Hugues Ansermoz (46 ans) est ce qu'on appelle communément le
"roi des bons gars". Toujours de bonne humeur, le Vaudois des
Diablerets n'élève jamais la voix. Pas étonnant que pour "ses
filles à lattes", Hugues le "big boss" est souvent plutôt le
papa-poule/cool.
Efficace avec les Canadiennes de 97 à 06, cette méthode "douce"
convient bien aussi à Swiss-Ski puisque les Suissesses grimpent
petit à petit. A croire qu'"Huggy les bons tuyaux", ce n'est
finalement peut-être pas qu'un mythe! A quelques mois des JO,
tsrsport.ch a rencontré ce papa de trois petites filles, dont deux
jumelles. Une interview "paternelle".
"Le but est de qualifier un maximum de filles pour les JO"
A Val d'Isère,
certaines filles n'ont pas réussi à gérer la pression
tsrsport.ch:
La saison 2008/09 a été
exceptionnelle pour le clan féminin, avec une 2e place par nations
au final. Que peut-on attendre cette année, en tenant compte de la
blessure de Lara Gut?
HUGUES ANSERMOZ:
Il est vrai que nous avons tout
à coup réussi un gros saut en avant, grâce aux Gut, Suter et autre
Gisin notamment. Tout le monde attend que nous confirmions, mais ce
ne sera pas aussi facile que ça, et notamment en raison de
l'absence de Lara. Elle avait parfaitement lancé l'hiver dernier
avec son 5e rang à Soelden. Et si ça ne commençait pas aussi bien
cette saison pour nous? Jusque-là, tout le monde avait été patient
avec nous... Cette année, nous ne pourrons plus proposer de
surprises. Il sera très difficile de sortir quelqu'un que personne
ne connaît encore.
tsrsport.ch:
Et avec les JO de Vancouver à
l'horizon, cette saison sera spéciale.
HUGUES ANSERMOZ:
Ce sera évidemment la priorité
no1 de l'hiver. Mais pour espérer réussir quelque chose, il faut
absolument bien marcher avant. En ce sens, les Mondiaux de février
dernier constituaient une bonne préparation. Les filles qu'on
pouvait attendre à Val d'Isère, comme Gisin ou Suter, n'ont pas
réussi à gérer la pression. Le but, d'ici-là, ce sera de qualifier
le maximum de filles possibles pour les JO. Pour conditionner un
peu la troupe, nous sommes allés 4 jours à Vancouver en fin de
saison dernière avec les filles qui n'y étaient encore jamais
allées. Et, par rapport à Val d'Isère, nous aurons une vraie
coupure avant les Jeux, soit 10 jours environ. Cela nous permettra
de souffler un peu.
"Il risque d'y avoir 1-2 jours de "loterie" durant les JO"
tsrsport.ch: Les conditions seront également
très différentes de la Savoie, au niveau de la météo et des
pistes...
HUGUES ANSERMOZ:
A Whistler Mountain, où se
disputera le ski alpin, la température peut changer très vite. En 2
minutes, on peut passer du beau à la tempête. Le numéro de dossard
sera donc crucial dans les épreuves de vitesse. Sur les deux
semaines, il risque donc d'y avoir 1-2 jours de "loterie". Au
niveau des pistes, elles sont plus faciles qu'à Val d'Isère, où le
terrain de jeu était idéal pour Lara Gut, qui aime les pistes
gelées. Les autres filles pourront donc s'éclater.
tsrsport.ch:
Même sans Lara Gut, l'objectif a
été fixé à deux médailles aux JO...
HUGUES ANSERMOZ:
Ce n'est pas parce que Lara
n'est pas là qu'on va changer nos objectifs! On a envie de se
mettre une certaine pression nous-mêmes. Et ce sera une chance pour
les autres de se montrer. Mais pour rêver de médailles, il faut
faire des podiums avant! Il faudra pointer régulièrement dans le
top-5 pour briller au Canada.
tsrsport.ch: Lever le pied en vue des JO
n'est donc pas possible pour un athlète?
HUGUES ANSERMOZ:
A mon avis, très peu d'athlètes
peuvent se le permettre. Il y avait bien Kjus et Aamodt, mais
sinon... Une Anja Paerson, qui a tout gagné au niveau de la Coupe
du monde, pourrait tout miser sur les Jeux, mais j'ai de la peine à
y croire. Vous savez, il y a toujours une surprise au niveau des
médailles, mais une seule. A Turin, cela avait été pour nous (réd:
Martina Schild 2e en descente). Nous avons aussi la chance de
compter dans nos rangs une Nadia Styger, qui avait remporté la
descente de répétition générale à Whistler en 2008. Elle le sait
qu'elle avait gagné. Bon, elle sait aussi qu'il ne sera pas facile
de se qualifier...
"On a les moyens de dépasser l'Autriche"
Je suis persuadé que
Lara Gut va parvenir à faire son retour
tsrsport.ch:
Et votre "locomotive", Lara Gut,
est sur la touche, blessée à une hanche. Pourra-t-elle vraiment
revenir?
HUGUES ANSERMOZ:
C'est là qu'on verra la
différence entre un talent et une championne. Une championne
reviendra beaucoup plus forte. J'ai vu beaucoup de talents blessés
qui ne sont jamais revenus au plus haut niveau... On a entendu
plein de choses par rapport à Lara, et notamment qu'elle voulait
tout gagner cette saison. Je pense qu'elle aurait pu viser le
général... Elle doit maintenant se donner le temps de revenir, et
je suis persuadé qu'elle va y parvenir. Pour ce qui est des
"locomotives", on les a avec Fabienne Suter et Dominique
Gisin.
tsrsport.ch:
A Vancouver, toute la pression
sera en fait sur l'équipe du Canada...
