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Gilbert Gress, une "tronche" reconnue loin à la ronde

Gilbert Gress, une coupe de cheveux si célèbre...
Gilbert Gress, une coupe de cheveux si célèbre...
Dans le monde du foot, Gilbert Gress est un personnage. Adulé à Strasbourg - malgré son échec cet été - et à Neuchâtel, l'ex-sélectionneur est toujours en procès avec le FC Sion. Entretien passionnant avec un passionné.

Est-il vraiment encore nécessaire de présenter Gilbert Gress (68
ans)? Que ce soit à Strasbourg (seul titre du club en 1979),
Neuchâtel Xamax (deux seuls sacres, en 1987 et 1988) ou Zurich
(Coupe de Suisse 2000), tout le monde se souvient de cette
chevelure si particulière - elle lui a valu l'affectueux surnom de
"l'Ange bleu" en Alsace, ou de ses lunettes au look tellement
rétro.



Mais ce Franco-Suisse, qui réside depuis longtemps entre
St-Blaise/NE et son Alsace natale (à la rue... franco-suisse!),
c'est aussi l'un des anciens entraîneurs du FC Sion de Christian
Constantin (2004-2005, un procès est d'ailleurs toujours en
cours!), le "sauveur" du FC Aarau (2007) et surtout un
ex-sélectionneur national de 1998 à 1999.



Aujourd'hui consultant pour la télévision alémanique SF, cet
ancien joueur de Strasbourg, Marseille et Stuttgart revient
largement sur son éviction après deux matches seulement à
Strasbourg cet été - il en a fait un livre - et un univers du
ballon rond qui a bien changé, selon lui. Entretien.



tsrsport.ch: - Vous venez de publier un
livre, "Fautes graves, un été d'enfer à La Meinau". Votre bref
passage à la tête de Strasbourg cet été vous reste visiblement en
travers de la gorge...




GILBERT GRESS: C'est en référence à mon
limogeage, pour "faute grave". En fait, l'actionnaire-majoritaire
du club, Philippe Ginestet, était censé se retirer au profit de
Jacky Kientz, un ancien président prêt à se réimpliquer dans le
club. Mais Ginestet a nommé Léonard Specht, qui n'avait rien à
dire, tout en continuant à tirer les ficelles. Pire, comme il
n'était pas très chaud à mon engagement, il a chargé le joueur
Grégory Paisley, tout frais transféré à Nice, de me "charger" dans
la presse. Je n'ai pas accepté et en ai parlé à la presse. Première
faute grave, soi-disant. Le pire, c'est que Ginestet avait déjà agi
de même avec Jean-Pierre Papin deux ans plus tôt, avec le joueur
Devaux. Je ne pouvais pas l'accepter. On me reproche aussi une
"prise de bec" avec un joueur bulgare, Emil Gargorov, revenu avec
un jour de retard de ses vacances. Enfin bref, un procès est en
cours à Strasbourg...

On a commencé la
saison avec 7000 abonnés. Il n'y en aurait eu que 2000 ou 3000 si
je n'étais pas revenu!

Gilbert
Gress

tsrsport.ch:

- Vous
n'étiez pas retourné à la Meinau pendant 15 ans avant cet été. On
imagine que vous n'allez désormais pas y retourner de si tôt... Des
regrets
?



GILBERT GRESS:

Je n'y étais pas retourné car je
ne cautionnais pas la politique du club. En 2006/07, Papin avait 40
joueurs sous contrat alors que le club n'en avait pas les moyens...
Aujourd'hui, ça me fait mal pour le Racing, mais pas pour les
personnes qui sont en place. Cela fait 4 ans que ça dure, et
aujourd'hui, Strasbourg, qui devait évoluer en Ligue 1, pointe à
l'avant-dernier rang de Ligue 2. J'aurais dû écouter mon épouse qui
m'avait conseillé de ne pas resigner là-bas... Le pire, c'est que
quand je suis revenu au club, on m'a dit: "vous ne savez pas où
vous mettez les pieds!". Avant cela, un manager m'avait même appelé
pour me dire que "si je commencais la saison, j'étais un homme
mort".



