Harold Mrazek, premier Helvète à avoir évolué à l'étranger, a
certainement ressenti une petite pointe d'émotion lorsqu'il a
assisté des tribunes au coup d'envoi du match entre ses anciens
coéquipiers d'Olympic et Lugano. Le célèbre chauve, qui n'a cessé
de se fixer et de réaliser ses objectifs, pose son regard d'expert,
désormais extérieur, sur le basket suisse, de Sefolosha à Fribourg
Olympic, en passant par l'équipe de Suisse. Interview.
"J'ai eu la chance de réaliser mes objectifs"
tsrsport.ch Vous avez effectué une carrière
de 17 ans, glanant 20 titres. Avec le recul, quels en ont été les
moteurs?
HAROLD MRAZEK: J'ai toujours essayé de me fixer
des objectifs assez élevés. Et j'ai eu la chance de pouvoir souvent
les réaliser rapidement et d'en trouver d'autres. C'était d'abord
de jouer en LNA, puis de remporter un titre national, de gagner des
coupes. Et comme tous les trois ans environ j'ai changé de club,
cela me procurait de nouveaux buts. Ensuite, il y a eu le défi
européen. Finalement, comme tout s'est toujours bien passé, je ne
me suis jamais senti rassasié. J'ai toujours eu envie d'aller à
fond dans mon sport.
tsrsport.ch Vous avez remporté 20 titres dans
votre carrière. Comment expliquez-vous un tel succès.Est-ce à cause
de Mrazek?
HAROLD MRAZEK: C'est un sport collectif à la
base, donc je ne pense pas qu'on peut tirer la couverture à soi.
Mais j'ai eu la chance de jouer toujours avec une équipe qui était
très compétitive et qui jouait le titre. Donc déjà à la base, il y
avait des prédispositions à pouvoir atteindre ces objectifs.
Ensuite, l'amalgame, l'équipe, les entraîneurs ont fait que j'ai
bien joué et que j'ai pu aider l'équipe. Enfin, il y a l'expérience
qui a parlé. En ayant joué beaucoup de finales, j'ai pu apporter ma
pierre à l'édificie.
"Le Suisse"
tsrsport.ch Vous avez joué à l'étranger.
Est ce que vous en aviez rêvé?
HAROLD MRAZEK: Tout au début, je n'y pensais pas
du tout. Il n'y avait pas l'arrêt Bosman (ndlr: les étrangers
étaient limités dans les clubs). Ensuite, j'y ai songé. Mais comme
je jouais le haut du tableau en Suisse, je ne voulais pas partir
dans un club qui végétait en bas de classement dans un autre
championnat. Ensuite, j'ai eu la chance de tomber sur une équipe
comme Villeurbanne qui jouait le titre en France. C'était
fantastique de rejoindre un club qui avait de hautes ambitions
sportives. Mais j'ai tout de même attendu 3 ans avant de me décider
à partir.
tsrsport.ch En France, vous avez trouvé un
monde du basket totalement différent!
HAROLD MRAZEK: Oh oui. C'était déjà totalement
différent au niveau du professionnalisme. Ensuite, les salles
étaient beaucoup plus grandes, les infrastructures, les budgets,
tout était complétement différent. C'est clair que lorsqu'un "petit
Suisse" débarque, qu'il est le premier à évoluer à l'étranger, ça
fait quand même bizzare... Mais tout c'est très bien passé et j'ai
encore d'excellents contacts avec ce club.
tsrsport.ch Vous avez ouvert la brèche pour
d'autres joueurs en partant à l'étranger!
HAROLD MRAZEK: Certainement. En étant le premier,
je me souviens, on m'appelait "le Suisse". Ensuite, d'autres ont
suivi. Il y a eu Thabo Sefolosha qui a joué à Chalon. Lui a
maintenant ouvert une brèche qui semblait vraiment inaccessible en
NBA. Moi, j'ai ouvert une fenêtre et lui la grande porte. Il y
maintenant une vision du basket suisse qui est plus grande et
certains jeunes peuvent avoir des objectifs plus hauts que le
championnat helvétique.
tsrsport.ch Thabo Sefolosha est le premier
Suisse à jouer en NBA. Parlez-nous de ce joueur...
HAROLD MRAZEK: Ce qu'il fait est bien sûr
fantastique pour lui, mais aussi pour le basket suisse. C'est
quelqu'un qui a travaillé très dur pour arriver jusque-là. Il a
commencé à Vevey, lorsque le club évoluait en LNA. Il y a fait ses
gammes, avant de poursuivre son cursus en France et en Italie pour
préparer son passage aux USA. En Suisse, je trouve que c'est une
publicité magnifique pour le basket. On en avait bien besoin parce
que le basket est un peu le parent pauvre des sports collectifs,
dans le pays, médiatiquement parlant.
Fribourg encore favori
tsrsport.ch
En
championnat, des clubs ont connu des problèmes financiers ou se
sont retirés. Y a-t-il trop d'équipes en LNA? Trop peu de bons
joueurs?
HAROLD MRAZEK:
Je pense qu'il n'y a pas trop de
soucis concernant les joueurs. Il y a passablement d'étrangers.
Mais je crois que ce sera à nouveau un championnat à 2 vitesses. Il
y aura 2 ou 3 clubs qui auront de la peine en championnat, qui
connaîtront des problèmes pour boucler un budget déjà restreint.
Ensuite, il y a 5 ou 6 équipes, avec un budget entre 700'000 fr. et
un million, qui aligneront 7 ou 8 joueurs professionnels. La
différence est très vite visible sur une telle compétition.
tsrsport.ch
Quelles équipes voyez-vous lutter
pour le titre?
