Marc Hottiger, héros du match Suisse-Italie du 1er mai 1993
Auteur du seul but du Suisse-Italie des éliminatoires de la World Cup'94, Marc Hottiger revient sur son exploit à quelques jours du duel amical entre les deux nations à Bâle. Il évoque aussi sa carrière et son travail à Team Vaud.
Berne, 1er mai 1993. L'équipe de Suisse réalise l'exploit de
battre l'Italie 1-0 lors des éliminatoires de la World Cup'94 aux
Etats-Unis. Seul buteur de la rencontre, Marc Hottiger, alors
latéral droit du FC Sion, plaçait la Nati en position idéale pour
se qualifier.
Avec la troupe de Roy Hodgson, le Lausannois décrochera l'Amérique
six mois plus tard, à Zurich, face à l'Estonie. Une qualification
attendue depuis 1966!
Avant un nouveau duel, amical, entre les deux nations mercredi à
Bâle, Hottiger (41 ans) évoque son exploit d'alors, sa carrière. Il
parle aussi de l'équipe de Suisse actuelle et de son travail auprès
des jeunes talents vaudois. Interview.
"Pascolo avait réussi des miracles dans les buts"
tsrsport.ch: Quel souvenir gardez-vous de
votre but au Wankdorf, en mai 1993?
MARC HOTTIGER: Un magnifique
souvenir, bien sûr! Ce jour-là, toute l'équipe avait fait un gros
match et Pascolo avait réussi des miracles dans les buts. Mon goal
était tombé au bon moment, peu de temps après que les Italiens
soient réduits à 10. On savait qu'en marquant en premier on avait
le potentiel défensif pour tenir le résultat. Et on l'a fait!
tsrsport.ch:Racontez-nous votre
but!
MARC HOTTIGER: Je suis au départ de l'action sur
le flanc droit, le ballon transite ensuite par Ohrel puis Sutter
avant d'être contré et de retomber en cloche dans les 16 mètres.
J'arme une volée gagnante du gauche et voilà. Aujourd'hui encore,
j'ignore ce qui m'a poussé à poursuivre mon action et à me
retrouver en si bonne position (rires)!
tsrsport.ch: Depuis cet exploit, la Suisse
n'a plus jamais battu l'Italie (4 défaites et 2 nuls). C'était
quoi, un miracle?
MARC HOTTIGER: Non, je ne pense pas. Dans ces
mêmes qualifications, nous étions allés faire match nul 2-2 à
Cagliari en menant encore 0-2 à un quart d'heure de la fin. Nous
vivions une période faste et ce résultat nous avait confortés dans
l'idée que l'Italie n'était pas imbattable.
"Nous pouvions compter sur des attaquants de grande
valeur"
Je pense que Hodgson
avait su créer un bon amalgame entre les jeunes et les anciens
Marc Hottiger
tsrsport.ch:
Vous vous qualifiez dans un
groupe qui comprenait aussi le Portugal et l'Ecosse. Le
sélectionneur Roy Hodgson était-il un magicien?
MARC HOTTIGER:
Peut-être. Mais il avait aussi
hérité d'un contingent de qualité façonné par son prédécesseur Uli
Stielike. L'Allemand avait fait le ménage en évinçant quelques
anciens, et Roy avait apporté des retouches tactiques en allant
rechercher, par exemple, Alain Geiger et Georges Bregy. De plus,
nous pouvions compter sur des attaquants de grande valeur.
Chapuisat, Türkyilmaz, Knup, Subiat, Bonvin ou Grassi étaient
capables de marquer à tout moment... Je pense que Hodgson avait su
créer un bon amalgame entre les jeunes et les anciens. Tout le
monde tirait à la même corde et les résultats ont suivi.
tsrsport.ch:
Attendue depuis 1966, cette
qualification a eu un impact incroyable dans notre pays.
Réalisiez-vous à l'époque que vous étiez des héros nationaux, au
même titre qu'un Federer actuellement?
MARC HOTTIGER:
Sur le moment, on n'a pas trop
réalisé la portée de notre exploit. Mais c'est vrai qu'après cette
qualification, les stades étaient de nouveau pleins pour l'équipe
de Suisse. On s'est qualifié dans la foulée pour l'Euro 96 et
l'engouement populaire n'est jamais retombé depuis. Mais ce n'est
pas comparable à ce que réalise Federer. Lui, c'est encore une
autre dimension!
tsrsport.ch:
Que pensez-vous que la
génération actuelle? En cas de qualification, cette équipe de
Suisse peut-elle réussir de grandes choses en Afrique du
Sud?
MARC HOTTIGER:
C'est clair! La Nati est composée
d'individualités de grande valeur. Contrairement à mon époque, les
joueurs évoluent presque tous dans de grands clubs européens et
sont habitués à jouer de gros matches et à évoluer dans des stades
pleins. Individuellement, ils sont aussi mieux préparés que nous
l'étions. De plus, cette équipe a su relever la tête après son
couac contre le Luxembourg. Nos internationaux sont actuellement
dans une excellente dynamique.
