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Sylvain Freiholz, le "grand frère" de Simon Ammann

Le Combier s'est reconverti dans l'horlogerie depuis sa retraite en 2003.
Le Combier s'est reconverti dans l'horlogerie depuis sa retraite en 2003.
Dans les années 90, le saut à skis suisse, c'était seulement lui ou presque. Sylvain Freiholz revient sur sa carrière, qui l'a vu notamment remporter une médaille de bronze aux Mondiaux de Trondheim en 1997.

Bien avant que Simon Ammann et Andreas Küttel ne brillent sur la
scène internationale, Sylvain Freiholz (35 ans) a donné un visage
au saut à skis suisse. Le Vaudois, 2e du concours d'Engelberg en
1993, a contribué à la réussite de Simi et Andi en se battant afin
que l'équipe de Suisse possède des meilleures structures, pour
sortir du marasme. Aujourd'hui employé d'une grande marque
horlogère, le Combier n'a pas laissé tomber son sport favori,
puisqu'il est actif au sein du Ski-Club du Brassus et qu'il est
consultant pour la tsr. Entretien à une semaine de la reprise des
concours de la Coupe du monde.

"J'ai dû marcher 50 km à Salt Lake City"

tsrsport.ch:

Vous
avez pris part à 4 Jeux olympiques (1992/1994/1998/2002). Lesquels
avez-vous préféré
?



SYLVAIN FREIHOLZ:

Dur à dire. Ceux de Salt Lake
City en 2002 ont été les plus beaux sur le plan émotionnel, avec
les deux médailles d'or de Simon Ammann. Mais ceux de Lillehammer
en 1994 ont été spéciaux sur le plan de la ferveur. Tout le peuple
norvégien vibrait pour cette compétition. Quand tu pratiques le ski
nordique, la Scandinavie est le meilleur endroit où évoluer. On n'a
pas senti le même engouement ailleurs. A Vancouver, ce sera sans
doute la même chose. Là-bas, le "show" se fera plutôt autour du
hockey.



Personnellement, je ne suis jamais allé aux JO seulement pour
chercher un résultat. Pour moi, cet événement représente autre
chose qu'une simple compétition sportive. C'était une occasion
d'aller voir d'autres sports et de rencontrer un tas de gens.



tsrsport.ch:

Avez-vous une anecdote
particulière liée aux Jeux olympiques
?



SYLVAIN FREIHOLZ:

En 2002, j'avais parié avec
l'entraîneur que si un Suisse gagnait une médaille d'or, je
rentrerais à pied de Park City à Salt Lake City. Du coup, j'ai dû
parcourir 50 km! J'ai mis plus de 5h et j'avais encore mal aux
jambes aux Mondiaux de vol à skis à Harrachov le mois d'après
(rires).



tsrsport.ch:

Jamais médaillé aux JO, vous
aviez décroché le bronze au grand tremplin lors des Mondiaux de
Trondheim en 1997
.



SYLVAIN FREIHOLZ:

J'étais 8e après la première
manche, et je m'élançais en premier dans la 2e. Comme j'avais
réussi un bon saut, il fallait désormais que 5 sauteurs fassent
moins bien que moi. Dans l'aire d'arrivée, l'attente était...
intéressante. J'espérais qu'il ne m'arriverait pas la même chose
que quelques jours auparavant sur le petit tremplin et aux Mondiaux
de Thunder Bay en 1995, où j'avais fini respectivement 7e et 4e
dans une situation identique. Puis soudain, j'étais sur le podium!
Ce fut un sentiment de joie incroyable.



tsrsport.ch:

Vous attendiez-vous à remporter
un métal en Norvège
?



SYLVAIN FREIHOLZ:

Pour moi, ce n'était pas une
surprise. J'étais dans les choux en Coupe du monde en 1996/1997,
mais là-bas, j'étais à chaque fois parmi les trois premiers aux
entraînements. J'avais bénéficié d'une excellente préparation au
sein de l'équipe de France avant ces Mondiaux. J'avais fait bande à
part car j'avais 2-3 soucis de communication avec le coach de la
Fédération helvétique à ce moment-là. L'équipe de Suisse n'avait
même pas effectué de préparation spécifique pour ce rendez-vous!
Comme les Français s'entraînaient à 15km de chez moi, je les avais
rejoints.

"Avant, nous étions de vrais touristes"

tsrsport.ch:

Le staff
helvétique actuel n'a plus rien à voir avec cette
époque..
.



SYLVAIN FREIHOLZ:

Entre 1990 et 2001, nous étions
de vrais touristes. Je me suis battu pendant longtemps pour que
nous ayons un bon encadrement, avec des coaches professionnels du
crû. C'est devenu réalité en 2001/2002 avec l'arrivée de Berni
Schödler, qui a repris l'équipe en mains tout en disposant de
certains moyens. C'est ainsi que nous avons commencé à combler
notre retard. Les résultats actuels de Simon Ammann et d'Andi
Küttel ne tombent pas du ciel, ils sont le fruit d'un travail de
longue haleine, comme pour l'équipe de Suisse des M17 en
football.



tsrsport.ch:

Après Ammann et Küttel, le
déluge
?