En 1975, quand j'avais été nommé entraîneur-joueur de Xamax, le
président Gilbert Facchinetti m'avait dit: "mes joueurs doivent se
mettre à votre niveau, et pas l'inverse". Là, j'aurais dû écouter
les 4-5 "pleureuses" de l'équipe? Là, il n'y a qu'un seul joueur,
Steven Pelé, qui me salit encore dans la presse. Tout y passe: mes
méthodes d'entraînement, mon stage d'avant-saison trop pénible
physiquement, etc. Ce monsieur n'avait tout simplement pas envie de
courir...



tsrsport.ch:

- En Alsace, on vous surnommait
"l'Ange bleu" pour avoir apporté le seul titre au club, en 1979.
Aujourd'hui, pensez-vous que les supporters vous
soutiennent
?



GILBERT GRESS:

Oh oui, plus que jamais! On a
commencé la saison avec 7000 abonnés. Il n'y en aurait eu que 2000
ou 3000 si je n'étais pas revenu! Bien des gens sont venus me
demander ce qu'ils devaient faire après mon limogeage, renvoyer
leur abonnement ou carrément le déchirer. Même mon avocat avait
exprès acheté 4 abonnements! Comme il n'était pas là lors des deux
matches que j'ai dirigé à la Meinau, il était très déçu. Et l'autre
jour, quand j'ai dédicacé mon livre en Alsace, ça m'a remué de voir
autant de monde. La file commençait de l'autre côté de la
rue...

"Moi, j'ai envie d'entraîner!"

tsrsport.ch:


- Votre âge, 68 ans, était aussi critiqué, de même que vos
méthodes "archaïques". La France n'aime-t-elle donc pas les "vieux"
coaches? La nomination de Guy Roux à Lens avait déjà fait beaucoup
de bruit...




GILBERT GRESS:

Guy était déjà devenu consultant
TV pour la Ligue 1. A mon avis, il ne voulait plus vraiment
entraîner. En plus, concilier les deux n'est pas possible, on perd
le sens critique à la télévision. Moi, c'est différent, j'ai envie
d'entraîner! Il me semble que ça s'est vu à Aarau il y a deux ans,
non? Sur mes 23 derniers matches en Suisse, dont 18 avec Sion, je
n'en ai perdu qu'un seul... En foot, il n'y a ni vieux ni jeunes,
tout dépend de l'envie. Sir Alex Ferguson n'a-t-il pas gagné la
Champions League à 67 ans avec Manchester United? Ou Luis Aragones
l'Euro 2008 à 70 ans avec l'Espagne?



tsrsport.ch:

- A l'époque, une poignée de
mains entre vous et le président Gilbert Facchinetti avait fait
office de contrat à Xamax. Les temps ont bien changé dans le
foot..
.



GILBERT GRESS:

Oh vous savez, le foot se joue
toujours à 11 contre 11. Ce qui a changé, c'est autour du terrain.
Avec les managers, agents ou autres conseillers, les joueurs sont
beaucoup trop assistés de nos jours. Et avant, le président était
un vrai président, qui vouait de l'amour à son club. Ce n'était pas
une multinationale qui visait un quelconque profit. L'arrêt Bosman
a aussi tout chamboulé. Avant, le public pouvait s'identifier à ses
joueurs de la région. En 1979, à Strasbourg, il y avait d'ailleurs
7-8 Alsaciens en 1ère équipe...



Et que dire des sommes de transfert désormais! A l'époque, quand
un joueur valait un million de francs français, soit 250'000 francs
suisses, c'était vraiment un bon. Aujourd'hui, un joueur moyen,
c'est deux millions, mais d'euros! Ca ne veut plus rien dire.
Regardez le Real Madrid, qui achète n'importe quoi pour des
millions. L'exemple à suivre, c'est le Barça, avec 4-6 éléments qui
sortent du centre de formation. Ou, malgré sa crise actuelle, le
Bayern. Un club avec des finances saines...