"A Newcastle, j'ai découvert un univers fantastique"
tsrsport.ch:
La World
Cup'94 vous a ouvert les portes de l'étranger. A 27 ans, vous
espériez encore partir?
MARC HOTTIGER:
A l'époque, je n'y pensais pas
vraiment. Peu de Suisses évoluaient à l'étranger. Reste que
j'imaginais bien que la Coupe du monde m'offrirait la plus belle
des vitrines.
tsrsport.ch:
C'est Kevin Keegan qui est venu
vous chercher à Sion pour rejoindre Newcastle et la Premier League.
Comment s'est passée votre intégration?
MARC HOTTIGER:
J'avais tapé dans l'œil de Keegan
lors de notre victoire 4-1 contre la Roumanie aux USA. J'ai
découvert un univers fantastique. J'ai eu la chance d'arriver dans
un club qui possède un des meilleurs publics d'Angleterre. Il
régnait un état d'esprit fantastique dans l'équipe et je jouais
dans des stades pleins, dans une ambiance de folie. J'ai beaucoup
joué la première année, un peu moins la deuxième et j'ai été
transféré à Everton en mars. Après avoir été régulièrement
titularisé lors du 2e tour, j'ai beaucoup chauffé le banc la saison
suivante et j'ai fini par revenir en Suisse.
"J'aurais bien aimé vivre une expérience en Suisse
alémanique"
Après 30 ans, il
faut que le joueur soit sportivement indispensable car
économiquement il ne vaut plus rien
Marc
Hottiger
tsrsport.ch:
Avez-vous des regrets de n'avoir pas goûté à un autre
championnat?
MARC HOTTIGER:
Pas du tout. Si c'était à refaire,
je referais le même parcours. Simplement, j'aurais aimé poursuivre
plus longtemps l'aventure anglaise. J'aurais bien aimé aussi vivre
une expérience en Suisse alémanique. A mon retour d'Angleterre,
j'ai eu quelques offres, notamment de Bâle, mais j'ai finalement
choisi de revenir à Lausanne.
tsrsport.ch:
Par fidélité?
MARC HOTTIGER:
Oui, tout a fait. C'est là que
tout avait commencé pour moi. Je ne me sentais pas redevable mais
le discours des dirigeants m'avait plu. Mais encore une fois, je ne
regrette pas ce choix.
tsrsport.ch:
Vous aviez été transféré de Sion
à Newcastle pour environ 2 millions de francs, puis de Newcastle à
Everton pour environ 1,5 million de francs...
MARC HOTTIGER:
De la rigolade! Pour un club
anglais, même à cette époque, c'était vraiment très bon
marché.
tsrsport.ch:
Quel regard portez-vous sur les
chiffres des transferts actuels?
MARC HOTTIGER:
Parfois je me dis que cela doit
être difficile à comprendre pour les ados. Ces chiffres doivent
leur faire tourner la tête. Il faut bien qu'ils se rendent comptent
que c'est de l'argent qui passe d'un club à l'autre et que, même si
les joueurs concernés sont très bien payés, ce ne sont pas eux qui
touchent ces sommes de transfert. Mais c'est vrai que ces chiffres
sont impressionnants...
"Physiquement j'étais en forme pour continuer"
tsrsport.ch: Vous avez rejoint Sion en 1999
avant de prendre votre retraite en 2002, à l'âge de 34 ans. Vous en
aviez assez du football?
MARC HOTTIGER: Non. Physiquement j'étais en forme
pour continuer. Mais le président de l'époque, M. Kadji, m'a fait
comprendre qu'il ne comptait plus sur moi... Le problème est
toujours le même: après 30 ans, il faut que le joueur soit
sportivement indispensable pour son club car économiquement il ne
vaut plus rien. Dans la foulée, j'ai reçu une offre pour entraîner
Echallens et, comme j'étais sur le point d'obtenir mon diplôme A,
c'était une opportunité idéale à saisir pour tourner la page.
Propos recueillis par Gérald Golay
Publié Modifié
"Les jeunes doivent se montrer patients"
tsrsport.ch: Après votre carrière de joueur, quel a été votre parcours?
MARC HOTTIGER: J'ai passé quatre ans à Neuchâtel Xamax. Je me suis tout d'abord occupé des M16 et du secteur de la préformation, avant de reprendre les M18 puis d'occuper le poste de directeur technique de la formation. J'ai pris ensuite la direction des Etats-Unis, où j'ai répondu à une offre de Brad Friedel (ndlr: le gardien américain, actuellement à Aston Villa, avait côtoyé Hottiger à Newcastle) qui venait d'ouvrir une académie de foot, chez lui, à Cleveland. Je suis devenu responsable technique du centre de formation. En compagnie de ma femme et de mes enfants, nous avons vécu une belle aventure, qui a duré une année et demie.
tsrsport.ch: Qu'êtes-vous allé chercher aux Etats-Unis? Le "soccer" a-t-il vraiment une chance de déchirer un jour son étiquette de "sport de filles"?