HAROLD MRAZEK:
Pour être chauvain, je pense que
Fribourg est tout de même bien placé pour défendre son titre, voire
ses titres. L'an passé,il y avait 6 joueurs professionnels, cette
saison il y en a 8. L'équipe est même presque mieux armée. Et elle
voudra certainement tout faire pour conserver ses biens.
tsrsport.ch
Mais elle n'aura plus
Mrazek?
HAROLD MRAZEK:
Avec deux internationaux à la
place, je pense que ce n'est pas mal... (rires) L'équipe est
toujours compétitive, le noyau dur est resté. Le club travaille
dans la continuité. Olympic sera toujours là.
Le désintérêt de la Suisse alémanique pénalise notre sport
tsrsport.ch Alors, quels seront les
adversaires de Fribourg?
HAROLD MRAZEK: Il faudra se méfier de Rhône
Hérens ou de Nyon, qui a un gros budget. Maintenant, il faudra voir
comment ça se passe dans l'équipe qui a été renouvelée quasiment à
100%. Elle devra trouver l'amalgame. Il faudra également suivre
Vacallo. On les a déjà vu l'an passé et les Tessinois se sont
encore renforcés. Et puis, il y a Lausanne qui vivotait ces
dernières années mais qui semble avoir réussi à former une bonne
équipe. Sinon, il y a Boncourt. On ne sait jamais ce qu'il peut
faire. Il y a aussi Starwings. Les Bâlois ont toutefois de la peine
à tenir sur la durée.
tsrsport.ch Le basket est un sport qui ne
concerne pratiquement que la Suisse romande et le Tessin. Le
regrettez-vous?
HAROLD MRAZEK: C'est clair que le désintérêt de
la Suisse alémanique pénalise un peu notre sport. Nous sommes bien
contents que Bâle soit là depuis quelques années. Les autres
expériences, avec Reussbuehl, notamment, ont toujours rapidement
tourné court. Il y a toutefois beaucoup d'équipes chez les juniors
en Suisse allemande. Ce serait bien que ça puisse surgir sur une,
2, voire 3 équipes en LNA dans le futur. Cela permettrait d'élargir
un peu le championnat et augmenterait l'intérêt médiatique.
Propos recueillis par Aline Gagnebin
Harold Mrazek express
La première chose que vous faites le matin: j'éteins mon réveil qui est sur mon natel.
Votre meilleur souvenir: la naissance de mes deux filles. Je veux dire les deux, sinon il y en a une qui sera jalouse.
Votre pire souvenir: pour l'instant, le décès de ma voisine la semaine dernière.
Votre qualité: le calme.
Votre défaut: trop gentil.
Votre idole: si je pouvais dîner avec Nelson Mandela, je serais très fier.
Votre devise: mords la vie à pleine dent.
L'argent: c'est ma reconversion, puisque je travaille dans une banque.
Le dopage: c'est inéluctable. Je crois que l'on est arrivé à un niveau médiatique, records sportifs, argent, qui est devenu aussi mauvais que le dopage lui-même.
Le volleyball: j'y joue surtout pour la "3e mi-temps". On est une équipe de copains et s'est vraiment sympa.
Harold Mrazek parle de l'équipe de Suisse
tsrsport.ch: Vous avez joué en équipe de Suisse qui milite en division B. Qu'est-ce qui motive de jouer avec ce groupe?
HAROLD MRAZEK: C'est toujours une expérience internationale. Et représenter son pays est toujours quelque chose de spécial. Cela nous permet ensuite de jouer contre des joueurs que l'on ne verrait pas forcément. C'est une ambiance différente, on voyage et on rencontre d'autres nations. C'est aussi une porte ouverte sur l'étranger. Moi, par exemple, je sais que j'ai été repéré comme ça, en jouant avec l'équipe nationale contre l'Italie. C'est ce qui m'a permis de partir en France.
tsrsport.ch: Quelles sont les possibilités de l'équipe de Suisse. Est-ce que l'on peut imaginer qu'elle joue une fois dans le groupe A?
HAROLD MRAZEK: C'est toujours délicat par rapport aux joueurs qu'on a chez nous. Le vivier est quand même un peu faible. Mais le potentiel est là. On sait que depuis une quinzaine d'années on est dans le haut du tableau du groupe B. On a réussi à faire les qualifications avec le groupe A à deux reprises. C'est possible. Simplement, tous les joueurs doivent être prêts à 100%. Ce qui est difficile. On l'a vu avec la campagne de cette année. Il y a eu 2 excellents matches, puis 2 joueurs ont manqué. C'est clair que si Sefolosha pouvait être là, ce serait un grand plus.
Limitation des étrangers?
tsrsport.ch: Des propositions ont été faites pour limiter les licences des clubs ou faire une LNB plus suisse. Votre avis?
HAROLD MRAZEK: Pour les joueurs suisses ce serait une bonne chose. Pas forcément de changer les statuts mais de faire un "gentleman agreement" pour qu'il y ait au moins 4 joueurs suisses dans les contingents. Lorsqu'on sait que des joueurs étangers viennent pour des salaires de misère juste pour voir la Suisse, je suis persuadé qu'un Helvète pourrait faire tout aussi bien, sans coût supplémentaire. Cela permettrait aussi à des joueurs de prendre des responsabilités, ce qui leur manque souvent ensuite lorsqu'ils jouent en équipe suisse.