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Martin Rufener, l'homme des airs oberlandais

Rufener a instauré un esprit de famille dans l'équipe suisse.
Rufener a instauré un esprit de famille dans l'équipe suisse.
Depuis l'arrivée de Martin Rufener à la barre de l'équipe masculine de ski, les Suisses se sont améliorés. L'Oberlandais évoque la saison en cours et les Mondiaux.

Martin Rufener (49 ans), un ex-pilote d'hélicoptère, dirige
l'équipe suisse masculine de ski depuis le printemps 2004. Et
depuis l'arrivée du Bernois à la barre, les skieurs helvétiques ont
littéralement repris... de la hauteur.



Rufener le discret, celui qu'on dit bon organisateur, a redonné de
l'assurance à nos skieurs, et les a surtout remonté vers les
sommets... des podiums. Sa méthode, basée sur la communication et
l'esprit de famille, passe à merveille. tsrsport.ch s'est entretenu
avec le sympathique Oberlandais à quelques jours des Mondiaux de
Val d'Isère. Il parle de son rôle, de l'accident de Daniel
Albrecht, etc.



tsrsport.ch: Vous sortez d'une semaine
particulière à Kitzbühel avec, d'une part, le terrible accident de
Daniel Albrecht et, de l'autre, les victoires de Didier Défago et
Silvan Zurbriggen...




MARTIN RUFENER: Oui, surtout que tous ces
événements ont été très proches dans le temps. Après l'accident, il
a fallu tout organiser, veiller à ce que tout se mette bien en
place. Mais il a aussi fallu aider les autres coureurs à se
reconcentrer directement. Le fait qu'un super-G figurait au
programme le lendemain, et pas la descente, était peut-être aussi
un avantage. J'ai aussi pu rassurer les gars par rapport à "Dani",
dont l'état était stable.



Le lendemain arrive donc ce super-G, avec de bons résultats dont
un podium, puis la victoire de "Def" en descente et celle de Silvan
en combiné. Genre "montagnes russes", on n'aurait pas pu faire
mieux! Tout était très intense.



tsrsport.ch: Comment doit se comporter le
chef alpin avec ses coureurs après un accident comme celui survenu
à Albrecht?




MARTIN RUFENER: C'est vrai que j'ai discuté avec
l'un ou l'autre. Mais comme le staff avait été bien briefé, c'est
lui qui a pu se concentrer sur son travail pour faire passer les
infos, que ce soit lors de l'analyse vidéo individuelle ou couché
sur la table de massage avec le physiothérapeute.

"Je ne joue pas au papa"

tsrsport.ch: Concrètement, en quoi consiste
le rôle du chef alpin? Est-ce un grand organisateur qui joue
parfois au "papa"?




MARTIN RUFENER: Papa, ça me semble exagéré. Je
dois donner les directions et veiller à ce que tout le système
fonctionne bien. Après, il est vrai qu'il faut parfois encadrer
davantage tel ou tel coureur. Il faut avoir du temps pour celui
chez qui tout ne va pas forcément bien. Mais je dois aussi
m'occuper de tout le staff technique, jusqu'aux servicemen, pour
les motiver encore davantage. Parfois, certains petits détails sont
très importants. Quand je passe 3h en voiture entre les courses, il
y a 2h au téléphone... On n'est d'ailleurs pas encore à Val d'Isère
que je dois briefer les gens du staff qui arriveront en premier,
m'assurer que tout soit en ordre, des locaux "matériel" aux salles
vidéo, etc.



Il faut aussi veiller à ce que les athlètes obtiennent de bons
matelas, ou même que, étant donné les virus qui traînent, que leurs
chambres soient parfaitement aérées avant leur arrivée. Ca peut
paraître futile, mais il faut vraiment penser à plein de détails.
Sans oublier Veysonnaz, qui sera notre base d'entraînement pendant
les Mondiaux et où seront organisées les sélections internes en
géant. Il faut donc organiser les transferts par les airs,
etc.



tsrsport.ch: Vous êtes maintenant en poste
depuis plus de 4 ans. Quel bilan tirez-vous de cette
période?




MARTIN RUFENER: Quand on voit le développement
des athlètes "plus âgés", qui étaient un peu dans le doute au
moment où j'ai pris du service, je ne peux que tirer un bon bilan.
Dans cette phase de "reconstruction" sur les 1-2 premières années,
ils ont réussi de très bons résultats. Je pense notamment à Bruno
Kernen ou Ambrosi Hoffmann qui sont allés décrocher des médailles
aux JO ou aux Mondiaux. Ensuite, on a perdu des Bruno, Paul Accola
ou Jürg Grünenfelder, réduisant la force du groupe 1. Il a fallu
intégrer des jeunes...