MARC HOTTIGER: J'aime les challenges et j'avais envie de découvrir un autre univers. Si le "soccer" n'est pas très médiatique, on ne se rend pas bien compte en Europe du nombre de jeunes qui jouent là-bas. Certains clubs disposent même de magnifiques installations. Le problème, c'est que le pays pèche au niveau des structures. Vu l'immensité du territoire, la Fédération peine à réunir et à encadrer les meilleurs espoirs. Le jour où les Etats-Unis parviendront à former correctement leurs jeunes, je les vois bien devenir champions du monde.
tsrsport.ch: Vous êtes désormais directeur technique du Team Vaud. Un job à 100%?
MARC HOTTIGER: A 120% même (rires)! Il y a beaucoup de travail avec des jeunes en provenance de tout le canton. Mais j'aime beaucoup ce que je fais.
tsrsport.ch: N'est-il pas difficile de motiver ces jeunes alors qu'il n'existe plus de club de pointe dans leur canton?
MARC HOTTIGER: Bien sûr que l'on ne peut pas leur faire miroiter la Super League, mais la structure professionnelle mise en place est idéale pour encadrer nos différentes sélections. Ce qui est difficile à accepter, c'est de voir certains talents partir à 15 ans pour rejoindre les M15 ou M16 de Sion ou Zurich. Ils se retrouvent englués au milieu de 20 joueurs qui veulent tous intégrer la 1ère équipe et ils disparaissent de la circulation.
tsrsport.ch: Quel voie doivent-ils suivre alors?
MARC HOTTIGER: Prenez des garçons comme Basha et Pache. Ils ont suivi toute la filière et ont évolué deux ans au LS, en Challenge League. Ils sont maintenant titulaires à GC et YB. Les jeunes doivent se montrer patients et ne pas brûler les étapes. Certains parents ou agents pensent malheureusement autrement...
tsrsport.ch: Le canton de Vaud est représenté par quatre clubs en Challenge League. Dans ces conditions, y'a-t-il un espoir de retrouver la Super League un jour?
MARC HOTTIGER: Je l'espère. En tout cas, le potentiel et l'encadrement s'y prêtent. Il est vrai que la présence d'un club vaudois en Super League serait idéale. Mais manifestement, pour des raisons politiques et historiques, il n'est pas évident de faire évoluer les mentalités, de rassembler les forces. Le projet d'agrandissement de la Super League à 12 équipes peut aussi nous donner l'occasion de remonter...
tsrsport.ch: Henchoz, Zuberbühler, Djourou, Senderos et d'autres ont suivi vos traces et traversé la Manche. Vous avez importé le "Made in Switzerland" en Angleterre?
MARC HOTTIGER: Je ne sais pas. Je pense surtout que le foot suisse jouit d'une meilleure image en Europe et que, comme les autres, les clubs anglais s'intéressent à notre championnat. De plus, le rapport qualité-prix est très intéressant pour eux.
tsrsport.ch: On vous offre une baguette magique qui vous donne la possibilité d'inverser un seul résultat de toute votre carrière...
MARC HOTTIGER: Le 0-3 face à l'Espagne en 8es de finale de la Coupe du monde 1994. En quarts on aurait alors retrouvé l'Italie...
tsrsport.ch: Ambitionnez-vous d'entraîner un jour une équipe de pros?
MARC HOTTIGER: Honnêtement, je ne me pose pas la question. Cela fait maintenant six ans que je m'occupe de la formation des jeunes et cela me plaît beaucoup. Même si je possède les diplômes pour entraîner jusqu'en Challenge League, c'est avec eux que je vois mon avenir.
Marc Hottiger express
Lieu de vacances favori: Punta Cana.
Repas préféré: fondue chinoise.
Boisson préférée: un bon verre de vin rouge italien.
Films préférés: les James Bond.
Meilleur souvenir: la Coupe du monde 1994.
Pire souvenir: le titre manqué d'un cheveu avec le LS en 1990 au profit de Grasshopper.
Si vous n'aviez pas été footballeur: j'ai une formation d'employé de commerce. Mais je me serais bien vu comme prof de gym.
Le meilleur attaquant contre qui vous avez joué: Eric Cantona. J'ai joué 4 fois contre lui pendant la période où il était le "King" de Manchester United. Il faisait des trucs incroyables.
Votre devise: il faut toujours être positif.
Principale qualité: honnête.
Principal défaut: impatient.
Le parcours de Marc Hottiger
1988/89: Lausanne-Sports (20 matches/3 buts)
1989/90: Lausanne-Sports (35/1)
1990/91: Lausanne-Sports (33/1)
1991/92: Lausanne-Sports (35/0)
1992/93: Sion (32/7)
1993/94: Sion (35/6)
1994/95: Newcastle United (38/1)
1995/96: Newcastle United (1/0)puis Everton (9/1)
1996-97: Everton (8/0)
1997-98: Lausanne-Sports (29/0)
1998-99: Lausanne-Sports (16/1)
1999-00: Sion (14/0)
2000-01: Sion (33/1)
2001-02: Sion (35/0)
2002-2006: responsable de la préformation, des M16 puis des M18 et enfin directeur technique de la formation à Neuchâtel Xamax.
2006-2008: responsable technique de l'Académie de foot de Brad Friedel à Cleveland (USA).
2009- ?: directeur technique du Team Vaud.