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Ralph Krueger évoque ses 12 ans de règne

Ralph Krueger a encore du pain sur la planche.
Ralph Krueger, le coach qui a décomplexé la Suisse.
Avant l'arrivée de Ralph Krueger, l'équipe de Suisse de hockey ne faisait pas peur à grand-monde. Douze ans plus tard, la Nati pointe au 7e rang mondial. Entretien.

La longévité de Ralph Krueger (49 ans) à la tête de l'équipe
nationale de hockey sur glace est exceptionnelle. Durant son règne
de 12 ans, le natif de Winnipeg a obtenu les meilleurs résultats de
la Nati sur la durée depuis les années 1950.



L'ex-international ouest-allemand, qui va entamer les démarches
pour devenir citoyen helvétique vers la fin de l'année, a réussi
l'exploit de propulser la Suisse au 7e rang mondial. Et ce avec un
réservoir de joueurs qui ne compte qu'une poignée de hockeyeurs en
NHL.



Tsrsport.ch a rencontré, pendant la Victoria Cup à Berne,
l'entraîneur qui a fait du hockey le sport collectif majeur le plus
compétitif du pays sur le plan international.

"L'horizon était bouché en Amérique du nord"

tsrsport.ch: Vous avez grandi au Canada.
Pourquoi êtes-vous venu en Europe à 20 ans?




RALPH KRUEGER: Mes parents étant de nationalité
allemande, j'avais deux passeports. Et comme l'horizon était bouché
pour moi en Amérique du nord, j'ai saisi l'opportunité de continuer
ma carrière en Allemagne de l'ouest. Lorsque je me suis installé
dans la région de Düsseldorf, je pensais venir pour un an
seulement. Et je suis resté un peu plus longtemps! (ndlr: Krueger a
joué 384 matches de DEL avec Düsseldorf, Schwenningen, Riessersee
et Iserlohn de 1979 à 1988 (243 buts et 480 points). Il fut même
meilleur compteur de DEL en 1980/81 avec 103 points au total. Il
devint entraîneur-joueur à Duisbourg, alors en D2, en
1989/90).



tsrsport.ch: Brillant ailier droit à
l'époque, vous avez disputé 45 matches pour l'équipe nationale
d'Allemagne de l'ouest dans les années 1980. Que vous reste-t-il de
votre carrière de joueur international?




RALPH KRUEGER: C'était un grand honneur de porter
le maillot d'une nation. Cette expérience m'aide à présent dans mon
travail d'entraîneur de la Suisse. Il était aussi spécial de se
mesurer à l'élite mondiale. J'étais très fier d'avoir pu atteindre
ce niveau, et je donnais donc toujours mon maximum en sélection.
Mes meilleurs souvenirs sont d'avoir participé au Championnat du
monde du groupe A en 1981 et en 1986.

"Le hockey suisse s'est bien amélioré"

tsrsport.ch: Aviez-vous affronté la
Suisse?




RALPH KRUEGER: Je n'ai jamais rencontré la Suisse
dans le cadre d'un Mondial. Par contre, je me souviens d'un match
amical à Zurich, en 1985, peu avant Noël. Je crois même que j'avais
marqué un but, mais je n'en suis pas sûr (ndlr: la Suisse s'était
inclinée 3-8). Je me rappelle également d'avoir affronté la Nati
avec Düsseldorf lors de la Coupe Spengler en 1979. A l'époque,
l'équipe nationale participait au tournoi davosien. Nous nous
étions imposés... 13 à 6! Entre-temps, le hockey suisse s'est bien
amélioré (rires)...



tsrsport.ch: Y a-t-il un joueur avec lequel
l'harmonie fut parfaite, dans votre carrière de joueur ou
d'entraîneur?




RALPH KRUEGER: Je pense que c'est probablement
avec Roland Eriksson que j'ai connu la meilleure syntonie. C'était
le centre de mon trio d'attaque entre 1980 et 1982 à Düsseldorf. Il
était membre de l'équipe nationale de Suède et avait auparavant
évolué en NHL avec Minnesota et Vancouver à la fin des années 1970.
J'ai eu de la chance de pouvoir jouer trois ans avec lui. C'était
vraiment sensationnel.

"Je ne serais pas resté si mon travail n'était pas
apprécié"

tsrsport.ch:

Depuis 12
ans que vous entraînez la Suisse, vous avez stabilisé et
crédibilisé une équipe qui auparavant faisait l'ascenseur entre les
groupes A et B du Mondial. Pourtant, l'opinion vous reproche vos
schémas trop défensifs et semble peu satisfaite de votre
travail..
.



RALPH KRUEGER:

Je n'ai pas du tout ce sentiment.
Certes, j'aurai toujours des détracteurs, mais c'est normal.
L'équipe de Suisse déchaîne les passions: chacun a son équipe
idéale. Certes, il y a eu des périodes plus délicates, comme entre
2001 et 2002 (ndlr: la Suisse n'était pas allée en quarts de finale
au Mondial et avait échoué au tour préliminaire aux Jeux olympiques
2002 de Salt Lake City). Mais je ne serais pas resté en poste si
longtemps si mon travail n'était pas apprécié.



tsrsport.ch:

On vous reproche aussi de ne
jamais avoir propulsé l'équipe de Suisse en demi-finales en six
tentatives au stade des quarts au Championnat du monde. Les médias
ne surestiment-ils pas le niveau du hockey suisse
?



