Larry Huras (54 ans) est bien connu des fans de hockey romands.
L'entraîneur canadien fait le bonheur des téléspectateurs de la tsr
depuis le Mondial 1998, en tant que consultant avisé. Les sketches
qu'il a parfois tournés et ses boutades hilarantes sont chaque
année presque autant attendus que le tournoi lui-même. Mais Huras,
bien plus qu'un "clown", c'est surtout un coach à succès. A son
palmarès, notamment: deux titres -avec Zurich en 2001 et Lugano en
2003- et 2 Coupes continentales, une avec Ambri-Piotta (1999/2000)
et une avec les ZSC Lions (2000/2001). Le nouveau mentor du CP
Berne doit mener vers le succès un club qui a raté ses playoff ces
deux dernières années.
"J'ai pu recharger mes batteries"
Entraîner en Russie
ou en Suède, cela fait partie de mes rêves
Larry Huras
tsrsport.ch:
Après avoir coaché en LNA de 1994
à 2007, vous êtes de retour après 2 saisons en Norvège et en
Autriche. La Suisse vous manquait-elle durant cet exil?
LARRY HURAS:
Oui et non. Après 13 ans en LNA, je
me sentais comme un écureuil qui court dans sa roue, dans une cage.
J'avais la sensation d'aller de plus en plus vite, mais en même
temps, je n'avançais pas. Ainsi, les expériences que j'ai vécues
dans ces championnats ont été enrichissantes. J'ai adoré pouvoir
évoluer dans des registres complètement différents par rapport à ce
que j'avais connu. J'ai pu recharger mes batteries, et je suis prêt
à affronter de nouveau le hockey suisse.
tsrsport.ch:
Faites-vous face au plus grand
défi de votre carrière, dans la capitale?
LARRY HURAS:
Non. Il n'y a pas de grande
différence entre les postes de coach à Berne, Zurich ou Lugano. Les
objectifs du club et les attentes du public sont les mêmes. Bien
sûr, je dois gérer une certaine pression, car l'équipe s'est fait
éliminer en quarts de finale ces deux dernières saisons.
"On doit travailler sur le mental"
tsrsport.ch:
Quelle
est votre recette pour que Berne redevienne une équipe
gagnante?
LARRY HURAS:
On doit travailler sur le plan
mental, avec des psychologues. Et il faudra travailler les
automatismes, afin de jouer aussi bien en playoff, sous stress,
qu'en qualification.
tsrsport.ch:
Y a-t-il des clans à Berne,
comme l'a déploré la presse l'an dernier? Quelles sont vos
premières impressions?
LARRY HURAS:
Il est vrai que mon équipe compte
des groupes distincts. On a d'un côté les francophones, Québécois
et Romands. D'un autre les Bernois, les Alémaniques d'autres
régions et enfin les jeunes. Il est normal que des clans se
forment, que des joueurs aient davantage d'affinités avec certains
autres. Mais une fois sur la glace, tous doivent tirer à la même
corde. C'est pourquoi mon objectif numéro un cette saison est de
faire du CP Berne un groupe uni.
"J'étais venu à Berne à cause de la Ligue des champions"
tsrsport.ch:
Berne
était qualifié pour la Ligue des champions. Regrettez-vous que
cette compétition ait finalement été annulée?
LARRY HURAS:
Oui, cela a été une grande déception
pour moi. La CHL était l'une des raisons qui m'ont fait venir
ici.
tsrsport.ch:
Le financement de la CHL
reposait uniquement sur les Russes de Gazprom...
LARRY HURAS:
On ne peut pas baser une compétition
de cette envergure sur une seule entreprise. C'est trop
précaire.
tsrsport.ch:
A propos, la Russie, et la très
opulente KHL, font de l'ombre à la LNA.
LARRY HURAS:
Oui. Le Dinamo Minsk a par exemple
payé le double de ce que nous offrions pour débaucher Byron Ritchie
de Genève-Servette. On ne pouvait pas s'aligner. Je comprends que
certains joueurs veulent obtenir un maximum d'argent. Surtout quand
ils arrivent en fin de carrière.
tsrsport.ch:
Cette surenchère pratiquée par
la KHL, qui attire les meilleurs joueurs évoluant en Europe,
n'est-elle pas un danger pour la qualité de jeu en LNA à moyen
terme?
LARRY HURAS:
A mon avis, les Russes ne pourront
pas pratiquer ces tarifs longtemps. Je leur donne encore 3-4 ans,
et ils vont retourner au même niveau que la Suisse. Ils prétendent
concurrencer l'Amérique du Nord, mais ils manquent encore de
structures et de professionnalisme pour pouvoir constituer
l'équivalent de la NHL en Europe.
tsrsport.ch:
Aimeriez-vous tout de même
entraîner un jour une équipe de la KHL?
LARRY HURAS:
Oui, ça fait partie de mes rêves. La
Suède me tente aussi énormément. Mais maintenant, je me sens bien à
Berne. On verra bien où cela me mènera.
tsrsport.ch:
Et diriger une équipe nationale,
y avez-vous également déjà songé?