Un problème avec Ottmar Hitzfeld

tsrsport.ch:


- En tant qu'ex-sélectionneur national, que pensez-vous du
parcours de l'équipe de Suisse?




GILBERT GRESS:

Après la défaite contre le
Luxembourg, pas grand-monde n'imaginait une qualification directe.
Et par rapport à mon autre pays, la France, la Suisse est au moins
sûre d'être du rendez-vous (rires)! Mais à mon avis, la Suisse aura
une belle place à tenir en Afrique du Sud. Elle peut faire mieux
qu'en qualifications, faire une bien meilleure Coupe du monde. Il y
a du potentiel.



tsrsport.ch:

- La venue d'Ottmar Hitzfeld à
sa tête, est-ce une bonne chose
?



GILBERT GRESS:

Joker! En fait, j'ai eu un
problème avec lui quand j'entraînais Strasbourg et que lui était à
Dortmund. On avait pourtant passé les diplômes ensemble, à
Macolin... Un jour, il m'a appelé pour Franck Leboeuf - il ne
connaissait même pas son nom! Les entraîneurs se téléphonent
souvent pour un joueur, c'est normal. Mais la conversation reste
entre eux deux. Du moins normalement... Moi, je lui ai tout dit à
propos de Leboeuf, qui avait émis le désir de quitter le club. Ses
qualités et ses défauts. Quelques jours plus tard, Franck entre
dans mon bureau, furieux, en me disant: "Vous avez brisé ma
carrière!". Ottmar Hitzfeld lui avait raconté ce que j'avais dit...
Mon opinion à son sujet est donc aujourd'hui un peu biaisée. Donc
joker!



Propos recueillis par Daniel Burkhalter

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"Domenech a toujours été un provocateur"

tsrsport.ch: - La France de votre ancien joueur Raymond Domenech n'est elle pas encore au Mondial, vous l'avez dit. Que pouvez-vous nous dire sur le sélectionneur tricolore, passablement décrié?

GILBERT GRESS: Il est venu à Strasbourg en 1977, en provenance de Lyon. Un journaliste de "L'Equipe" m'avait chaudement recommandé ce petit défenseur moustachu. Jusqu'à son arrivée, on marquait beaucoup de buts, mais on en prenait aussi beaucoup. Puis, Domenech a joué son premier match et on n'a encaisé zéro but! J'en conserve donc un très bon souvenir en tant que joueur.

Mais je dois dire qu'il a toujours été un provocateur. Aujourd'hui, je me demande d'ailleurs comment il fait pour tenir, pour supporter toute cette pression... Maintenant, n'oublions pas qu'il a quand même emmené la France en finale du Mondial 2006. Les "Bleus" sont capables de tout. C'est peut-être une "tactique". Raymond est peut-être plus heureux quand on parle beaucoup de lui...

tsrsport.ch: - Vous suivez encore un peu Neuchâtel Xamax? Gilbert Gress entraîneur des "rouge et noir", c'est toujours possible?

GILBERT GRESS: En fait, la dernière fois que je suis venu à la Maladière, c'était la saison passée, quand Xamax avait battu Bâle 2-0. J'avais été invité par Philippe Rochat, le cuisinier. Pour être honnête, un retour à Neuchâtel me semble difficile, d'autant que je ne suis pas très copain avec le synthétique... Et même totalement opposé à ce genre de surface!

Gilbert Gress express

La première chose faite le matin: normalement, je vais chercher du pain. En son temps, je prenais aussi "L'Equipe", mais les journalistes ne sont plus ce qu'ils étaient...

Plat préféré: tout plat sans sauce.

Boisson favorite: le vin rosé frais, ou une coupe de champagne de temps en temps.

Lieu de vacances préféré: Je n'ai jamais trop aimé les vacances, ce qui ne plaît pas trop à mon épouse. Pour moi, c'est une semaine et c'est tout! A l'époque, on allait à Juan-les-Pins l'été et à La Clusaz l'hiver. Les patrons de nos hôtels habituels sont désormais à la retraite, et leur succession n'était pas forcément une réussite.