RALPH KRUEGER:

Il est clair que nous ne disposons
pas du même réservoir que les six nations dominantes du hockey
mondial. En ce sens, être passé du 8e au 7e rang mondial à l'issue
du Mondial 2008 est un pas de géant dans la bonne direction. Nous
allons nous battre pour défendre notre classement. Mais vous savez,
je ne lis jamais les journaux. Je m'informe des tendances
générales, sans plus. Mon but est de faire progresser la Nati, un
point c'est tout.

Réaliser un exploit dans un match important

tsrsport.ch: Quand notre équipe nationale
pourra-t-elle gagner une médaille dans un grand tournoi? Lorsqu'il
y aura plus de Suisses en NHL?




RALPH KRUEGER: On pourrait déjà remporter une
médaille avec l'effectif actuel, mais il faudrait alors d'abord
disputer le match parfait en quart de finale. Nous sommes capables
d'exploits, on l'a déjà prouvé. Il nous reste encore à en réaliser
un lors d'un match important.



tsrsport.ch: Un mot sur le Mondial 2009 à
domicile. On se rappelle de l'inespéré 4e rang que vous aviez
atteint en 1998, lors du Mondial disputé à Bâle et à
Zurich.




RALPH KRUEGER: La voie pour se qualifier pour les
quarts de finale sera comme toujours semée d'embûches. Mais je suis
convaincu que si l'on arrive à se hisser à ce stade de la
compétition, le soutien du public à Berne pourrait nous donner ce
petit plus d'énergie qui nous aiderait à nous surpasser. Mais je ne
me concentre pas sur notre avantage d'évoluer à la maison.
L'important pour moi est d'effectuer une bonne préparation d'ici le
Mondial et de constituer la meilleure équipe possible.



Propos recueillis par Michaël Taillard

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Ralph Krueger express

Votre musique préférée: Van Morrison, Pink Floyd, Led Zeppelin, Dire Straits.

Votre boisson préférée: dans l'avion, du jus de tomate. A l'étranger, de l'eau minérale. Et lorsque je passe une soirée avec ma femme, du vin rouge italien.

Votre meilleur souvenir: la naissance de mes enfants.

Votre pire souvenir: la mort de ma mère.

Si vous n'aviez pas été hockeyeur: j'aurais probablement oeuvré dans le milieu du tourisme. Lorsque j'étais adolescent, je travaillais toujours dans un hôtel durant l'été au Canada.

Votre devise: tirer profit non seulement de ton propre potentiel, mais aussi de celui de ton environnement.

Votre idole: aucune. Je n'en ai pas non plus eu pendant mon enfance. J'essaie simplement de prendre le meilleur chez des gens qui ont connu du succès.

Le dopage: pour moi, le sport doit être honnête. La gloire ne s'atteint pas en passant par des raccourcis.

Votre salaire: aucune idée (rires). Sérieusement, ce n'est pas si important.

"On aura davantage de Suisses en NHL d'ici 5 ans"

tsrsport.ch: Le Luganais Hnat Domenichelli sera Suisse d'ici les playoff. Pensez-vous à lui pour renforcer l'attaque, qui manque de buteurs de classe mondiale?
RALPH KRUEGER: Oui, c'est sûr. Lorsqu'il recevra son passeport, il sera candidat à une place dans l'équipe.

tsrsport.ch: Et que pensez-vous de Yannick Weber? Peut-il réussir à Montréal et devenir le prochain Mark Streit?
RALPH KRUEGER: Yannick est encore jeune. Il a sans aucun doute le potentiel pour devenir un bon joueur de NHL. Mais pour accomplir ce que Mark a fait, il lui faudra encore beaucoup travailler. Cela dit, Yannick est un joueur d'avenir pour la Nati. C'est positif de voir que nous avons plusieurs bons jeunes non seulement au pays, mais aussi à l'étranger, (ndlr: il y a aussi Luca Sbisa à Philadelphie). Je suis convaincu que la Suisse va compter davantage de joueurs en NHL d'ici les cinq prochaines années.

tsrsport.ch: Vous serez en principe derrière le banc aux JO de Vancouver en 2010. Est-ce spécial pour vous de coacher à ce niveau dans le pays de votre enfance?
RALPH KRUEGER: J'ai déjà pu expérimenter ce type de situation à Québec, en mai. C'était d'ailleurs un beau Championnat du monde, mais je n'ai pas ressenti davantage d'émotions que lorsque nous nous trouvions en Lettonie, par exemple. Nous sommes vraiment dans une bulle lors d'un grand tournoi. Nous passons notre temps soit dans les patinoires, soit à l'hôtel. On ne peut prendre qu'un temps minimum pour visiter. Mais Vancouver est une belle ville.