Pascal Zuberbuehler (37 ans depuis le 08.01) est une star. La
moindre de ses apparitions dans un endroit public à Neuchâtel
provoque une demi-émeute. Le géant thurgovien (196cm, 98,5kg) ne se
débine pourtant jamais et c'est toujours avec un grand sourire
qu'il répond aux sollicitations. "Zubi" n'élude aucune question, à
quelques mois de tirer un trait sur sa carrière internationale,
après un Euro où il sera sûrement titulaire (on prend les
paris?)
TXT: - Le néo-promu Xamax attaque le tour
printanier avec une 5e place provisoire. Que faut-il attendre de
vous?
PASCAL ZUBERBUEHLER: Beaucoup! Cette équipe est
vraiment fantastique, je le dis sincèrement. Il y beaucoup de
respect et d'harmonie dans notre vestiaire. En plus, j'ai rarement
vécu un aussi bon camp de préparation que celui que nous avons
effectué en février en Italie. Et nous pouvons compter sur un staff
incroyable. Moi, j'apprends d'ailleurs beaucoup en travaillant avec
Florent Delay (ndlr: coach des gardiens), même si nos styles ne
sont pas les mêmes.
- Vous semblez également apprécier la collaboration avec
Gérard Castella?
PASCAL ZUBERBUEHLER: Il a une volonté de gagneur.
Il a la victoire dans le sang. Après une défaite, il ne faut pas
aller lui parler. Ses yeux bleu azur deviennent carrément blancs!
C'est ça aussi qui m'a motivé à faire ce dangereux pari lors de
l'hiver 06-07. Je ne suis pas venu à Neuchâtel pour profiter d'une
magnifique région, d'un beau lac. Si je suis là aujourd'hui, c'est
pour gagner!
"Les barrières vers le haut sont toujours ouvertes"
- Et Neuchâtel Xamax en a-t-il vraiment les
moyens?
PASCAL ZUBERBUEHLER: Nous avons très bien fini en
décembre, en gagnant contre GC et Bâle. Nous avons montré de quoi
nous étions vraiment capables. Ce qu'on a fait jusque-là est bien,
mais on peut faire encore mieux. Contre le haut, les barrières sont
toujours ouvertes. Toujours! Il faut continuer de travailler pas à
pas. Mais nous sommes sur la bonne ligne.
"Le "petit" peut gagner si le "grand" n'est pas prêt"
- La Coupe, justement, NE Xamax a un magnifique coup à jouer
à Bellinzone!
PASCAL ZUBERBUEHLER: Ce sera à coup sûr un match
très très difficile. Il y aura 10'000 personnes à Bellinzone. Mais
c'est un club de Challenge League et nous devons passer, c'est
tout! Quand tu as la chance de jouer contre un "petit", tu dois la
saisir. Ensuite, la finale c'est du 50-50. Tout se joue sur un
jour, il n'y a pas de match de rattrapage. Il faut être prêt le
jour J, à jouer 90 ou 120 minutes. C'est comme lors d'un
championnat d'Europe ou une Coupe du monde. Un "petit" peut sortir
un "grand" seulement si ce dernier n'est pas prêt.
- Vos aventures à l'étranger (ndlr: Leverkusen, 2000-2001, 13
matches, et West Bromwich Albion (First Division, 2006-2007, 13)
vous restent elles en travers de la gorge?
PASCAL ZUBERBUEHLER: Non. Mais le coup de West
Bromwich a été dur à avaler. Du jour au lendemain, on ne me voulait
plus. Bobby Robson, une grosse légende, me voulait absolument. J'ai
fait de très bons matches, on était premiers, mais en raison d'un
problème avec le président, Robson a été viré. Et le nouvel
entraîneur a écarté les quatre joueurs amenés par Robson, dont
moi... Il nous a dit "je suis désolé, mais tu es un joueur de
l'ancien entraîneur, et moi je ne veux pas travailler avec toi".
Là, le ciel te tombe sur la tête. Mais j'ai encore essayé, me suis
battu et joué encore un match car il n'y avait pas d'autre gardien.
Je n'ai pas encaissé de but, mais lui voulait un autre gardien.
"Ces histoires, elles te rendent plus fort"
- Et à Leverkusen?
PASCAL ZUBERBUEHLER: Là, c'est Christoph Daum qui
me voulait. Puis il a eu cette affaire de cocaïne, moi j'ai pris un
carton rouge, mon remplaçant n'a pas pris de but, etc etc. Mais là
j'avais de toute façon un contrat qui m'attendait à Bâle. Mais ces
deux histoires, à Leverkusen et West Bromwich, quand tu t'en
relèves en tant que joueur pro, tu avances. Ca te rend plus
fort.
- Et l'offre xamaxienne est alors arrivée!
PASCAL ZUBERBUEHLER: Mais quand j'y repense
maintenant, d'avoir pris ce risque, j'en deviens encore malade
(rires)! Xamax avait quand même six points de retard à ce
moment-là! J'ai beaucoup discuté avec Gérard Castella. Sa rage de
vaincre m'a convaincu. Mais l'équipe nationale était aussi un
argument pour que je vienne à Neuchâtel, même en Challenge League.
J'ai quand même demandé son avis à Köbi Kuhn, qui m'a dit que
c'était une bonne idée. Mais il valait mieux que Xamax remonte...
Parfois, il faut faire trois ou quatre pas en arrière pour mieux
rebondir. Et c'est pour cela que cela représente l'un des plus
grands moments de ma carrière.
"C'était le moment d'essayer des choses"
- L'équipe nationale, justement. 2007 n'a pas été une grande
année...
