René Huguenin: "Nous avons vécu des moments euphoriques en étant des amateurs"

Aller à la rencontre de René Huguenin, c’est faire connaissance avec une mémoire du club des Mélèzes. L’homme de 74 ans ouvre volontiers ses livres de souvenirs pour mettre en avant les bons moments vécus avec ses coéquipiers. "Je veux leur rendre hommage. C’est l'équipe qui fait le capitaine. Nous étions solides physiquement et moralement."

Celui qui a également porté fièrement le "C" du capitaine sur le maillot de l’équipe de Suisse (92 sélections) reste humble et raconte une pratique du hockey d’un autre temps. Défier les meilleures formations nationales sur la glace, tout en menant à bien son activité professionnelle (réd: électricien pour Huguenin) durant la semaine. Tel était le quotidien des René Huguenin, Guy Dubois, Gaston Pelletier, Michel Turler et Cie à la fin des années 1960.

RTSsport: Comment expliquez-vous le succès du HCC entre 1968 et 1973?

RENE HUGUENIN: La recette est le travail et le fait que l’équipe s'est construite au fil des années. L’essentiel du groupe, à cette époque-là, était formé de joueurs du coin. Nous avons gravi tous les échelons ensemble, juniors, ligue B, ligue A et finalement le titre de champion. L’ascension dans l'élite en 1965 a été un déclic. La gestion du club était optimale avec un président qui savait ce qu'il voulait et qui a pu faire venir un entraîneur hors-pair avec Gaston Pelletier.

RTSsport: S'il ne fallait retenir qu'un titre, ce serait lequel?

RENE HUGUENIN: Le premier sacre en 1968. Cela a marqué le club qui a été fondé en 1919. Gagner un titre, 49 ans après sa création, était magnifique. Ensuite, c’est incroyable d’avoir maintenu un niveau pareil pendant 6 ans.

Je n'ai jamais signé un contrat avec le HCC

RTSsport: Quel était le quotidien d'un joueur de ligue A dans les années 1960-1970?

RENE HUGUENIN: Il n’était pas concevable de gagner sa vie en faisant du hockey sur glace. Nous avions tous un métier à côté et il fallait trouver le bon arrangement avec son employeur pour concilier la pratique du hockey avec celle de son travail. Nous ne nous sommes pas enrichis en jouant au hockey. Il y avait des primes de matches mais nous ne gagnions pas grand-chose (sourire). Je n'ai jamais signé un contrat avec le HCC. Nous avons vécu des moments euphoriques en étant des amateurs.

RTSsport: Pour des amateurs, le calendrier était bien rempli. Il y avait aussi les matches avec l'équipe de Suisse…

RENE HUGUENIN: Les saisons pouvaient être démentielles! Par exemple, lors de l’exercice 1971-1972, nous étions engagés sur plusieurs fronts. Il y avait le championnat, la Coupe de Suisse, la Coupe des Alpes, la Coupe Spengler, la Coupe d’Europe et aussi toutes les parties avec l’équipe de Suisse. Il ne faut pas oublier que La Chaux-de-Fonds constituait une grande partie de l’équipe nationale pendant ces années-là. Nous avions joué en tout 92 matches…

RTSsport: ...et en prime un voyage au Japon au milieu de l'hiver pour disputer les Jeux olympiques de Sapporo…

RENE HUGUENIN: Avoir pu participer à ces JO reste une très belle expérience, même si le résultat final n'a pas été bon. Les Russes, Tchèques, Suédois et Finlandais étaient clairement au-dessus et nous n’avions pas eu des bonnes conditions de préparation sur place.

La vitesse de jeu a énormément évolué, pour le meilleur mais aussi le pire…

RTSsport: Quel est votre regard sur l'évolution du hockey sur glace au fil des années?

RENE HUGUENIN: La vitesse de jeu a énormément évolué, pour le meilleur mais aussi le pire… Aujourd'hui, il y a beaucoup trop de commotions cérébrales dans ce sport. Pour moi, c’est inadmissible. Il faut vraiment serrer le jeu. Cela devrait être désormais possible avec 4 arbitres sur les patinoires.

RTSsport: Le matériel a aussi beaucoup changé…

RENE HUGUENIN: Il n’y avait que 2 patinoires couvertes en Suisse à l’époque, celles du Hallenstadion à Zurich et des Vernets à Genève. Nous jouions des fois sous la neige avec des températures de -15 degrés. Lorsqu’il pleuvait, c'était terrible pour les gardiens. Leurs jambières en cuir prenaient l’eau et triplaient de poids! Le matériel est maintenant ultra léger et très résistant. Je me souviens d'un coéquipier qui pouvait facilement casser jusqu'à 70 cannes en bois par saison.

RTSsport: Comment voyez-vous l'avenir du HC La Chaux-de-Fonds?

RENE HUGUENIN: De nos jours, une équipe de hockey se gère comme une grande entreprise. Il faut aussi un minimum d’argent pour avoir une équipe compétitive. Mais il n'y a pas de raison que le HCC ne revienne pas une fois dans l'élite du hockey suisse. La roue peut tourner. Davos, Zurich et Berne étaient en ligue B au moment où nous étions au sommet.

Propos recueillis par Sébastien Schorderet