Didier Cuche pour le grand globe
Didier Cuche est reparti pour un tour. Après sa brillante saison
2006-20007 (1er Coupe du monde de descente, 3e du général, 3e des
Mondiaux d'Are en géant et 7 podiums, dont 1 victoire), le
Neuchâtelois de 33 ans rêve d'abord de faire aussi bien. Car
"mieux, ce serait la perfection".
"Kuke" a même enfilé quelques portes de slalom, ne sait-on jamais,
des fois que les Svindal, Raich ou Miller décideraient d'abandonner
des points en route... A quelques jours des épreuves de vitesse de
Lake Louise/CAN, le Vaudruzien fait le point depuis Nagiska/CAN, où
les Suisses s'entraînent sur un tapis neigeux guère épais (20 cm).
"Quand on est arrivé, il n'y avait pas de neige", souligne-t-il.
Interview.
"J'en avais encore sous le pied"
TXT: A Soelden, vous avez terminé 8e du
géant. Etait-ce pour vous le véritable coup d'envoi de la saison,
ou l'occasion d'une belle répétition générale?
DIDIER CUCHE:Il est clair que cette course
intervient peut-être un peu tôt. Mais j'y ai pris une place
honorable, surtout que je n'ai pas skié les deux manches à mon
niveau. J'en avais encore sous le pied, ce qui est positif. Je suis
à un peu plus d'une seconde de la 1ère place, et à 8 dixièmes du
podium. Ce n'était finalement qu'une question de dosage dans la
prise de repères.
- Quand on sort d'une saison aussi brillante que la dernière,
est-ce que l'on se dit: "je ne dois absolument rien changer, tout
marchait bien", ou bien y a-t-il tout de même des changements dans
la préparation?
DIDIER CUCHE: Il y a de toute façon toujours des
choses à améliorer, même si, sur le fond, ma préparation a toujours
été la même, et ce même les années où cela allait moins bien. Une
bonne saison n'est rarement qu'une histoire d'entraînement et de
préparation. C'est un gros puzzle, et il faut que tout joue. Chaque
pièce doit trouver sa place pour que l'image soit belle.
- Vous avez tout de même passé quelques piquets de slalom en
plus...
DIDIER CUCHE: Oui, pour me sentir un peu mieux en
vue des supercombinés. Mais un vrai slalomeur se fait entre 15 et
20'000 piquets de slalom durant l'été. Moi, je viens de passer la
barre des 2000... Sur les portions de plat, ça va. Mais dès que la
pente se fait plus raide, j'ai plus de peine.
"Sans le supercombiné, le globe était pour moi!"
- Ce sont justement quelques
points en slalom ou combiné qui vous ont manqué pour gagner le
général de la Coupe du monde...
DIDIER CUCHE:
Svindal m'a devancé au général de
170 points, ce qui représente une victoire et une 2e place. Donc,
si le supercombiné n'existait pas, le globe de cristal était à moi!
Donc oui, parfois je regrette de ne pas être un meilleur
slalomeur... Mais voilà, mon parcours s'est dessiné comme ça. Mais
j'ai eu pas mal de grosses blessures étant jeune. Et pour revenir,
il a fallu se concentrer sur les disciplines plus "faciles". Le
slalom, quand tu reviens de blessure, c'est pas facile. D'ailleurs,
en y repensant, je n'aurais jamais pensé que je serais aussi
performant en descente, super-g et géant en même temps.
- Le grand globe de cristal, ça reste donc quand même un
rêve?
DIDIER CUCHE:
Oui, évidemment. Mais c'est un rêve
pour tout le monde. Et ce sont les rêves qui font avancer dans la
vie... Mathématiquement, la possibilité que je le gagne est là,
mais elle l'est encore davantage pour les Miller, Raich et Svindal,
qui s'alignent dans les cinq disciplines. Moi, il faudra que je
réussisse une nouvelle année exceptionnelle, en étant dans le top 3
dans mes 3 disciplines. Et avec un peu de chance, je pourrai
peut-être entretenir la flamme...
- Mais vous vous alignerez quand même davantage en
supercombiné cet hiver?
DIDIER CUCHE:
Oui, mais au coup par coup. En tout
cas au début, et en suite selon mes chances au classement
général.
"Je ne pense pas que le but sera atteint"
- Votre fantastique saison passée, c'est un moteur ou une
pression supplémentaire sur vos épaules?
DIDIER CUCHE: Ce qui est acquis est acquis, c'est
vrai. Mais c'est aussi un nouveau départ, une nouvelle saison, et
là, tout recommence à zéro. Et ce n'est pas parce que ça marchait
bien l'hiver dernier que ce sera à nouveau le cas cette saison!
Faire mieux, ce serait atteindre la perfection!
- D'autant plus que le matériel a un petit peu
évolué...