Si j'analyse la situation actuelle, nous livrons une bonne saison
mais n'avons pas de chance avec les blessures, surtout chez les
jeunes. Nous sommes également revenus au top en géant, dominons
d'autres disciplines et avons en plus gagné 2 globes en descente
grâce à Didier Cuche. Et nous avons maintenant retrouvé un bel
équilibre avec nos plus jeunes skieurs.

"Je ne suis pas inquiet pour la relève"

tsrsport.ch: Ce problème de blessures chez
les jeunes ne concerne pas que la Suisse...




MARTIN RUFENER: Dans les 2-3 dernières années, il
y a eu beaucoup de skieurs blessés au top niveau, que ce soit chez
nous, en Autriche ou en équipe de France la saison
dernière...



La recherche de la limite et la concurrence font que chacun skie
avec plus d'intensité à l'entraînement. Ce n'est par contre pas
forcément dû à une plus grande prise de risques. Tout est
simplement devenu plus extrême en phase de compétition.



tsrsport.ch: Comment voyez-vous l'avenir de
l'équipe? Certains coureurs approchent de la fin de leur
carrière...




MARTIN RUFENER: On sait tous que les pages se
tournent, mais il y a toujours de nouveaux gars qui arrivent. Bon,
il est clair que nous n'avons pas les moyens de remplacer d'un coup
10 athlètes. J'espère que l'on pourra petit à petit combler les
lacunes.



On voit notamment qu'actuellement, et pour la première fois depuis
un moment, ça marche à nouveau bien pour nous dans les disciplines
de vitesse en Coupe d'Europe avec les Patrick Küng, Vitus Lüönd,
Christian Spescha ou encore Mauro Caviezel. Des skieurs, on en a.
Il faut maintenant voir comment on les amène au top. C'est pourquoi
je ne suis pas trop inquiet pour la suite.



tsrsport.ch: De taille comparable, l'Autriche
sort pourtant des athlètes à la pelle.




MARTIN RUFENER: Ils ont eu beaucoup d'avance sur
nous avec leurs écoles de sport. Mais un retard que nous comblons
gentiment avec nos deux écoles de Brigue et Engelberg pour
l'alpin.



De plus, en Autriche, skieur professionnel est considéré comme un
métier, comme ça l'est en Allemagne, en France ou en Italie, ce qui
apporte une sécurité supplémentaire. Chez nous, c'est un peu le cas
en ski nordique au travers des gardes-frontière à l'armée. En
Suisse, un athlète doit apprendre un métier et ensuite peut-être
aller dans une école de sport pour se développer. De plus, en
Autriche, le ski est le sport no 1, pas le foot ou le
hockey...



Propos recueillis par Daniel Burkhalter

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Mondiaux: objectif 3 médailles

tsrsport.ch: Vous aviez déclaré que la Suisse pourrait gagner par nations en 2011...

MARTIN RUFENER: Nous serions déjà sur le bon chemin cet hiver, sans les blessures de Berthod et Albrecht... Sans tout cela et en tenant compte des blessés chez les Autrichiens, cela aurait pu être possible dès cette saison. Mais il faut aussi constater que tout s'est énormément reserré devant, et qu'il faut prendre davantage de risques pour gagner. Les "stars" du Cirque blanc tournent ainsi en "top" ou "flop" cet hiver.

tsrsport.ch: En octobre, vous aviez déclaré que l'objectif pour Val d'Isère était de 3 médailles. Toujours d'actualité?

MARTIN RUFENER: Avec la perte de Daniel Albrecht, qui aurait pu briller dans toutes les disciplines, il ne faut pas rêver et rester réaliste. Avec 3 médailles, nous serions contents.

Martin Rufener express

La première chose que vous faites le matin: je me brosse les dents.

Plat préféré: la fondue.

Boisson préférée: l'eau minérale.

Destination de vacances favorite: au bord de la mer, sur une île.
La musique que vous préférez: country.

Si vous n'aviez pas été actif dans le monde du ski: je piloterais encore des hélicoptères.

Le ski, ça représente: presque tout, mais pas autant que la famille.

Le dopage, c'est: une tricherie.

Votre principale qualité: mes oreilles attentives.

Votre principal défaut: l'impatience.

Votre salaire: me réveiller le matin en étant heureux de ce que je fais.