Dominik Meichtry est un assoiffé de natation. Sa passion, il
l'étanche en Californie. Ses résultats, cependant, portent le sceau
du drapeau suisse. A témoin sa 6e place aux Jeux olympiques de
Pékin sur 200m libre.
Né à St-Gall il y a 24 ans, "Dom" n'a jamais vraiment vécu en
Suisse. Tout au plus y a-t-il passé chaque été jusqu'à l'âge de 14
ans. De part la profession de son père, un homme d'affaires, le
leader de la natation helvétique a notamment surtout vécu à
Athènes, Kinshasa, Los Angeles, Hong Kong et Johannesburg.
A quelques jours des Mondiaux de Rome (du 26 juillet au 2 août),
Meichtry évoque son parcours, ses objectifs de carrière et les
combinaisons "magiques" qui vont selon lui à l'encontre de la
philosophie de la natation.
Röstis, saucisse et Rivella
tsrsport.ch: Vous êtes un véritable
globe-trotter. De part la profession de votre père, vous avez vécu
à Athènes, Kinshasa, Los Angeles, Hong Kong, Johannesburg. Et la
Suisse?
DOMINIK MEICHTRY: Je suis né à Saint-Gall mais je
n'ai jamais véritablement vécu en Suisse. Jusqu'à l'âge de 14 ans
environ, j'ai passé chaque été en Suisse. Je me sens totalement
Suisse. D'ailleurs à mon arrivée des Etats-Unis, mercredi (ndlr: 15
juillet), ma mère m'a préparé des röstis, une saucisse et m'a servi
du Rivella (rires).
tsrsport.ch: Depuis janvier 2005, vous vous
entraînez à l'Université de Berkeley à San Francisco et effectuez
parallèlement des études de psychologie et de
sociologie.
DOMINIK MEICHTRY: J'ai décroché mes Bachelors en
mai dernier. Je vais désormais me consacrer à 100% à la natation
pendant une année avant d'effectuer probablement un Master.
tsrsport.ch: Pourquoi avoir choisi la
Californie pour vous entraîner?
DOMINIK MEICHTRY: Le niveau de la natation aux
Etats-Unis est très élevé. Ceci est notamment dû au fait que l'on
peut vraiment concilier sport et études. Les conditions de travail
y sont excellentes. Si on travaille dur, on peut se donner les
moyens de réussir. En Suisse, c'est actuellement un peu plus
compliqué. La natation a une grande tradition à l'Université de
Berkeley. Avec mes Bachelors en poche et une finale olympique sur
200m libre décrochée aux Jeux de Pékin, je pense avoir pris la
bonne décision.
"En Suisse, études ou sport"
tsrsport.ch:
Pensez-vous que vos coéquipiers
peuvent obtenir de bons résultats au niveau international en
restant en Suisse?
DOMINIK MEICHTRY:
En Suisse, on se retrouve un
peu dans la situation "soit tu fais des études, soit tu pratiques
un sport à haut niveau". Il est difficile de combiner les deux. A
mes yeux, il était important d'obtenir un titre universitaire afin
de pouvoir bien s'insérer dans la vie professionnelle après sa
carrière sportive.
tsrsport.ch:
Grâce aux Jeux de Pékin, vous
avez pris conscience que vous pouviez réussir de bons résultats!
Etes-vous mûr pour une médaille aux Mondiaux de Rome?
DOMINIK MEICHTRY:
Il est extrêmement difficile de
répondre à cette question car les combinaisons 100% en polyuréthane
ont complètement changé la donne. Bien malin celui qui peut
déclarer être certain de gagner. Dans la situation actuelle, je
peux simplement me concentrer sur mon style.
"Je n'ai aucun sponsor"
tsrsport.ch: N'est-ce pas déprimant pour un
nageur de voir un Roger Federer gagner des millions alors que vous
vous entraînez probablement autant...
DOMINIK MEICHTRY: Je peux vous assurer que je
gagne vraiment beaucoup moins que Roger Federer (rires). On ne peut
pas comparer le tennis avec la natation mais il est évident que les
nageurs suisses manquent cruellement de sponsors. Personnellement,
je n'en ai aucun. C'est vraiment dommage car j'ai énormément de
plaisir à m'entraîner dur. Dans ces conditions, je me demande
parfois combien de temps je vais encore pouvoir nager.
