUEGER: Je suis principalement un
sélectionneur national. C'est ma spécialité. J'aime l'état d'esprit
des joueurs qui sont présents pour l'amour de leur maillot et qui
ne sont pas rémunérés lors des matches de leur pays. C'est un
contexte dans lequel je me sens bien et dans lequel j'ai envie
d'évoluer. Mais comme je l'ai dit précédemment, il ne faut jamais
jurer de rien dans ce milieu.
si/tai
Commentaire: un bond de géant
Zach Parise, auteur des deux buts du succès américain en quarts de finale des JO face à la Nati, a mis fin aux 13 ans de règne de Ralph Krueger à la tête de la Suisse.
A l'heure du bilan, il s'agit de saluer l'oeuvre d'un technicien qui a redonné ses lettres de noblesse à un hockey helvétique qui peinait, depuis la fin des années 50, à retrouver durablement sa place dans l'élite mondiale. Sous l'égide du Canado-Allemand, la Suisse est devenue une nation indissociable du "groupe A". Mieux, les Helvètes se sont hissés au 7e rang mondial, soit devant une sélection aussi huppée que la Slovaquie (9e), championne du monde 2002. Pour mémoire, la Nati ne figurait encore qu'à la... 18e place en 1997.
Des attentes trop élevées
Le mandat de Krueger (298 matches au total), commencé sur les chapeaux de roue avec une 4e place au Mondial 1998, avait peut-être suscité des attentes trop élevées par la suite. Les détracteurs de l'ex-international allemand lui ont ainsi toujours reproché ses options tactiques trop défensives. Mais pour produire du "hockey champagne", encore faut-il posséder des attaquants de tout premier plan. Et des perles rares, ces joueurs exceptionnels qui peuvent décider de l'issue d'une rencontre, ils n'existent pour l'instant en Suisse qu'au niveau des gardiens (Jonas Hiller, Martin Gerber) et des défenseurs (Mark Streit, voire Luca Sbisa).
Certes, Reto von Arx et Michel Riesen, joueurs avec lesquels Krueger s'était brouillé, auraient amené le brin de folie qui manque en attaque, au temps de leurs meilleures années en LNA. Mais leur présence n'aurait de toute façon pas été une garantie assurée de médaille.
Un bel héritage pour Simpson
Avec 9 participations à des quarts de finale plus un 4e rang en 15 tournois majeurs, Krueger peut regarder dans le rétroviseur avec une certaine fierté. Ses succès contre la Russie aux Mondiaux 1998 et 2000, face au Canada et à la République tchèque aux JO 2006, resteront de plus dans les annales. Ces exploits, qui ne sont malheureusement pas tombés dans des matches à enjeu majeur, seront difficiles à rééditer.
Sean Simpson hérite d'une équipe avec une assise défensive de classe mondiale. L'actuel coach des ZSC Lions a donc tous les outils en main pour continuer le processus entamé par son prédecesseur. Et qui sait, mener la Nati vers une médaille dans un avenir proche. Reste à espérer cependant que Krueger, que d'aucuns pressentent comme le futur sélectionneur de l'Allemagne, ne joue pas des tours à ses anciennes ouailles dans le futur!
Michaël Taillard