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Le hockeyeur Luca Sbisa, un talent précoce

Sbisa, véritable joyau du hockey suisse.
Sbisa, véritable joyau du hockey suisse.
En octobre, Luca Sbisa (19 ans) devenait l'un des 10 plus jeunes joueurs de l'histoire de la NHL, en intégrant cette ligue quelques mois après avoir été repêché. Le Zougois vient d'être transféré de Philadelphie à Anaheim.

Trois Suisses seulement ont eu l'honneur d'être choisis au
premier tour de la draft en NHL, qui a lieu ce week-end à Montréal.
Michel Riesen en 1997, Luca Cereda en 1999 et Luca Sbisa en 2008.
Or si les deux premiers nommés n'ont pas laissé une trace
indélébile outre-Atlantique, le Zougois est en train de faire son
nid dans le meilleur championnat de hockey de la planète. En
réussissant à intégrer immédiatement les rangs des Philadelphia
Flyers, le défenseur de 19 ans était devenu le deuxième plus jeune
arrière de l'histoire de ce club.



tsrsport.ch a rencontré à Zoug le natif d'Ozieri (Sardaigne).
Cette interview a été réalisée quelques jours avant la surprenante
nouvelle de l'échange de Sbisa à Anaheim, en retour du défenseur
vedette Chris Pronger. Le Zougois nous avait pourtant confié qu'il
avait la bonne impression que la direction des Flyers comptait sur
lui pour l'avenir... Les Ducks, dont le filet est gardé par un
certain Jonas Hiller, compteront donc deux Helvètes la saison
prochaine.



tsrsport.ch: Il y a un an exactement, vous
étiez drafté en 19e position par Philadelphie. Le début d'un conte
de fées...




LUCA SBISA: Si quelqu'un m'avait dit, ce jour-là,
que j'allais jouer 40 matches en NHL la saison suivante, je lui
aurais rétorqué: mais tu es fou?!



tsrsport.ch: Comment y êtes-vous
parvenu?




LUCA SBISA: Je me suis rendu au camp de
préparation animé d'un esprit conquérant. J'ai bien joué lors des
matches amicaux, et j'ai alors pris confiance. J'ai vu que je ne
souffrais pas de la comparaison avec mes coéquipiers. Avoir une
mentalité de battant est indispensable pour pouvoir évoluer dans
cette ligue. La concurrence y est si rude!



tsrsport.ch: Un état d'esprit qui vous aide
dans les moments plus difficiles. En février, on vous a
momentanément rétrogradé à Lethbridge, en ligue junior
canadienne.




LUCA SBISA: Ca peut paraître prétentieux, mais
j'étais meilleur qu'un, voire deux défenseurs restés au club.
Seulement voilà, il fallait faire de la place dans la masse
salariale (ndlr: limitée à 56,7 millions de dollars) pour Daniel
Brière, qui revenait de blessure. Et comme il gagne 8 millions...
De plus, je serais devenu agent libre à 25 ans si j'avais joué 40
matches de saison régulière. Sur le moment, j'avais les larmes aux
yeux, mais d'un autre côté, j'étais conscient que cela me
permettrait de jouer davantage.

"Mon coach dit que j'ai 5 ans d'avance"

tsrsport.ch: Votre ex-entraîneur, John
Stevens, semblait avoir beaucoup d'estime pour vous.




LUCA SBISA: J'ai aussi beaucoup de respect pour
lui. C'est un coach calme, et il m'a donné confiance en me parlant
beaucoup durant la phase de préparation. Il m'a dit avoir été
impressionné non seulement par ma condition physique, mais aussi
par mon implication professionnelle. Selon lui, j'avais déjà à 18
ans l'attitude d'un joueur ayant 5 saisons de NHL derrière
lui.



tsrsport.ch: C'était plutôt flatteur!
Pourquoi?




LUCA SBISA: Avec Riley Cote, le bagarreur attitré
de Philadelphie, nous avions l'habitude de nous lever tôt, vers 7h,
afin de nous entraîner avant le reste de l'équipe.



tsrsport.ch: En 2008/2009, vous avez donc
disputé 39 parties de saison régulière plus une en séries,
inscrivant au passage sept assists. Votre premier but en NHL, vous
l'attendez avec impatience?