Actuellement, je ne touche rien du tout. Il n'y a dans le monde que
3 à 5 nageurs qui gagnent bien leur vie.
tsrsport.ch: Vous faites pourtant partie des
6 meilleurs nageurs au monde sur 200m libre! Aucune
aide?
DOMINIK MEICHTRY: Je disposais d'une bourse de
mon Université de Berkeley et d'une aide de Swiss Olympic. Mais ces
montants étaient dérisoires pour la pratique du sport de haut
niveau.
"Il se peut que j'arrête avant les Jeux de 2012"
tsrsport.ch: Les Jeux olympiques de Londres
en 2012 sont encore très loin... Tiendrez-vous financièrement
jusque-là?
DOMINIK MEICHTRY: Je vais m'investir totalement
dans la natation cette année puis je ferai le point. Les Jeux de
Londres figurent dans mes objectifs mais si financièrement la
situation ne se débloque pas, il se peut que je mette un terme à ma
carrière avant.
"Michael Phelps n'est pas imbattable"
tsrsport.ch: Que pouvez-vous nous dire sur
Michael Phelps?
DOMINIK MEICHTRY: Chaque 3 à 5 ans, il y a un
nageur qui sort du lot et qui efface de nombreux records du monde.
Il amène beaucoup dans ce sport et a marqué les Jeux de
Pékin.
tsrsport.ch: Et vous l'avez battu à Pékin
lors des séries du 200m!
DOMINIK MEICHTRY: J'ai prouvé que les « petits
Suisses » pouvaient rivaliser avec les meilleurs nageurs de la
planète. La Suisse ne sera probablement jamais une grande nation
mais elle peut tout de même réaliser de grandes choses. Pour moi
Michael Phelps n'est pas imbattable. Le jour où je penserai le
contraire, j'arrêterai. Il ne faut pas avoir peur!
Les combinaisons de la discorde
tsrsport.ch:
La natation baigne en eaux
troubles depuis la validation le mois dernier des combinaisons 100%
en polyuréthane... Qu'en pensez-vous?
DOMINIK MEICHTRY:
Aujourd'hui, tout l'équipement
coûte 700 francs! Ces combinaisons hi-tech portent préjudice à
notre sport... Cette situation est d'autant plus injuste que
certains nageurs ne peuvent pas s'offrir ou obtenir ces
tenues.
tsrsport.ch:
La Fédération internationale
(FINA) a énormément perdu en crédibilité...
DOMINIK MEICHTRY:
C'est fort regrettable car
actuellement c'est celui qui a la meilleure combinaison qui va
probablement gagner et plus forcément le plus travailleur et
talentueux. Il ne reste désormais plus qu'à attendre 2010 et
espérer que la FINA interdise ces combinaisons.
"Actuellement, les records n'ont pas de réelles
significations"
tsrsport.ch: Avez-vous eu l'occasion d'essayer
la combinaison "magique"?
DOMINIK MEICHTRY: Je l'ai essayée pour la
première fois la semaine passée (ndlr: semaine du 6 au 12 juillet),
soit 2 semaines avant les Championnats du monde. Je n'ai disposé
que de très peu de temps pour la tester. Mon premier sentiment?
J'ai plongé puis ai eu une grosse sensation de glisse. Les records
du monde vont tomber mais ils n'auront à mes yeux pas de réelles
significations.
tsrsport.ch: Dans ces conditions, cela a-t-il
encore un sens de se mesurer avec des athlètes possédant cette
combinaison ?
DOMINIK MEICHTRY: Cela vaut toujours la peine de
se battre dans l'eau pour l'amour que l'on voue à ce sport. A mes
yeux, on assistera à Rome à des courses à 2 vitesses.
"La haute technologie n'a rien à faire dans la natation"
tsrsport.ch: Nagerez-vous avec cette
combinaison "magique" à Rome?
DOMINIK MEICHTRY: Je ne sais pas encore. Il est
en tout cas certain que les nageurs possédant ces combinaisons 100%
en polyuréthane auront un avantage mental car ils disposeront du
meilleur matériel.
tsrsport.ch: Votre solution?
DOMINIK MEICHTRY: Pour moi la natation doit se
limiter à un simple maillot de bain, des lunettes et à la limite un
bonnet. Aux Jeux de Pékin, tous les nageurs avaient au moins le
même type de combinaison. L'égalité des chances n'était pas
compromise comme c'est malheureusement le cas maintenant. Les
combinaisons 100% en polyuréthane n'ont rien à faire dans ce sport.