DIDIER CUCHE: Les skis sont devenus plus larges
sous le pied, c'est vrai, et on est un peu plus bas sur la
fixation. Le but de ces changements est de limiter les blessures au
genou, notamment. Mais je n'ai pas l'impression qu'il sera atteint.
Après 3-4 jours de ski, tu sens ton corps, tu sens que ça a tiré un
peu partout... A part ça, cela a juste demandé 1-2 jours
d'adaptation. Mais les skis marchaient bien la saison passée. Il
n'y a donc aucune raison que l'on ne soit plus dans le juste cet
hiver...
- Chez Head, vous aviez déjà Bode Miller comme "coéquipier".
Maintenant, il y a un autre ténor en la personne d'Hermann Maier.
Ca change quelque chose pour Didier Cuche?
DIDIER CUCHE: En fait, je n'ai pas senti de
changement d'attitude de la marque envers moi. Je sais qu'il a eu
certaines demandes, mais ça peut faire bouger les choses pour tout
le monde. Et là encore, comme ça marchait bien l'hiver dernier, il
n'y a pas de raison de tout chambouler. Une firme de ski développe
de toute façon sans cesse du nouveau matériel, et parfois même des
trucs un peu fous. Mais après, ce sont les différents athlètes qui
testent tout ça. A part ça, concernant Maier, le statut qu'un
athlète a une année chez une marque disparaît très vite chez une
autre. D'ailleurs, je tiens à remercier Head pour la confiance
témoignée après mon hiver 2005-2006 difficile. Je revenais de très
loin et ils ont quand même cru en moi, en mon potentiel.
Maintenant, Miller, Maier, Buechel ou Cuche, c'est égal. C'est le
nom de la marque qui doit être mis en évidence!
- Et comment est la forme à quelques jours du véritable coup
d'envoi?
DIDIER CUCHE: J'ai été assez constant -plutôt
rapide (il rit!)- jusqu'ici. Là, je suis dans les derniers réglages
fins. Je fais encore l'essai de différents modèles de chaussures.
On parle toujours des skis, mais il ne faut pas oublier que les
chaussures sont tout aussi importantes! Il faut trouver le bon
angle de la cheville, la bonne hauteur, etc. Et tout ça, ça change
selon comment est la neige. Généralement, tu as un modèle dit
"référence". Mais pour éviter de le griller à l'entraînement, tu
dois constamment en chercher d'autres, qui pourraient eux aussi
devenir des "références".
TXT/Propos recueillis par Daniel Burkhalter
"Des individualités, il y en aura toujours"
TXT: La saison du ski helvétique a idéalement commencé, avec la victoire en slalom de Marc Gini à Reiterhalm...
DIDIER CUCHE: C'est magnifique! Ca donne confiance et motive les troupes! Mais on sentait que ça allait venir. Il pointait déjà le bout de son nez l'hiver passé.
- Mais on sent désormais l'équipe de Suisse masculine capable de gagner partout, et plus seulement par surprise.
DIDIER CUCHE: Je pense que ce sont des cycles. Des années, tout va bien, et d'autres un peu moins. C'est vrai qu'actuellement tout va bien pour nous. Des individualités, il y en aura toujours. Mais les avoir en même temps, ça c'est dur.
- On peut donc s'attendre à un autre bel hiver pour le ski suisse?
DIDIER CUCHE: Là encore, rien n'est jamais acquis d'avance. Et si nous avons eu un bel hiver 2006-2007, il ne faut pas oublier que nous n'avons quasiment pas eu de blessés...
DIDIER CUCHE EXPRESS
La première chose que vous faites le matin: je laisse sonner mon réveil une 2e fois, 9 minutes plus tard...
Votre meilleur souvenir: difficile d'en choisir un: ma 1ère victoire, à Kitzbuehel, devant des milliers de gens. Le succès à Adelboden, là aussi devant une foule considérable, le globe de cristal, l'argent aux JO de Nagano, etc.
Votre pire souvenir: les blessures, évidemment, même si j'ai à chaque fois fait un pas en avant ensuite.
Un autre sport? le football peut-être. J'ai fait une saison en juniors D, comme défenseur. Je devais m'occuper de l'attaquant adverse et je crois que je me suis bien débrouillé...
Si vous n'aviez pas été skieur: j'ai appris boucher, mais j'ai aussi toujours aimé l'odeur du bois. Menuisier ou charpentier, ça m'aurait plu.
Votre principale qualité: très généreux, et pas seulement au niveau pécunier.
Votre principal défaut: impatient, ou tête de mule qui essaie de se soigner. J'ai un caractère fort, mais sans lui, je n'en serais peut-être pas là aujourd'hui...
Votre idole: j'ai toujours admiré Luc Alphand. Le skieur et le personnage.
Votre devise: n'abandonne jamais!
Votre salaire: je gagne bien quand je skie bien! Mon fixe me permet de vivre, mais pas longtemps si je ne fais pas de résultats...