Dans sa carrière, bouclée en 1997, Urs Lehmann (39 ans) n'a
gagné qu'une seule course "mondiale". Mais quelle victoire!
L'Argovien le dit d'ailleurs lui-même: sans ce titre mondial en
descente à Morioka en 1993, il ne serait jamais devenu le nouveau
président de Swiss-Ski.
Une nomination qui marque un sacré coup de carre à la fédération,
jusque-là présidée par le politicien grison Duri Bezzola. Si le
nouveau "boss" va emprunter les mêmes trajectoires, il veut avant
tout une présidence plus sportive. tsrsport.ch a rencontré le mari
de l'ex-championne Conny Kissling.
"Il faut garder le cap"
tsrsport.ch: Cela fait maintenant 4 mois
que vous êtes président de Swiss-Ski. Y a-t-il déjà des
nouveautés?
URS LEHMANN: Je n'ai en tout cas pas encore de
cheveux gris (rires)! En fait, comme je fais partie du Présidium
depuis 2 ans déjà, je connais tous les dossiers, toutes les
personnes. Quand on savait que j'allais reprendre le poste de Duri
Bezzola, en avril, j'ai commencé à reprendre les dossiers. Le
chemin choisi par mon prédécesseur était déjà le bon, et il faut
donc poursuivre sur celui-ci. Il est important de ne pas toujours
changer de direction. Il faut garder le cap.
tsrsport.ch: Ce "chemin", justement, c'est de
consolider les finances de Swiss-Ski?
URS LEHMANN: Une fédération n'a jamais assez
d'argent. Ce qu'on gagne aujourd'hui a déjà été dépensé hier, ce
qui est normal. Il faut donc économiser ou trouver davantage de
moyens. Et pour ça, il faut être créatif: créer de nouvelles
associations ou mettre sur pied de nouveaux événements, comme nous
l'avons fait avec un tournoi de golf. Ca amène toujours quelques
dizaines de milliers de francs pour la relève.
"La politique, il en faut, mais pas au sein de la
fédération"
tsrsport.ch: Trouver des moyens quand les
résultats suivent est plus facile...
URS LEHMANN: Evidemment! Une fédération vit
au-travers de ses résultats. Et il est clair que c'est plus facile
pour Swiss-Ski ces derniers temps qu'il y a 3 ou 4 ans...
tsrsport.ch: Avant, la présidence de
Swiss-Ski, avec Duri Bezzola, était "politique". Maintenant elle
est devenue "sportive". Ca change quelque chose?
URS LEHMANN: Ca, il faut peut-être le demander au
directeur Hans-Ruedi Laich ou au chef compétition Dierk Beisel. A
ce que j'ai entendu, on apprécie que le sport soit revenu au centre
des discussions. C'était une nécessité à mon avis. La politique, il
en faut, mais pas au sein de la fédération. La politique, il faut
travailler avec. C'est d'ailleurs notre stratégie.
"Je connais les athlètes, leur façon de réagir"
tsrsport.ch:
Un
ancien skieur à la présidence, ça signifie qu'il connaît son
sujet...
URS LEHMANN:
Je connais les athlètes, leur façon
de réagir. Je sais ce qu'ils ressentent dans le portillon de départ
à Kitzbühel ou Wengen. Un "externe", de la politique ou l'économie,
ça peut lui prendre deux ans pour comprendre les mécanismes. Pour
moi, c'est naturel.
tsrsport.ch:
Mais n'est-ce pas en même temps
"dangereux" pour les athlètes, qui pourraient se sentir plus
"surveillés"?
URS LEHMANN:
Peut-être. Mais le but est d'être
plus proche d'eux, comme des entraîneurs. Mais c'est aussi un
avantage, car on sait de quoi on parle. Avec moi, ils savent qu'on
peut parler des problèmes de skis ou de carres. Ce n'était pas
comme ça avant...
"Nous voulons nous concentrer sur le sport de loisirs"
tsrsport.ch: Et dans des situations
difficiles,comme pour le fameux problèmes de combinaisons, ils
auront du soutien alors?