Programme TV favori: le foot, et surtout les matches de Barcelone. Je regarde aussi quelques débats politiques. C'est fou ce que les politiciens peuvent tout savoir, même quand on les interrogent sur des sujets qu'ils ne connaissent pas (rires)!

Votre dernier film: les deux dernières fois que je suis allé au cinéma, c'était avec ma fille - elle a aujourd'hui une quarantaine d'années - pour voir Zorro, avec Alain Delon, puis avec mes petits-enfants pour... Zorro, avec Antonio Banderas!

Plus grande qualité: honnêteté. En 15 ans à Xamax, je n'ai jamais signé un seul contrat!

Pire défaut: impatience.

Si pas footballeur/coach: footballeur! Quand j'avais 10 ans, avec un copain, on regardait les avions, rares dans le ciel à l'époque. Il m'a alors dit: "quand je serai grand, je serai pilote". Pour moi, c'était "footballeur". Il est devenu pilote et moi footballeur!

Le dopage: totalement contre! De nos jours, on trouve bizarre de disputer 80 matches par saison. Mais avec un bonne hygiène de vie, il n'y a rien de bizarre. A la belle époque de Xamax, mes internationaux ont disputé 32 parties en 4 mois. Aujourd'hui, certains joueurs ont une hygiène de vie particulière...

Meilleur souvenir: le titre avec Strasbourg en 79 ou les soirées européennes de Xamax. Sauver Aarau, en 2007, cela a aussi été un sacré exploit sportif. Gagner avec Xamax ou Strasbourg, où j'avais de bons joueurs, c'était presque "normal". Mais sauver Aarau, c'était tout simplement un exploit!

Pire souvenir: chaque défaite. Mon limogeage à Strasbourg cet été? Non. C'est simplement une symphonie inachevée. Malheureusement, ou heureusement!

Votre salaire: aujourd'hui, je suis au chômage, ou à la retraite (rires)! Cet été, à Strasbourg, j'étais certainement le coach de Ligue 2 le moins bien payé. Je gagnais la moitié voire le tiers du salaire d'un remplaçant! Bon, je dois quand même dire que les remplaçants gagnent bien à Strasbourg...

Le portrait de Gilbert Gress

Parcours de joueur
1959-1966: RC Strasbourg
1966-1971: VfB Stuttgart
1971-1973: Olympique de Marseille
1973-1975: RC Strasbourg
1975-1977: Neuchâtel Xamax

Palmarès comme joueur
Coupe de la ligue 1964 (Strasbourg)
Coupe de France 1966 (Strasbourg)
Champion de France 1971 et 1972 (Marseille)
Ligue 1: 290 matches - 28 buts

3 sélections en équipe de France

Parcours d'entraineur
1977-1980: Strasbourg
1980-1981: FC Bruges/BEL
1981-1990: Neuchâtel Xamax
1990-1991: Servette FC
1991-1994: Strasbourg
1994-1997: Neuchâtel Xamax
1998-1999: équipe de Suisse
2000-2001: FC Zurich
2002: Metz
2003: Sturm Graz/AUT
2004-2005: FC Sion
2007: FC Aarau
Août 2009: Strasbourg

Palmarès d'entraineur
Champion de France 1979 (Strasbourg)
Champion de Suisse 1987 et 1988 (NE Xamax)
Coupe de Suisse 2000 (FC Zurich)
Supercoupe de Suisse 1987, 1988 et 1990 (NE Xamax)

Livres
1980: «Le livre de ma jungle», de Gilbert Gress, Francis Braesch et Roland Scheubel, Gamay International

2005: «Je n'avais encore rien dit», Conversations avec Eric Genetet, Les Editions du Boulevard, Strasbourg

2009: «Fautes graves, Un été d'enfer à la Meinau», Les Editions du Boulevard, Strasbourg

Sources: Wikipédia