Le Tour de France, Steve Morabito (26 ans) ne connaît pas. Du
moins pas encore. C'est depuis son domicile de Monthey que le
Valaisan suivra la Grande Boucle et les aventures de son équipe,
Astana. Déçu, il ne l'est pas, son programme ayant été établi début
2009.
Morabito profite de ses "vacances" pour soigner sa lésion
tendineuse au genou -"j'aurais dû abandonner au Tour de Suisse,
mais je voulais briller à Crans-Montana" - et s'entraîner pour la
suite. Morabito s'est confié à tsrsport.ch au moment où ses
"copains" Armstrong et Contador s'apprêtent à se livrer une
bataille des grands chefs sur le Tour.
tsrsport.ch: Vous ne participez pas au Tour
de France, une épreuve que vous n'avez encore jamais disputée.
Déçu?
STEVE MORABITO: C'était déjà prévu en début de
saison. J'ai un programme de 80 jours de course et là, à mi-saison,
j'en suis déjà à 65. C'est peut-être aussi un peu pour ça que je
souffre d'un genou depuis le Tour de Suisse... De plus, nous sommes
30 coureurs chez Astana et il n'y a que 9 places sur le Tour. Comme
il n'y a pas beaucoup de gars qui parlent l'italien, j'ai eu la
chance d'aller sur le Giro. Mais il est clair que j'aimerais bien
faire le Tour une fois. Mais il faut être prêt, c'est la course la
plus dure au monde.
tsrsport.ch: Vous allez donc suivre la Grande
Boucle à la télévision?
STEVE MORABITO: Non, car je ne suis pas trop le
vélo à la télévision. Je vais peut-être regarder le chrono de
Monaco, et peut-être l'une ou l'autre étape de montagne mais guère
plus. J'irai par contre dire bonjour à mon équipe à Verbier, et
certainement rouler avec elle lors du jour de repos en Valais (réd:
entre les 15e et 16e étapes).
"Astana, c'est un peu le Real Madrid du vélo!"
tsrsport.ch: Avec Contador, Kloeden,
Leipheimer et surtout Armstrong, Astana dispose de 4 leaders sur le
Tour. N'est-ce pas trop difficile à gérer?
STEVE MORABITO: Oui, Astana c'est un peu le Real
Madrid du vélo (rires)! L'équipe subit une grosse pression des
sponsors, elle se doit de briller. C'est un mélange explosif mais
il faut faire une distinction entre les Tours personnels et
d'équipe. Et là, il vaut mieux avoir 4 leaders qui peuvent tous
gagner dans la même équipe que devoir se battre contre eux. Il
faudra jouer intelligemment tactiquement. De l'intérieur, c'est
facile à gérer...
tsrsport.ch: Mais Astana a annoncé que
Contador serait son leader. On a quand même un peu de peine à
imaginer qu'Armstrong revienne pour "porter les
bidons"...
STEVE MORABITO: La désignation d'un leader, c'est
pour les suiveurs. Vainqueur 2007, il était normal qu'Alberto
Contador soit désigné. Mais c'est en course que la hiérarchie va se
faire. Et le contre-la-montre initial servira de baromètre. Pour
Armstrong, la "nomination" de Contador, c'est tout bonus. Il aura
moins de pression sur les épaules. Mais il ne faut pas oublier que
le palmarès est une chose, la course en est une autre. Malgré
toutes les bonnes volontés, il peut se passer beaucoup de choses:
chutes, maladies, coups de moins bien, etc.
"Lance Armstrong reste très simple"
tsrsport.ch:
Lance Armstrong, justement,
comment est-il comme coéquipier. Septuple vainqueur du Tour de
France, se comporte-t-il comme une star dans l'équipe?
STEVE MORABITO:
Il est certain que c'est un gars
qui a beaucoup marqué le cyclisme, mais il reste très simple et
relativement accessible. Et s'il dégage une impression de froideur
dans les médias, il est beaucoup moins impressionnant dans un
groupe. En début de saison, c'était assez difficile de l'approcher,
car autant en Australie qu'en Californie, il avait beaucoup
d'obligations à côté du vélo avec sa fondation "Livestrong". Je
n'ai finalement pas passé beaucoup de temps avec lui, mais je peux
vous dire qu'il n'est pas avare de conseils pour les jeunes.
tsrsport.ch:
Avoir Lance Armstrong dans
l'équipe, c'est aussi la garantie d'une grande visibilité
médiatique...
