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Seger: "les clubs ne pensent qu'à eux"

Seger a marqué le hockey suisse de son empreinte. [Melanie Duchene]
Seger a marqué le hockey suisse de son empreinte. - [Melanie Duchene]
Mathias Seger laissera un grand vide une fois son immense carrière terminée. Le défenseur et capitaine emblématique des ZSC Lions, qui vient d'ajouter une ligne à son palmarès en remportant la Coupe de Suisse, a chaleureusement répondu aux questions de RTSsport.ch.

Plus de 1050 matches en LNA, 5 titres de champion suisse, une Coupe, une Ligue des champions et une Coupe Victoria côté club. Une médaille d'argent au Mondial, le record suisse de capes (305) et le record absolu de participations au Championnat du monde (16) côté sélection. Voilà, ainsi résumée, l'énormissime carrière de Mathias Seger.

Et la moisson n'est peut-être pas finie! Ce printemps, le défenseur et capitaine emblématique des ZSC Lions pourrait bien décrocher un 6e titre.

Mais cela ne lui fait pas tourner la tête pour autant. La semaine dernière, RTSsport.ch a rencontré à Oerlikon le Saint-Gallois de 38 ans. Que du bonheur!

"Je finirai ma carrière à Zurich"

RTSsport.ch:Peu avant Noël, vous avez prolongé votre contrat jusqu'en 2017 avec Zurich. Jusqu'à quand jouerez-vous?

MATHIAS SEGER: A mon âge, il ne faut pas se projeter trop loin. Il peut se passer quelque chose très vite. Je suis reconnaissant envers le club, qui m'accorde sa confiance une saison de plus. Je profite de chaque instant.

RTSsport.ch: Un retour à Rapperswil, que vous aviez quitté en 1999 pour les Lions, est-il envisageable? Ou pas du tout?

MATHIAS SEGER: Je pense qu'il vaut mieux pour le club et pour moi que je finisse ma carrière à Zurich. De toute façon, le HC St-Gall évolue dans une trop petite ligue (rires)! C'est peut-être un mot dur, mais je pense que ça casserait quelque chose en moi si je partais ailleurs.

RTSsport.ch:Vous sentez-vous désormais davantage Zurichois que Saint-Gallois?

MATHIAS SEGER: En ce qui concerne le hockey, je me sens Zurichois. Mais ça ne veut pas dire que je renie mes racines. Je dois d'ailleurs souvent les défendre dans le vestiaire. Et même à la maison! Ma fille me rappelle à l'ordre quand j'utilise des mots du dialecte saint-gallois (rires). Ma famille habite toujours le canton, et je m'y rends souvent. Et surtout, je resterai toujours un supporter du FC St-Gall!

RTSsport.ch: Lequel, parmi tous vos titres, a le plus de saveur à vos yeux?

MATHIAS SEGER: Dur à dire. Les titres en LNA sont spéciaux, car c'est l'aboutissement d'un travail de 10 mois. La médaille d'argent à Stockholm était importante pour la visibilité de notre sport en Suisse. La victoire en Ligue des champions, elle, nous a fait vivre des sensations incroyables par la suite. Zurich, en tant que club d'une grande ville, n'est pas très aimé. Pourtant, nous avions eu droit à une grande bouteille de vin et à une ovation du public à Bienne. C'était très émouvant. Concernant la Coupe, il faudra encore du temps pour que la sauce prenne. Mais c'est bien pour le club de l'avoir à nouveau remportée.

RTSsport.ch: En tous les cas, le cliché pris en avril 2012 dans un tram à Zurich, où on vous voit assis avec le trophée de champion suisse à côté d'une dame âgée, est mythique. Elle démontre aussi que vous êtes resté quelqu'un de simple.

MATHIAS SEGER: (rires). De temps à autre, quelqu'un me parle encore de cette photo. Sur le moment, j'ai été très surpris. Je ne pensais pas que ça sortirait et que ça ferait autant le buzz. On avait fait la fête toute la nuit et j'ai ensuite pris le tram au matin. Quoi de plus normal (rires)? C'est une histoire amusante.

"Les clubs de LNA ne pensent qu'à leur propre intérêt"

RTSsport.ch: A 38 ans, vous souhaitez disputer un 17e Mondial. Si seulement tous les joueurs suisses, dont Roman Wick et Andrei Bykov, pouvaient s'inspirer de votre dévouement envers l'équipe nationale...

MATHIAS SEGER: Je ne peux pas juger ces joueurs. Ils ont leurs raisons. Après tout, le corps est l'outil de travail du hockeyeur. S'il ne veut pas le mettre au service de l'équipe nationale, il faut l'accepter. Je vois davantage de problèmes dans le changement de structure au sein de la Fédération. La Ligue a beaucoup de pouvoir sur l'équipe nationale. Avant, quand un joueur recevait une convocation, il rejoignait la sélection, point barre. Maintenant, le sélectionneur doit d'abord demander au directeur sportif du club concerné s'il a le droit de choisir tel ou tel joueur. Le hockey suisse prend la mauvaise voie.

RTSsport.ch:Déplorable, en effet...

MATHIAS SEGER: Les clubs ne pensent qu'à leur propre intérêt, sans penser aux bénéfices apportés par l'équipe nationale. Si celle-ci a du succès, il y aura automatiquement plus de spectateurs dans les patinoires. Et plus d'enfants commenceront à jouer au hockey. Du coup, qui dit plus de joueurs en Suisse, dit augmentation de leur qualité. A mon avis, l'équipe nationale influence énormément la popularité de notre sport dans notre pays. 