URS LEHMANN: Il y a de toute façon toujours des
spécialistes. Que ce soit pour les combinaisons, pour le slalom,
etc. Chacun se concentre sur son problème. Mais si celui-ci semble
insurmontable, ils savent qu'ils peuvent venir vers moi et qu'on va
réagir très vite. En sport, il ne faut pas discuter du problème 10
fois. Il faut décider tout de suite, et pas dans 4 jours. C'est
d'ailleurs dans ce domaine-là que l'on peut encore faire un pas en
avant à Swiss-Ski. Et même deux!
tsrsport.ch: Vos prochains défis de
président?
URS LEHMANN: En no1, il faut davantage de moyens
à investir dans l'infrastructure du sport. Ensuite, nous voulons
nous concentrer sur le sport de loisirs, pour M. et Mme tout le
monde. Aujourd'hui, les jeunes fonctionnent différemment. Ils n'ont
plus une vision de club, mais d'événement. Il y a donc des projets
et services à mettre en place. Nous avons aussi une faiblesse avec
les nouvelles disciplines, comme le snowboard. Elles sont affiliées
à Swiss-Ski, mais pas encore intégrées à 100%. Mais attention! Ce
qu'il ne faut pas négliger non plus, ce sont les médailles aux
Championnats du monde ou Jeux olympiques. Car c'est au travers
d'elles que se juge le succès d'une fédération. C'est là le but
ultime. Dans 2 ans, à Vancouver, si on ne fait pas de médailles, on
aura des problèmes...
Propos recueillis par Daniel Burkhalter
Urs Lehmann express
La 1ère chose que vous faites le matin: je lis le journal.
Votre plat préféré: émincé à la zurichoise,même si je ne suis pas Zurichois
Votre boisson préférée: je devrais dire Rivella, mais ce n'est pas le cas (rires). Un bon verre de vin rouge.
Votre lieu de vacances préféré: l'Australie, sans aucune hésitation.
Votre plus grande qualité: mais c'est des questions féminines, ça! Bonne capacité d'analyse, mais pas financière.
Votre plus grand défaut: là non plus, aucune hésitation: l'impatience.
Le ski, c'est: une affaire de coeur!
Votre meilleur souvenir: la naissance de ma fille et mon mariage avec le "chef" (ndlr: il est marié avec Conny Kissling, ex-skieuse acrobatique).
Votre pire souvenir: mes blessures.
Le dopage, c'est: grave. Si c'est sous contrôle médical, ça l'est un peu moins. Mais quand un jeune s'achète un truc lui-même, c'est très grave. En Suisse, on est strict. Ailleurs on ne sait pas toujours écrire "antidopage"...
Votre salaire: je suis comme membre d'un conseil d'administration. Sauf que j'en fais plus et que je gagne moins!
"Je ne serais pas là aujourd'hui sans ce titre mondial"
tsrsport.ch: Revenons un peu sur votre carrière sportive: que retenez-vous de votre titre mondial en descente à Morioka'93?
URS LEHMANN: Il est clair que c'est le moment le plus important. Et je dois avouer qu'il a changé ma vie. Je ne serais pas là aujourd'hui sans ce titre mondial, et c'est normal. Emotionnellement, ça me touche encore beaucoup.
tsrsport.ch: Vous n'avez remporté qu'une seule course, celle qu'il fallait gagner...
URS LEHMANN: Oui, au niveau mondial, c'est ma seule victoire (ndlr: meilleur rang en CDM: 4e). Je n'ai gagné qu'en Coupe d'Europe et des courses FIS, mais il y avait sûrement des raisons à ça. "Normalement", tu gagnes en Coupe du monde à 25 ans, puis un titre mondial à 30. Moi, j'ai été sacré à 23 ans! J'ai ensuite été blessé et fait des fautes, au niveau matériel entre autres...
tsrsport.ch: Des regrets?
URS LEHMANN: Non, pas vraiment. J'ai quand même eu une carrière meilleure que 99% des autres athlètes. Je n'ai pas gagné plus, c'était mon destin.