LUCA SBISA: J'y ai beaucoup réfléchi, me
demandant: mais pourquoi aucun de mes tirs ne va au fond? En même
temps, ce n'est pas mon rôle de marquer 20 buts par année. Un goal
en 2009/2010 serait bon pour ma confiance, bien sûr, mais ça ne
sert à rien de trop me mettre de pression pour ça. En 2008/2009,
j'ai tout de même marqué mon premier but chez les pros, lors d'une
des deux parties que j'ai jouées avec les Philadelphia Phantoms
(ndlr: club ferme des Flyers), en AHL. J'ai gardé le puck.

"On me considère comme un joueur polyvalent"

tsrsport.ch:


A l'instar de Mark Streit jadis, ou de Yannick Weber (Canadiens
de Montréal), on vous a aussi fait jouer en attaque. Décidément,
c'est une manie avec les Suisses...




LUCA SBISA:

Plus jeune, j'ai joué au poste de
centre. Je suis content qu'on me considère comme un joueur
polyvalent. Je suis moins offensif que Streit ou Weber, mais je
suis toujours capable de marquer un point de temps à autre.



tsrsport.ch:

L'expérience vous a-t-elle
plu
?



LUCA SBISA:

Une fois, j'ai même eu l'honneur de
jouer dans le premier bloc, aux côtés de Mike Richards et de Mike
Knuble. C'était amusant. Mais c'était juste une solution de
secours, car on avait quelques blessés à cet instant. Je me sens
plus à l'aise en défense.



tsrsport.ch:

En playoff, Philadelphie a été
éliminée au premier tour par Pittsburgh (4-2 dans la série), qui a
ensuite gagné la Coupe Stanley. Trop forts, les
Penguins
?



LUCA SBISA:

Mouais... Ils sont très bons, mais la
série a été serrée. Marc-André Fleury, leur gardien, a gagné deux
matches à lui tout seul. Dans la sixième partie, nous menions 3-0,
mais nous avons tout de même perdu. Nous sommes les seuls
coupables. J'ai regardé les rencontres de la finale contre Detroit.
Pittsburgh a mérité sa victoire. En tout cas, l'ambiance à
Philadelphie, avec ces 20'000 fans vêtus de t-shirts oranges, était
exceptionnelle.

"On m'a reconnu dans la rue"

tsrsport.ch: Le hockey sur glace est-il un
sport populaire à Philadelphie?




LUCA SBISA: On entend souvent dire que le
football américain est le sport roi partout aux Etats-Unis. Or à
"Philly", les gens sont autant intéressés par la NFL que par les
Flyers. Le hockey y est clairement devant le baseball et le
basket.



tsrsport.ch: Vous reconnaissait-on dans la
rue?




LUCA SBISA: Oui. C'est agréable. Au restaurant,
tu as toujours droit à la meilleure table. Des gens veulent être
pris en photo avec toi. Certains venaient déjà me saluer alors que
j'avais joué seulement 2-3 matches amicaux! Pour des stars comme
Mike Richards ou Jeff Carter, c'est encore plus extrême.



Propos recueillis à Zoug par Michaël Taillard

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Luca Sbisa express

Musique préférée: Coldplay.

Plat préféré: le filet mignon avec des patates.

Boisson préférée: le Coca.

Lieu de vacances préféré: Porto Cervo en Sardaigne, où habite mon grand-père.

Meilleur souvenir: mon premier match en NHL (11.10.2008, contre les New York Rangers). Mes parents étaient à Philadelphie.

Pire souvenir: la mort de mon chien Lino, en février. Il était dans ma famille depuis mes 3-4 ans. Ce Fox-terrier était comme un frère pour moi.

Le hockey, pour vous c'est: ma vie.

Votre modèle de défenseur: Niklas Kronwall (Detroit Red Wings). Il est aussi bon défensivement qu'offensivement, et aime le jeu dur. On m'a dit que j'ai son style.

Votre idole: Mats Sundin (Vancouver Canucks).

Adversaire le plus difficile: Ilya Kovalchuk des Thrashers d'Atlanta. Il peut tout faire et est très rapide.

Votre salaire: 880'000 dollars US par saison.