La haute technologie doit rester en Formule 1, pas dans la
natation!
propos recueillis par Miguel Bao
Premier plongeon à 9 ans
tsrsport.ch: Comment vous est née la passion pour la natation?
DOMINIK MEICHTRY: J'ai toujours aimé l'eau. J'ai commencé à l'âge de 9 ans à Los Angeles à l'occasion d'un cours de sauvetage. Pour pouvoir y prendre part, j'avais dû disputer une course. D'entrée, j'ai éprouvé beaucoup de plaisir.
tsrsport.ch: Aviez-vous pratiqué d'autres sports avant?
DOMINIK MEICHTRY: Je joue une à 2 fois par mois au tennis. Mais j'ai également pratiqué le basketball, le baseball, le football américain et le football. Mes parents m'ont donné la liberté de m'orienter vers le sport qui me branchait le plus.
2008 UNE ANNEE EXCEPTIONNELLE
tsrsport.ch: Onze mois après votre 6e place obtenue lors du 200m libre des Jeux olympiques de Pékin, vous rendez-vous compte de la performance réalisée ?
DOMINIK MEICHTRY: Je pense que je ne prendrai totalement la mesure de mon résultat à Pékin que lorsque je mettrai un terme à ma carrière. 2008 a été une année exceptionnelle car j'ai également décroché la médaille d'argent lors des Européens en petit bassin disputés en Croatie. Il s'agissait de ma première médaille au niveau international.
ACCIDENT DE SKI A VERBIER
tsrsport.ch: Auriez-vous pensé il y a 10 ans que vous atteindriez un tel niveau?
DOMINIK MEICHTRY: Absolument pas. D'autant plus qu'à l'âge de 14 ans, je me suis cassé la hanche lors d'un accident de ski à Verbier. Le médecin m'avait alors dit que je ne pourrais plus disputer des compétitions de natation. A partir de là, je n'aurais jamais pensé pouvoir participer aux Jeux d'Athènes en 2004. Cela avait pourtant été le cas. Grâce à Dieu, mon accident à la hanche n'est plus qu'un lointain souvenir. Je reste convaincu que cette blessure m'a permis d'être plus fort mentalement.
PROGRESSION DE 5 SECONDES EN 5 ANS!
tsrsport.ch: En 5 ans, vous avez amélioré votre chrono sur 200m libre de 5"45 ! En 2003, vous parcouriez le 200m libre en 1'51''25. Désormais votre référence est à 1'45"80. Comment est-ce possible?
DOMINIK MEICHTRY: En 2003, je commettais beaucoup d'erreurs que ce soit au départ ou lors des transitions. Avec les années, j'ai gagné en expérience et énormément amélioré mon style ainsi que mes phases sous l'eau. Sur une longueur de bassin, Michael Phelps peut nager 10 mètres sous l'eau. Moi je peux arriver à 9 mètres. J'ai encore des points à améliorer mais je pense pouvoir battre mes 1'45''80. Je ne veux pas me fixer de limites de temps.
LONDRES 2012 EST ENCORE LOIN
tsrsport.ch: Votre rêve était d'atteindre une finale à des Jeux olympiques. Maintenant que c'est fait, que visez-vous?
DOMINIK MEICHTRY: J'aimerais faire aussi bien lors des Jeux olympiques de Londres en 2012. Et si j'atteins la finale, je nagerai pour une médaille. Mais ne brûlons pas les étapes. Le chemin de Londres est encore très long.
Dominik Meichtry express
Première chose faite le matin: je me brosse les dents
Repas préféré: pizza
Boisson préférée: Rivella
Musique préférée: le rock
Film préféré: les comédies
Meilleur souvenir: ma 6e place aux Jeux de Pékin et la médaille d'argent aux Européens 2008
Pire souvenir: l'attente après la demi-finale avant d'apprendre que je disputerais la finale du 200m à Pékin
Principale qualité: joyeux et détendu
Principal défaut: calme. Parfois secret
Devise: si tu y crois, tu peux y arriver
Si vous n'aviez pas nageur: joueur de tennis peut-être
Dopage: je suis favorable à plus de contrôles antidopage. Personnellement, je suis testé une fois par mois.
Salaire: dérisoire