Joueur, entraîneur et désormais consultant, Heinz Günthardt a
agendé sa vie au rythme de la petite balle jaune. Le Zurichois de
49 ans va vivre un énième Wimbledon, lieu où il a conquis un de ses
deux titres en double du Grand Chelem (en 1985 avec le Hongrois
Balazs Taroczy). L'ancien capitaine helvétique de Coupe Davis
connaît bien le gazon londonien. Et malgré l'évolution de la
surface qui devient chaque année de plus en plus lente, il
entrevoit toujours un récital de Federer, en route vers un 6e
sacre. L'ex-entraîneur de Steffi Graf fait le point sur les Suisses
et les favoris de ce 3e Grand Chelem, qui débute lundi.
TXT: -Pensez-vous que Roger Federer est plus
en danger que lors des dernières années sur le gazon
londonien?
HEINZ GÜNTHARDT: Il a toujours été en danger. Ses
5 titres n'ont pas été faciles à gagner. L'an passé, il a disputé 5
sets pour battre Nadal en finale.
- Mais l'Espagnol semble mûr pour battre le no1 à Londres. La
finale de Paris n'a-t-elle pas laissé des traces?
HEINZ GÜNTHARDT: Je pense que la "gifle" de
Roland-Garros ne va pas changer quelque chose pour le Bâlois. Roger
sera fort dans son jardin car il y est en confiance, comme l'est
Nadal à la Porte d'Auteuil. Le no2 doit encore trouver ses marques
à Wimbledon...
"Djokovic sera plus dangereux que Nadal"
- Cependant, le gazon londonien est de plus en plus lent.
Cela n'avantage t-il pas un joueur comme Nadal?
HEINZ GÜNTHARDT: C'est certain que cela avantage
le jeu de fond de court. Mais Federer joue aussi bien dans ce
secteur et il peut bénéficier de la qualité de son tennis, qui a
fait la différence les autres années. Mais cette surface plus lente
et qui accorde un rebond plus haut est plus comparable à un court
en dur qu'à la terre battue.
- Physiquement très fort, Nadal arrivera-t-il à rester à ce
niveau?
HEINZ GÜNTHARDT: On disait la même chose de Björn
Borg et on connaît son palmarès. L'Espagnol en a les moyens!
- Novak Djokovic est devenu le 3e homme dans la lutte à l'ATP.
Quel est son potentiel sur le gazon londonien?
HEINZ GÜNTHARDT: Le Serbe sera plus dangereux que
Nadal, même s'il a perdu la finale du Queen's face à l'Espagnol. Il
ne faut pas oublier que Djokovic a atteint les demi-finales l'année
passée. En s'imposant à Melbourne et à Indian Wells, le no3 a
prouvé qu'il est à l'aise sur des surfaces moins rapides.
"Le service de Wawrinka sera déterminant"
- Quels sont vos outsiders?
HEINZ GÜNTHARDT:
Beaucoup de joueurs peuvent être
des dangers pour le top 3 mondial. Les serveurs comme Roddick et
Karlovic ainsi que des jeunes comme Monfils peuvent disputer un
gros tournoi.
- Depuis quelques semaines dans le top 10, Stanislas Wawrinka
a-t-il la possibilité d'aller loin à Wimbledon?
HEINZ GÜNTHARDT:
Le gazon devient de plus en plus
sa surface, grâce à son jeu du fond de court. De plus, il a déjà
prouvé qu'il est capable de battre tout le monde. Après, c'est une
question de confiance. Son service sera déterminant sur cette
surface.
- Son rang ATP vous surprend-il?
HEINZ GÜNTHARDT:
Derrière les trois meilleurs
joueurs du Circuit, il y a vingt joueurs très forts qui ne sont
séparés que de quelques points. Le Vaudois a le potentiel d'être
dans ce groupe et a su profiter de ce classement serré.
"Patty possède les moyens d'aller loin"
- Dans le tableau féminin, Patty Schnyder, qui a atteint
pour la première fois les 1/8 l'année passée, a-t-elle les moyens
d'aller plus loin?
HEINZ GÜNTHARDT: Comme très souvent, cela va
dépendre de son mental. Chaque fois qu'elle vient à Wimbledon, la
Bâloise se dit qu'elle n'arrivera pas à évoluer sur cette surface.
Ainsi, c'est perdu d'avance... Pourtant, si elle joue comme elle le
fait sur un sol dur, elle possède les moyens d'aller loin. A part
Ivanovic, à l'aise sur toutes les surfaces, il n'y a pas
véritablement de joueuse qui sait jouer sur herbe, si ce n'est
peut-être les soeurs Williams. Il y a donc une chance...
- Pour sa 2e participation, que faut-il attendre de Timea
Bacsinszky?
HEINZ GÜNTHARDT: La Vaudoise a fait pas mal de
progrès au service et elle peut toujours s'appuyer sur un très bon
revers. Pour l'instant, elle fait son chemin. Mais là aussi, la
différence entre la 20e et 70e joueuse mondiale n'est vraiment pas
très grande.
TXT/Propos recueillis par Sébastien Clément
Heinz Günthardt express
La première chose que vous faites le matin: je me brosse les dents.
Votre idole: Gandhi.
Pour vous, le tennis c'est: ma façon de m'exprimer.
Votre devise: le moment le plus important est celui qu'on est en train de vivre.
Si vous n'aviez pas été tennisman: je ne sais pas. Je pense que j'aurais de toute manière fait quelque chose qui tourne autour du tennis.
Votre meilleur souvenir: ma victoire en double à Wimbledon.
Votre pire souvenir: je ne sais pas, j'oublie les mauvais moments.
Le dopage: c'est un problème de culture en général et cela ne touche pas seulement le sport.
Votre salaire: il me suffit.
"Il sera difficile de reproduire un Federer"
- Vous avez longtemps entraîné Steffi Graf. Pourquoi n'avoir pas continué par la suite avec un autre joueur?
HEINZ GÜNTHARDT: J'ai donné parfois quelques conseils à certaines joueuses, mais je n'avais plus envie de voyager toutes les semaines. Aujourd'hui, je suis consultant et cela me plaît.
- Vous travaillez aussi beaucoup avec les jeunes. Comment se porte la relève du tennis helvétique?
HEINZ GÜNTHARDT: A l'avenir, il sera difficile de reproduire un Federer voire un Wawrinka. Il faut une part de chance. Le danger chez les jeunes est de se concentrer sur les résultats. A 13 ans, Roger n'était pas le meilleur. Il a ainsi pu essayer et développer des coups. Chaque jeune doit trouver son feeling, en tout cas chez les garçons. L'évolution au point de vue physique vient avec les années. Du côté des filles, le développement est plus difficile, car le jeu féminin est pour tout le monde pareil.