SYLVAIN FREIHOLZ:

Un énorme travail est effectué
pour avoir les meilleures conditions de formation possibles d'ici
2011. C'est la date à partir de laquelle on peut compter avec les
retraites de nos deux vedettes. Le saut sera donc moins présent
dans les médias suisses. On a 200 licenciés en Suisse, et le but
est d'amener plus de jeunes à cette discipline. Bien sûr, le saut
n'est pas un sport de voisinage comme le foot ou le tennis. Il
demande souvent de longs déplacements. C'est pour cela qu'il
faudrait davantage de tremplins: au Locle, à Ste-Croix ou à Berne,
notamment.



tsrsport.ch:

Regrettez-vous d'avoir arrêté au
moment où Ammann et Küttel explosaient
?



SYLVAIN FREIHOLZ:

Non. J'ai tout de même vécu une
partie des succès actuels. Ce moment où nous portions Ammann en
triomphe à Salt Lake City restera par exemple gravé dans ma
mémoire. Bien sûr, j'aimerais avoir 15 ans aujourd'hui. Je serais
heureux et plein d'espoir. Comme je le disais, la formation est
bien meilleure maintenant. Il y a des coaches professionnels
régionaux, y compris en Romandie. Je souhaiterais d'autant plus
être à l'aube de ma carrière, que le règlement empêche désormais
que 10-15 anorexiques soient présents à chaque concours...



tsrsport.ch:

A propos du règlement, la FIS
testera cet hiver lors de certains concours un nouveau système
d'attribution des points, qui tient compte du vent
.



SYLVAIN FREIHOLZ:

Je ne suis pas persuadé que
l'on veuille instaurer cela en faveur des athlètes. Ce sont les
médias qui font pression pour que les concours soient cadencés,
mauvaise météo ou pas. Mais il faudra réussir à faire comprendre au
public qu'un sauteur atterrissant 20m plus loin que le premier
n'est que deuxième, car il a bénéficié de meilleures conditions
aérologiques. Ce sera illisible! Ce système vise le fair-play, mais
ce n'est qu'une belle utopie.

"Ammann a encore progressé"

tsrsport.ch: Simon Ammann a enlevé le GP
d'été. Quel enseignement peut-on en tirer?




SYLVAIN FREIHOLZ: En général, les sauteurs qui
ont brillé l'été sont aussi performants durant l'hiver. Le
vainqueur du GP d'été gagne souvent la Tournée des quatre tremplins
et le général de la Coupe du monde. Simi a pu engranger un maximum
de confiance grâce à ce succès. Techniquement, il a d'ailleurs
progressé, et profite d'un nouveau matériel. Par contre, gagner le
GP d'été ne veut rien dire pour les JO ou les Mondiaux. Les
athlètes suivent des préparations exprès pour ce type de
compétition.



tsrsport.ch: Avez-vous des regrets par
rapport à votre carrière (1990-2003)?




SYLVAIN FREIHOLZ: Non, je ne peux être
qu'heureux. J'ai pu vivre de mon sport, et j'ai réussi à me hisser
20 fois dans le top 10 en Coupe du monde. Bien sûr, cela fait
sourire quand on sait qu'Ammann et Küttel réussissent cette
performance en une, voire deux saisons... J'étais sur une autre
planète, mais j'ai vécu de superbes moments.



Propos recueillis par Michaël Taillard

Publié Modifié

"Le vol à skis, c'est le fruit défendu"

tsrsport.ch: Pourquoi les sauteurs disent-ils préférer le vol à skis et ses plus grands tremplins au saut à skis?

SYLVAIN FREIHOLZ: Le vol est plus intense. Les facteurs envie, peur, sensation et vitesse sont multipliés par 10. C'est royal, on vole durant 9"! C'est un peu comme le fruit défendu, car on n'y a droit que deux week-ends par an. J'ai pu prendre ma retraite en 2003 à Planica, la Mecque du vol, et je n'échangerais ça contre rien au monde.

tsrsport.ch: Pouvez-vous décrire ce que l'on ressent lors d'un saut à skis?

SYLVAIN FREIHOLZ: C'est difficile à expliquer... Je pense que ça doit ressembler aux sensations que l'on éprouve en base jump ou en deltaplane.

tsrsport.ch: Faites-vous encore des sauts de temps à autre, pour le plaisir?

SYLVAIN FREIHOLZ: Non. On ne peut pas prendre ce sport à la légère. Si on n'est pas au top, on peut soit être mal, soit mourir! Mes skis sont rangés.

Sylvain Freiholz express

Musique préférée: jazz, blues, Camille, Lenny Kravitz. Je suis très éclectique.

Boisson préférée: une boisson lactée au logo rouge qui était mon sponsor.

Plat préféré: le vacherin chaud.

Un lieu de vacances: n'importe où.

Film préféré: "Le Cinquième Elément".

Meilleur souvenir: les naissances de mon fils et de ma fille.

Pire souvenir: j'ai la faculté d'oublier tous les mauvais moments.

Le saut à skis, pour vous c'est: un doux mélange entre des capacités physiques et techniques et la maîtrise de soi.

Votre idole: jadis, c'était Matti Nykänen (réd: le Finlandais a dominé le saut à skis dans les années 80). Mais j'ai un peu honte de le dire aujourd'hui, vu ses nombreux démêlés avec la justice ces dernières années. Maintenant, c'est plutôt Roger Federer.

Meilleure qualité: toujours de bonne humeur.

Pire défaut: pas assez méchant.

Votre salaire: beaucoup moins d'un million par an. Mais je suis optimiste.