HUGUES ANSERMOZ:
Oui, mais pas forcément sur le
ski, qui n'est pas très médiatique. Qui sera le tout premier
médaillé d'or canadien à domicile, tous sports confondus? C'est ça
LA question. Mais leurs espoirs sont plutôt axés sur le hockey sur
glace ou le curling.
tsrsport.ch:
Vous avez entraîné au Canada de
1997 à 2006. Vous êtes depuis le "big boss" des skieuses
helvétiques. Ne regrettez-vous pas de ne pas vivre Vancouver dans
la peau d'un "Canadien"? Un retour là-bas vous
intéresserait-il?
HUGUES ANSERMOZ:
Non, ce n'est pas forcément un
objectif, même s'il y a eu des discussions. J'ai quand même passé
d'excellents moments là-bas. Reste qu'après les JO, je pense qu'on
parlera moins du ski canadien... Entraîner en Suisse, c'est le top.
On a les moyens de dépasser l'Autriche, de devenir nos1 en vue de
Sotchi 2014. Pour ce faire, il faut construire avec les 16-17 ans.
Notre stratégie, c'est la jeunesse. Il faut donc évidemment se
concentrer sur la Coupe du monde et les Jeux, mais il faut
également garder un oeil en bas de l'échelle.
"Aucun médicament ne fera de toi un meilleur skieur"
tsrsport.ch:
Les
hommes en Argentine, vous en Nouvelle-Zélande: quels sont les buts
de ces préparations aux antipodes?
HUGUES ANSERMOZ:
C'est avant tout le moyen de
profiter de véritables conditions hivernales pour s'entraîner. Mais
la Nouvelle-Zélande, c'était aussi une sacrée expérience humaine
puisqu'on logeait tous dans des appartements et que nous faisions
la cuisine nous-mêmes. On vivait comme une grande famille. On
aborde ainsi la saison différemment.
tsrsport.ch:
A part un cas ou l'autre, le
dopage est quelque chose dont on parle très peu en ski alpin. Qu'en
pensez-vous?
HUGUES ANSERMOZ:
Je n'ai pas l'impression que ça
touche vraiment le ski. Ca peut peut-être aider un peu, mais aucun
médicament ne fera de toi un meilleur skieur. Mais je suis
peut-être trop naïf de penser qu'aucun skieur n'a jamais essayé...
Ce qui me dérange, c'est qu'un athlète est toujours considéré comme
coupable avant d'avoir prouvé qu'il est innocent! Désormais, les
athlètes doivent communiquer leur programme heure par heure, et ce
3 mois à l'avance. Alors qu'en ski on ne sait pas où on sera la
semaine prochaine!
Propos recueillis par Daniel Burkhalter
Hugues Ansermoz express
Première chose faite au réveil: éteindre le réveil, justement! Et souvent, en déplacement, je téléphone à la maison.
Plat préféré: la fondue bourguignonne.
Boisson favorite: un bon verre de rouge, mais du vaudois!
Film préféré: la série des Star Wars, ou encore les Indiana Jones.
Série favorite: Mon Oncle Charlie.
Musique préférée: J'étais au concert de Bruce Springsteen à Berne, c'était fantastique. Sinon, de mes années au Canada, j'ai "ramené" Nickelback.
Lieu de vacances favori: les meilleurs moment de repos, c'est à la maison. Je rêve d'emmener ma famille à Tahiti.
Meilleur souvenir: le doublé Gut-Suter à St-Moritz, la saison passée. Ou sinon la naissance de mes 3 filles. J'ai toujours de la peine à réaliser.
Pire souvenir: ma première année au Canada. Nous avons eu un grave accident de circulation, et 5-6 filles ont dû aller à l'hôpital. Et je conduisais... La même année, il y a eu un problème de moeurs avec l'un des entraîneurs. A la fin de la saison, tous les coaches sont partis et je me suis retrouvé seul! Mais j'ai beaucoup appris de cette année.
Principale qualité: patience, calme. Je suis plus extérieur qu'intérieur. Principal défaut: j'essaie d'éviter les conflits. J'attends que ça s'arrange.
Une idole? Roger Federer, pour la Suisse, le monde et le sport.
Votre salaire: Comme entraîneur, ce n'est pas facile. Chef, c'est un peu mieux (rires!). Mais c'est de toute façon incomparable avec d'autres sports. Imaginer prendre sa retraite et ne plus rien faire est simplement impossible.
La retraite: On y pense. Ca devient difficile d'être toujours absent. Je manque beaucoup de choses. J'aimerais skier avec mes filles. L'hiver dernier, entre le 5 novembre et le 20 mars, j'ai passé 14 nuits à la maison! HUGUES ANSERMOZ ET SES "FILLES"
La plus "déconneuse": Fraenzi Aufdenblatten, sans aucun doute.
La mieux habillée: Aline Bonjour.
Celle qui cuisine le mieux: pas facile... Je dirais Andrea Dettling.
La plus "compliquée": la saison passée, c'était Lara Gut, qui faisait de bons résultats. Comme elle s'entraînait de son côté, ce n'était pas toujours facile à gérer par rapport aux autres.
La plus dragueuse: elles sont toutes assez sages, parfois trop (rires)!
La plus dépensière: alors là, je crois bien que c'est... moi!