RTSsport.ch:Que pensez-vous du choix de la Fédération de miser sur un sélectionneur suisse, Patrick Fischer?

MATHIAS SEGER:L'idée est bonne. Longtemps, on a pensé qu'un Canadien en savait automatiquement davantage sur le hockey. Et peu de joueurs canadiens restent en Suisse après leur carrière afin de s'engager pour la relève. Le but, c'est d'impliquer d'anciens joueurs suisses dans la formation, pour développer notre propre culture de hockey. Le problème, en revanche, c'est qu'on doit se défaire de nos préjugés. Il faut arrêter de penser que Fischer est forcément lié à Zoug ou à Lugano (réd: car il y a joué et/ou entraîné). Ce processus prendra du temps.

RTSsport.ch: Regrettez-vous toujours cette défaite en finale 5-1 contre la Suède lors du Championnat du monde 2013?

MATHIAS SEGER: J'ai toujours pensé que la déception ne serait que passagère. Mais elle est toujours présente... Cette possibilité de devenir champion du monde ne se présente pas tous les jours. Je n'y pense pas en permanence, mais ça me reste quand même encore en travers de la gorge. L'important, c'est que cette médaille d'argent a amené de la joie aux supporters, qu'elle a créé un bel engouement dans le pays. C'était comme dans un rêve... jusqu'en finale.   

"La NHL? Je n'ai pas eu le courage"

RTSsport.ch: Avez-vous à un moment donné reçu une offre d'un club de NHL?

MATHIAS SEGER: Non, jamais. Si j'étais jeune, j'essayerais d'obtenir un essai dans un club. Honnêtement, je n'avais pas le courage de faire le pas. C'était une autre époque, le style de jeu était plus rugueux en NHL dans les premières années de ma carrière. Mais je n'ai jamais eu l'impression d'avoir le niveau.

RTSsport.ch: Mark Streit nous avait un jour dit le contraire dans une interview...

MATHIAS SEGER: C'est sympa de sa part d'avoir dit ça. Lui, il s'est toujours fixé cet objectif d'y jouer, il a tout fait pour s'y imposer. C'est vraiment un pionnier, je l'admire.

RTSsport.ch: Pour terminer, avez-vous une idée de ce que vous ferez une fois vos patins définitivement rangés?

MATHIAS SEGER: Non, je n'ai encore rien décidé. Je me verrais bien rester dans le hockey, pour entraîner des juniors. Mais je pourrais aussi très bien prendre un nouveau départ, et faire quelque chose de complètement différent. J'ai quand même souvent été absent de la maison, notamment à cause des tournois joués avec l'équipe nationale. Je voudrais passer plus de temps avec ma famille, et pourquoi pas devenir homme au foyer (rires).

Propos recueillis par Michaël Taillard

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Mathias Seger express

Musique préférée: celle du groupe Eels.

Film préféré: ce sont plutôt des dessins animés qui tournent à la maison, à cause de mes deux filles (rires). Mais j'ai adoré "Miracle" et "Slapshot" (réd: deux films sur le hockey).

Plat préféré: boudin noir et rösti.

Boisson préférée: la bière.

Un lieu de vacances: j'aime faire du camping au Tessin, aller en montagne ou au lac de Walenstadt. Le plus bel endroit que j'ai vu est Bird Island, aux Seychelles. C'est un endroit magnifique, très paisible car il n'y pas beaucoup de bungalows. On n'y voit que des oiseaux et des grandes tortues.

Pire souvenir: la saison 2005/06, où Zurich a dû disputer les playout. On a eu 5 différents coaches, et utilisé une dizaine d'étrangers. Pourtant, il y avait beaucoup d'attente avec notre nouvelle patinoire cette année-là...

Meilleur souvenir: tous mes titres. Et tous ces beaux souvenirs qui y sont liés, qui ont eu lieu parfois en-dehors de la glace. Ou juste avant de rentrer en tram, oui (rires).

Un coéquipier marquant: Ari Sulander (réd: ex-gardien finlandais). A Zurich, il nous a portés à bout de bras durant plusieurs saisons. C'est lui qui a apporté la plus grande contribution aux succès que le club a connus. Mark Streit m'a aussi impressionné, à Zurich ou en équipe nationale. J'admire le chemin qu'il a parcouru, sa détermination et son ardeur au travail.

Un adversaire marquant: tous ces joueurs de NHL qui sont venus en LNA durant les saisons de "lock-out".

Si vous n'aviez pas été hockeyeur: plus jeune, j'ai fait un apprentissage de polymécanicien. Enfant, je voulais devenir mécanicien vélo. J'aime toujours bien les bricoler.

Un VIP dans le répertoire de votre natel: Patrick Fischer (réd: sélectionneur de l'équipe de Suisse). J'espère que lui aussi a toujours mon numéro (rires)!

Mathias Seger en bref

Poste: défenseur
Tir: gaucher

Taille/poids: 1m81 / 86 kg

Carrière: Rapperswil (1996-1999), ZSC Lions (1999-?).

Palmarès: vainqueur de la Ligue des champions en 2009 avec les ZSC Lions. Vainqueur de la Victoria Cup en 2009 avec les ZSC Lions face à Chicago (NHL). Champion de Suisse en 2000, 2001, 2008, 2012 et 2014 avec les ZSC Lions. Vainqueur de la Coupe de Suisse en 2016 avec les ZSC Lions.

Vice-champion du monde en 2013 avec l'équipe de Suisse. Seize participations au Championnat du monde (record), quatre participations aux Jeux olympiques. Recordman du nombre de sélections en équipe de Suisse (305).