PASCAL ZUBERBUEHLER: Mais on savait que ce serait
comme ça! Ce n'est pas une excuse, mais inconsciemment tous les
joueurs savaient qu'ils ne jouaient pas des matches qualificatifs.
De plus, le coach a essayé des choses et c'était le moment idéal
pour le faire. A la Coupe du monde en Allemagne, nous avions 2
titulaires par poste. Ca devra à nouveau être notre force à
l'Euro!
- La campagne 2008 commence mercredi prochain, à Wembley
contre l'Angleterre. Vous allez le jouer, ce match?
PASCAL ZUBERBUEHLER: Je ne le sais pas. Mais je
me prépare tous les jours pour ce genre de rencontre, dans un stade
mythique. Ce sera un gros match. Les gens attendent maintenant des
résultats de notre part. Mais les Anglais attendent aussi beaucoup
de leur nouveau sélectionneur. Mais ça, ça ne doit pas nous
intéresser. Le moment est venu de se concentrer sur nous, sur nos
forces!
"Il n'y aura jamais d'autre Euro chez nous"
- Et cet Euro, il se rapproche justement...
PASCAL ZUBERBUEHLER: A nous maintenant de
retrouver cette belle solidarité. L'Euro, j'y pense depuis 00h01 le
1er janvier 2008. Je me suis dit: ça y est, on est en 2008, l'année
de l'Euro. Un Euro chez nous, il n'y en aura pas d'autre. Jamais!
C'est une immense motivation.
- Franchement, auriez-vous continué après une si brillante
Coupe du monde si vous n'aviez pas obtenu des garanties d'être
titulaire à l'Euro? Köbi Kuhn vous avait déjà dit que vous seriez
titulaire, non?
PASCAL ZUBERBUEHLER: (il sourit). On ne va pas
loin avec des "si". Un Euro chez nous, c'est motivant, non? Des
garanties, j'en ai eu aucune! Si je jouerai? Demandez-le à Köbi
Kuhn.
- D'ailleurs, Diego Benaglio sera davantage sous les
projecteurs à Wolfsburg qu'au Portugal. Ca vous inquiète en vue de
l'Euro?
PASCAL ZUBERBUEHLER: Pas le moins du monde. J'ai
toujours eu un excellent contact avec Diego. Il a vraiment fait du
très bon boulot au Portugal. Il est ressorti d'un certain
environnement familial pour retourner en Allemagne. C'est
fantastique pour lui. Il retrouve un entraîneur qui le connaît et
qui le voulait (ndlr: Felix Magath). Maintenant, ce sera à lui de
s'acclimater à son nouvel environnement. Mais je suis persuadé
qu'il va trouver sa voie.
TXT/Propos recueillis par Daniel Burkhalter
Pascal Zuberbühler express
La première chose que vous faites le matin: j'éteins la musique qui s'est enclenchée avec mon réveil.
Votre meilleur souvenir: le 1er titre avec Bâle, quelque chose de fantastique.
Votre pire souvenir: il y en a beaucoup, mais ils m'ont permis d'avancer.
Le football pour vous, ça représente: la passion. Mon entourage me dit tout le temps que je deviens de plus en plus "extrême" dans l'approche de mon travail.
Si vous n'aviez pas été footballeur: J'ai suivi un apprentissage d'installateur sanitaire.
Pour vous, le dopage c'est: rien! Je n'ai aucune pitié pour ces sportifs qui se font prendre. Tant pis pour eux.
Ce que vous aimez faire à côté du foot: répondre à vos interviews (rires)!
Votre devise: je me réjouis tous les jours d'entrer dans une nouvelle journée, de faire quelque chose de nouveau.
Votre idole: Peter Schmeichel.
Votre salaire: Il est mérité.
"Ce serait stupide d'arrêter!"
- Votre contrat prend fin cet été, mais Castella aimerait vous garder...
PASCAL ZUBERBUEHLER: Je ne veux pas me décider maintenant. Le club doit déjà venir me trouver. Mais il est clair que là j'ai l'esprit à 100% à Xamax. J'avais pris un gros risque en venant avec ma voiture de West Bromwich à Neuchâtel, en Challenge League. Maintenant, je suis là depuis pile un an et quand je regarde ce que j'ai déjà réussi à Neuchâtel constitue un sommet de ma carrière. Mais vous savez, j'en veux toujours plus... Je suis un gagneur. Me mettre à l'horizontale et profiter de la vie, ça n'a jamais été moi.
- Donc "Zubi", à 37 ans, ne pense pas encore à la retraite?
PASCAL ZUBERBUEHLER: J'arrêterai la Nati après l'Euro 2008, ça c'est certain. Mais aujourd'hui, si je m'écoute je continue le football. Tout se joue dans la tête. Deux conditions décident de tout: 1. la santé et 2. la motivation. Pas l'âge. Si tu as encore l'impression d'être meilleur que les autres en match et lors des tests et que tu as du plaisir, alors tu serais stupide d'arrêter! Moi je viens comme ça vient, et on verra bien.
- Vous avez donc encore des buts dans votre carrière?
PASCAL ZUBERBUEHLER: Il faut toujours en avoir. Le jour où je n'en aurai plus, alors là je devrai vraiment arrêter, c'est que je suis au mauvais endroit. Mon prochain but? Je le garde dans ma tête...
- "Zubi" sait-il déjà ce qu'il fera après sa carrière de footballeur?
PASCAL ZUBERBUEHLER: Je laisse toutes les portes ouvertes. J'ai déjà eu passablement de propositions mais n'ai rien décidé. Mais je travaillerai forcément un jour avec des enfants, notamment comme entraîneur de gardiens.