LARRY HURAS:
Oui. Mais à ce poste, tu voyages
souvent, tu regardes des matches, et au final tu ne coaches pas
beaucoup. Or pour moi, il n'y a rien de mieux que de passer du
temps avec les joueurs au quotidien, et de développer les jeunes.
Pour l'instant, j'ai encore trop d'énergie pour m'occuper d'une
sélection. Mais l'idée me plaît.
Face à face avec Guy Lafleur
tsrsport.ch: Evoquons votre carrière de
défenseur (1975-1994): Pourquoi aviez-vous décidé de venir en
Europe en 1980?
LARRY HURAS: J'avais joué cinq années en tant que
professionnel aux Etats-Unis. Après ce laps de temps, à 25 ans, je
ne voulais plus rester dans les ligues mineures. J'ai donc envoyé
mon CV à tous les clubs européens de haut niveau. J'avais écrit que
je parlais le français et l'allemand, mais je bluffais un peu!
Finalement, l'offre de Grenoble était celle qui me convenait le
plus. J'ai vécu 14 superbes années en France, dont six comme
entraîneur-joueur (réd: il y a remporté 6 titres en tout).
tsrsport.ch: Auparavant, vous aviez eu
l'honneur de porter le maillot des New York Rangers à deux
reprises, en 1976/1977.
LARRY HURAS: C'est passé si vite! Lors du 2e
match, nous jouions au Madison Square Garden contre le Canadien de
Montréal. Sur une mise au jeu dans notre zone, je me suis retrouvé
face à face avec Guy Lafleur, LA vedette de l'époque. Je me suis
dit: j'espère que quelqu'un va prendre une photo de cette scène! Si
j'avais su que c'était ma dernière partie, j'aurais embauché 3-4
photographes (rires)! Mais je n'ai aucun regret pour ma carrière en
NHL. J'ai fait de mon mieux et je me suis vraiment bien
amusé.
Propos recueillis par Michaël Taillard
"J'aime faire rire les autres"
tsrsport.ch: Quand on pense à Larry Huras, on pense aussi à votre sens de l'humour.
LARRY HURAS: Je suis quelqu'un de plutôt extraverti, et j'aime rire. La vie est tellement courte, il faut rigoler un max chaque fois qu'on en a l'occasion! J'aime aussi faire rire les autres, je prends ça comme un challenge.
tsrsport.ch: Un journal alémanique vous avait un jour traité de "clown"...
LARRY HURAS: Les gens qui me connaissent savent qui je suis. J'exerce mon métier de coach très sérieusement. Je fais même très attention à ce que je dis lorsque je suis dans le costume de l'entraîneur, car je suis souvent sous les feux de la rampe. Y a-t-il des conneries que je n'aurais pas dû dire? Sans doute, oui. Mais en même temps, j'ai assez de confiance en moi-même pour empêcher que des attaques de ce genre me blessent.
tsrsport.ch: Cette image vous a-t-elle joué des tours vis-à-vis des joueurs?
LARRY HURAS: Non. J'ai eu assez de succès dans ma carrière pour mériter leur respect. Vous savez, je peux être très dur, si j'ai besoin d'augmenter la tension dans mon équipe. Et à l'inverse, si je sens que mes gars sont vraiment trop tendus, je suis capable de lancer une petite vanne de temps en temps.
Larry Huras express
Musique préférée: j'écoute de tout: classique, hip-hop, rock, country.
Boissons préférées: eau et Merlot du Tessin.
Repas préférés: plats italiens et mexicains.
Lieu de vacances favori: dans ma maison d'été au Canada, au bord d'un lac.
Séries TV préférées: 24h, Star Trek, Seinfeld, M.A.S.H., Friends.
Pires souvenirs: je les garde dans une petite boîte fermée à clé, quelque part au fond de ma tête.
Meilleurs souvenirs: toutes mes expériences de consultant pour la tsr. J'ai bien rigolé avec les journalistes.
Hobbies: ski alpin et nautique, pêche, golf, jouer du banjo, lire.
Si vous n'étiez pas hockeyeur: chef d'entreprise ou pilote d'avion.
Idoles: mon père. Jeune, j'admirais Bobby Orr (réd: légendaire défenseur canadien qui a évolué en NHL de 1966 à 1979). Je faisais tout comme lui, comme par exemple ne pas porter de chaussettes dans les patins. Hélas, je ne jouais pas aussi bien que lui!
Salaire: pas assez (rires)!
LE PARCOURS DE LARRY HURAS
Carrière de joueur
1975-1976: Port Huron Flags (IHL)
1975-1976: Providence Reds (AHL)
1976-1977: New Haven Nighthawks (AHL)
1976-1977: New York Rangers (NHL)
1977-1979: Salt Lake City Golden Eagles (CHL)
1979: Dallas Black Hawks (CHL)
1979-1980: Port Huron Flags (IHL)
1980-1984: Grenoble (FRA)
1984-1988: Gap (FRA)
Carrière d'entraîneur
1988-1994: Rouen (FRA/entraîneur-joueur)
1994-1996: ZSC Lions
1996-2000: Ambri-Piotta
2000-2001: ZSC Lions
2002-2006: Lugano
2006-2007: Ambri-Piotta
2007-2008: Stavanger (NOR)
2008-2009: Villach (AUT)
2009- : Berne