Dans la vie, il ne faut jurer de rien. Ce n'est pas Alain
Gaspoz, vainqueur d'un titre de champion national (1997) et double
lauréat de la Coupe de Suisse (1997 et 2006) avec le FC Sion, qui
nous contredira. A bientôt 38 ans, le retraité du football
professionnel officie au FC Bagnes (2L) en tant
qu'entraîneur-joueur. Jusque-là rien d'original, si ce n'est que
Gaspoz disputera la Coupe d'Afrique des Nations, au Ghana du 20
janvier au 10 février!
Originaire du Bénin de par sa mère, Gaspoz compte une trentaine de
sélections avec les "Ecureuils". Le doyen évoque sa carrière, sa
reconversion, l'équipe de Suisse et la CAN 2008. Interview.
"Bien sûr que je ressens un manque"
TXT: Vous avez joué votre dernier match
chez les pros le 24 mai à Sion. Quel regard portez-vous sur votre
carrière?
ALAIN GASPOZ: J'ai des souvenirs plein la tête.
Je pense aux trophées, aux rencontres de Coupe d'Europe, aux
moments de partage avec le public mais aussi aux coups de gueule
avec les entraîneurs et les présidents (rires).
- Ne ressentez-vous pas un manque?
ALAIN GASPOZ: Si bien sûr, mais plus que le
football en soit, ce sont quelques moments particuliers qui me
manquent. Je pense, par exemple, à la préparation d'un match
important. Ces instants-là procurent de grandes émotions difficiles
à retrouver maintenant.
- De joueur pro à associé dans une société d'équipements
sportifs pour les clubs de volley, basket et foot, votre vie
a-t-elle radicalement changé?
ALAIN GASPOZ: Le rythme de vie et la manière de
travailler ont changé. J'ai peu de moments de répit désormais.
C'est un travail, 5-6 jours sur 7, du matin au soir, mais je retire
beaucoup de satisfactions à côtoyer des gens passionnés.
Le footballeur pro a une belle vie, en tout cas au niveau des
horaires de travail. L'intensité physique est certes importante et
les matches demandent une grande préparation mentale, mais ces
personnes sont des privilégiées.
"Le footballeur professionnel a une belle vie"
- Si vous aviez un
conseil à donner à un jeune professionnel?
ALAIN GASPOZ:
Je lui dirais de savourer le moment
présent et de bien se rendre compte que c'est un privilégié. Je lui
dirais de moins se plaindre. Le footballeur est un râleur. Je
m'inclus dedans. Je lui dirais également de tout donner sur le
terrain. Malheureusement, le côté un peu triste est que certains
joueurs ne s'investissent pas à fond et estiment que tout leur est
dû. Pour finir, je lui dirais de rester passionné et de transmettre
des émotions au public.
- Revenons à la Coupe d'Afrique des Nations. Dans quelles
circonstances aviez-vous intégré la sélection du Bénin, en février
2003?
ALAIN GASPOZ:
A la suite du décès de ma mère, je
me sentais redevable envers le pays qui m'a donné le jour. La plus
simple des manières était de donner à travers le football. J'ai
célébré ma première sélection en février 2003. Le Bénin avait battu
pour la première fois le Ghana, et c'est moi qui avait marqué
l'unique réussite de la rencontre. Cela avait grandement aidé à mon
intégration et contribué à la qualification de l'équipe pour sa
première CAN, en 2004 en Tunisie.
"Jamais je n'aurais pensé participer à la CAN"
- Dès le 20 janvier, vous serez opposés à la Côte d'Ivoire
de Drogba, au Mali de Diarra et au Nigeria de Kanu! Quelles sont
les attentes de la population béninoise?
ALAIN GASPOZ: Elles sont immenses. Le but
officiel et largement avoué est d'atteindre le stade des quarts de
finale. Mais beaucoup de Béninois espèrent que nous irons beaucoup
plus loin. Nous sommes dans un groupe très relevé.
Nous n'avons pas de joueurs qui évoluent dans de grands clubs
européens. Par contre, nous nous connaissons depuis 5 ans et nous
pouvons faire valoir nos qualités collectives. Cela surprend
souvent nos adversaires.
- Huit mois après votre retrait de la compétition pro, le rêve
se poursuit avec une 2e participation à la CAN!
ALAIN GASPOZ: Lorsque j'avais pris la décision en
février 2007 de mettre un terme à ma carrière professionnelle,
jamais je n'aurais imaginé prendre part à la CAN 2008. C'est
vraiment un rêve qui devient réalité. Comme quoi, dans la vie, il
ne faut jamais jurer de rien.
- Vous fêterez vos 38 ans le 16 mai. Vous disputez les
prolongations...
ALAIN GASPOZ: Ce sont vraiment les prolongations.
J'espère les disputer le mieux possible et pourquoi ne pas aller
jusqu'aux tirs au but (rires).
TXT. Propos recueillis par Miguel Bao
Alain Gaspoz express
La première chose que vous faites le matin: j'embrasse ma femme et mes enfants
Votre meilleur souvenir: Il y en a tellement. J'ai été gâté par la vie
Votre pire souvenir: le décès de ma mère
Votre principale qualité: la générosité
Votre principal défaut: la générosité
Si vous n'aviez pas été footballeur: j'aurais été moins connu
Pour vous, le football c'est: un sport
Pour vous, le dopage c'est: un moyen illicite que certains utilisent pour essayer de gagner quelque chose
Votre idole: mes enfants
Votre salaire: 4500 francs
Euro 08: "la Suisse peut vraiment battre n'importe quelle équipe"
TXT:- Vous avez notamment évolué à Sion, Lugano et Zurich. Vous parlez les trois langues nationales. Un candidat modèle qui n'a pourtant jamais porté le maillot de l'équipe nationale suisse...
ALAIN GASPOZ: En fait, il s'en est fallu de peu pour que je défende les couleurs de l'équipe de Suisse. Rolf Fringer comptait vraiment sur moi, mais une blessure au genou m'a éloigné des terrains pendant 6 mois. Et entre-temps, Fringer avait été limogé... Artur Jorge et Enzo Trossero avaient aussi montré un certain intérêt. Pourquoi ces intentions ne se sont-elles jamais concrétisées? Peut-être que ma destinée était de jouer pour le Bénin.
- Que vous inspire l'équipe de Suisse, à près de 145 jours de l'Euro 08?
ALAIN GASPOZ: C'est un groupe jeune, très combatif et solidaire qui est, je suis sûr, capable de battre vraiment n'importe quelle équipe. Maintenant, je pense que la différence se fera au niveau de son état de fraîcheur physique. En automne, l'équipe de Suisse avait les jambes très lourdes. Elle n'était de loin pas à son niveau, mais ce n'est pas une raison pour la condamner. Pour moi, la Suisse a les moyens de réussir un bon Euro. Il y a des hommes intelligents à sa tête et des joueurs avec de grandes capacités.