"En ne restant pas à Zoug, j'ai pris un risque"

tsrsport.ch: Le débat est interminable: faut-il partir tôt en Amérique du Nord, ou d'abord faire ses preuves en LNA? Vous étiez parti à 17 ans à Lethbridge, après seulement 8 matches de Ligue nationale A.
LUCA SBISA: En 2007, Zoug m'avait proposé de rester, en tant que huitième défenseur. En refusant, j'ai pris un risque. Mais je ne voulais pas avoir des regrets et me demander à 40 ans: que serait-il advenu, si...? Je suis parti et dans mon cas, cela s'est avéré payant.

tsrsport.ch: Il vaut donc mieux partir tôt?
LUCA SBISA: Oui, afin de s'adapter plus vite à la mentalité nord-américaine, au style de jeu et aux petites patinoires. C'est aussi le meilleur moyen de se mettre en vitrine devant les scouts. Après avoir joué à Calgary devant 19'000 spectateurs lors d'un match avec la sélection suisse M17, j'ai définitivement été convaincu de faire le saut. C'était impressionnant de constater à quel point le hockey est effectivement une religion au Canada.

tsrsport.ch: Votre attitude est plutôt atypique, même si les mentalités commencent à changer chez les juniors suisses.
LUCA SBISA: J'ai toujours rêvé de jouer en NHL. Cet objectif, et le caractère qui va avec, il faut les avoir tôt. A 12 ans, un coach en juniors nous avait demandé quel était notre but. Tous ont répondu la LNA, sauf moi. J'ai dit que je voulais jouer en NHL. Certains ont sans doute dû me trouver arrogant. Le talent existe en Suisse, mais ce n'est pas évident de partir. Ici, on devient vite une star. En ce sens, j'ai beaucoup de respect pour Tim Ramholt, qui a tout donné durant 3 ans en AHL. Il peut aller au HC Davos la tête haute.

tsrsport.ch: Voit-on les Suisses d'un meilleur oeil en NHL, après que Mark Streit (New York Islanders) a prouvé que la LNA pouvait produire de bons joueurs?
LUCA SBISA: Lors de la draft 2008, des scouts d'Edmonton sont venus me parler. Ils m'ont dit qu'ils me trouvaient bon, mais qu'ils ne repêcheraient plus jamais un Suisse, à moins qu'il ne soit le prochain Wayne Gretzky (ndlr: allusion à Michel Riesen, l'attaquant de Rapperswil, qui n'avait pas brillé avec les Oilers l'espace de 12 matches en 2000/2001). Les expériences de quelques Helvètes sont donc restées dans les mémoires de certains responsables d'équipes.

"Je devrais recevoir ma chance pour les Jeux"

tsrsport.ch: Votre père est Autrichien, votre mère Italo-Britannique. Rassurez-nous: c'est bien le maillot de l'équipe de Suisse que vous continuerez de porter au niveau des sélections adultes?
LUCA SBISA: (rires). Oui! Je me sens Suisse à 100%, même si je suis fier de mes racines italiennes. Ma famille s'est installée à Zoug un an après ma naissance. D'ailleurs, je pense que mes passeports autrichien et italien sont périmés.

tsrsport.ch: Etes-vous déçu de ne pas avoir pu prendre part au Mondial 2009 en Suisse?
LUCA SBISA: Oui, un peu. Mais nous nous étions parlé Ralph Krueger et moi, et nous avions conclu qu'il valait mieux que je ne vienne pas. Ma saison avait été chargée, et je n'étais plus vraiment dans le rythme, puisque je n'avais joué qu'un seul match en playoff. Qui plus est en tant qu'attaquant.

tsrsport.ch: Qu'avez-vous pensé de la Nati?
LUCA SBISA: Je n'ai vu aucune de ses parties. C'est toujours la même chose avec nous, je l'ai déjà vécu chez les juniors. Contre de bons adversaires, on joue bien et détendu. Face aux équipes prétendument moins fortes que nous, en revanche, c'est du 50-50.

tsrsport.ch: Pensez-vous aux JO de Vancouver?
LUCA SBISA: Oui, j'y ai beaucoup pensé durant la saison dernière. Ma priorité reste de faire l'équipe à Anaheim en octobre. Or si j'y parviens, je devrais recevoir ma chance avec l'équipe nationale en 2010. Le sélectionneur en décidera.