STEVE MORABITO:
Il est vrai qu'il attire beaucoup
d'attention sur lui, mais il en amène encore davantage sur son
équipe. Tout le monde profite de sa venue sur une épreuve, que ce
soit les organisateurs, les sponsors ou encore les spectateurs.
"Je ne m'inquiète pas trop pour mon avenir"
tsrsport.ch: Récemment, on a aussi beaucoup
parlé d'Astana avec cette histoire des salaires non payés et ce
risque, pour l'équipe, de perdre sa licence Pro Tour.
STEVE MORABITO: Ce n'était effectivement pas une
bonne publicité pour l'équipe. C'est aussi un peu pour ça que j'ai
été très fier de porter ce maillot spécial sur le Giro, où le nom
d'Astana ne se voyait quasiment pas.
tsrsport.ch: Vous étiez inquiet pour
l'avenir?
STEVE MORABITO: Pas vraiment en fait, puisque
c'est arrivé pendant le Giro. Et là, j'avais la chance d'être avec
la "source", soit Lance Armstrong et le directeur sportif Johan
Bruyneel. J'ai donc constamment été informé des développements. Ca
ne m'a donc jamais inquiété au point de ne plus pouvoir me
concentrer sur ma mission, à savoir rouler. Je suis sous contrat
avec Astana jusqu'en 2010, donc je ne m'inquiète pas trop pour mon
avenir maintenant. Mais tout dépendra de l'avenir du
sponsor...
Propos recueillis par Daniel Burkhalter
"Cancellara, c'est une aubaine pour le cyclisme suisse"
tsrsport.ch: Seuls trois coureurs suisses disputent le Tour de France. C'est peu...
Steve Morabito: Oui c'est vrai, mais il faut aussi se dire qu'en Suisse, nous n'avons pas beaucoup de spécialistes pour les Grands Tours.
tsrsport.ch: Au milieu de toutes les stars d'Astana, Gregory Rast risque donc de se sentir un peu seul...
Steve Morabito: Oui, mais il aura un rôle très important, celui de cheval de course. Ce sera à lui de placer les leaders et d'éviter les surprises.
tsrsport.ch: Fabian Cancellara semble être l'arbre qui cache la forêt en Suisse...
Steve Morabito: Fabian, c'est une bonne aubaine pour le cyclisme helvétique. Il focalise pas mal d'attention. Pour notre pays, ce serait bien qu'il puisse garder le maillot jaune longtemps...
Steve Morabito express
1ère chose faite au réveil: j'écoute les infos à la radio ou, quand je suis à l'étranger et que je n'ai pas la radio, je prends mes pulsations.
Boisson favorite: l'eau pure du Valais.
Repas préféré: je suis très cuisine italienne. Un bon plat de pâtes avec une viande à la braise. Un repas de cycliste! J'ai choisi le bon sport...
Série favorite: je ne regarde pas beaucoup la TV, mais j'aime Dr. House.
Destination de vacances rêvée: je passe 200 jours par année à l'hôtel. Le meilleur hôtel, c'est à la maison!
Meilleur souvenir: ma victoire à Loèche sur le Tour de Suisse 2006. Au niveau privé, je le garde pour moi.
Pire souvenir: je préfère ne pas m'en souvenir!
Si pas cycliste: je serais toujours comptable dans une fiduciaire.
Le vélo, c'est: une grande expérience de vie, une opportunité de voyages.
Plus grande qualité: il faut le demander à ma copine! Patient, travailleur.
Plus grand défaut: ma patience, mon acharnement à faire certains trucs.
Le dopage, c'est: un grand problème qui, je l'espère, sera bien canalisé car il ne sera jamais solutionné. Des tricheurs, il y en a partout, et même dès notre plus jeune âge, à l'école!
Votre salaire: lors de ma 1ère saison pro, en 2006 avec Phonak, je touchais 50'000 fr., soit le minimum légal pour un jeune pro en cyclisme. Aujourd'hui, je gagne bien plus. Mais je ne fais pas du vélo pour l'argent. C'est une grande chance de pouvoir faire partie de ce monde-là, et je ne regrette absolument pas mon choix de vie.