Voilà près de six ans que Steve Locher a posé ses lattes à la
fin d'une belle carrière. Le citoyen de Salins, crédité de 3 succès
en Coupe du monde, restera dans l'histoire pour avoir sauvé
l'honneur du ski suisse aux Jeux olympiques de 1992 à Albertville
avec le bronze du combiné.
Après une reconversion passagère dans le travail social, le
Valaisan est revenu à son amour de toujours, le ski alpin.
Actuellement en charge de la relève au Centre national de Brigue,
il veut gravir les échelons pas à pas. En marge de sa carrière
d'entraîneur, le Valaisan a prêté sa voix à la TSR pour les courses
d'Adelboden. Interview.
TXT: Ce week-end, vous êtiez au micro de la
TSR pour commenter les courses d'Adelboden aux côtés de Fabrice
Jaton. Appréhendiez-vous ce défi?
STEVE LOCHER: C'est vrai que je ne suis pas dans
mon meilleur élément, mais je prends chaque fois du plaisir. Et je
n'ai pas de problème à m'exposer devant le public romand. Cette
expérience me permet aussi de revoir les athlètes et de côtoyer à
nouveau le Cirque Blanc. J'essaie d'apporter des éléments sur les
skieurs que je connais mais sans entrer dans des détails techniques
qui n'intéressent pas grand-monde.
"J'aimerais continuer à gravir la pyramide, sans me
presser"
- Depuis trois ans, votre activité d'entraîneur au Centre
national de performance de Brigue occupe la majeure partie de votre
temps. S'occuper de la relève, ça a toujours été votre
désir?
STEVE LOCHER: Oui, je pensais que c'était
important de transmettre ce que j'avais appris durant mes années de
haut niveau. Ensuite, j'aimerais continuer à gravir la pyramide,
mais sans me presser. J'ai préféré donner mon accord à Pirmin
Zurbriggen, responsable de la fondation qui finance le Centre de
Brigue, que de tout de suite devenir entraîneur national. Mais mon
but reste de pouvoir entraîner un jour un groupe Coupe du monde,
comme Patrice Morisod.
- Quand vous avez fini votre carrière, vous vous êtes pourtant
d'abord orienté vers le social, plus particulièrement dans le
travail avec des personnes alcooliques et toxicomanes. On semble
assez loin des pistes de ski?
STEVE LOCHER: J'avais un ami qui travaillait dans
ce domaine et qui m'a proposé de le rejoindre. Déjà avant la fin de
ma carrière, il m'avait incité à faire ce choix. Cette expérience
m'a permis de revenir un peu à la réalité. Après 20 ans passés dans
le monde du ski, j'ai pu retomber les pieds sur terre et dans la
vie de tous les jours.
"Les jeunes sont moins motivés qu'il y a dix ans"
- Maintenant, vous êtes à nouveau dans le monde du sport.
Comment cela se passe-t-il avec les jeunes skieurs?
STEVE LOCHER: Ce n'est pas facile tous les jours.
Les jeunes sont beaucoup moins motivés qu'il y a 10 ans car ils ont
bien d'autres activités que le ski. Et pour eux, ce n'est pas
toujours facile de concilier sport et études.
- Mais des progrès ont été faits récemment dans les filières
sport-études.
STEVE LOCHER: C'est vrai qu'on est sur le bon
chemin avec la création des centres nationaux. Ca va payer ces
prochaines années. On a toutefois pris du retard sur l'Autriche,
qui a créé son centre de Stams il y a plus de 20 ans.
- Les bons résultats des skieurs suisses ne redonnent-ils pas
le goût de la compétition aux plus jeunes?
STEVE LOCHER: Oui, il y a un dynamisme de groupe.
Si ça marche au sommet de la pyramide, ça suit aussi plus
bas.
- Ce sont de plus en plus des entreprises privées qui
investissent dans la formation au niveau du ski suisse. Est-ce que
cela vous pose un problème?
STEVE LOCHER: On n'a tout simplement pas le
choix. Quand on voit ce que la Confédération met dans d'autres
sports, on a l'impression que le ski n'est pas récompensé à sa
juste valeur. Je crois qu'on ne se débrouille pas trop mal au
niveau mondial, vous ne trouvez pas?
"On peut être confiants pour l'avenir du ski suisse"
- Revenons aux courses
du week-end à Adelboden. Le public suisse retrouve à nouveau le
goût du succès, après un long passage à vide. Pensez-vous que cette
embellie va se poursuivre?
STEVE LOCHER:
Il y a un bon groupe dans toutes
les disciplines, en tout cas chez les garçons. On attendait déjà
des Albrecht ou Berthod depuis quelques années, et ils ont explosé
l'an passé. Et derrière, il y a d'autres jeunes talents, à l'instar
de Gini ou Viletta, qui pointent le bout de leur nez. On peut donc
être confiants pour l'avenir.
- Quelles sont les qualités nécessaires pour pouvoir s'imposer
dans le géant d'Adelboden, considéré comme le plus difficile avec
celui d'Alta Badia?
STEVE LOCHER:
Il faut tout d'abord être un bon
technicien et, ensuite, il faut une bonne dose de courage. Ce qui
fait finalement la différence, c'est l'envie et le fait de se
lâcher à 100%. A cela, il faut ajouter les conditions
météorologiques. Ces dernières années, le soleil a souvent joué un
rôle important, surtout lors de la 2e manche. Personnellement,
cette piste ne m'a jamais tellement convenu. J'ai toujours eu des
problèmes sur une des manches.
"Dès qu'il y avait un défaut, Didier voulait le gommer"
- C'est sur cette piste que Didier Cuche s'était blessé aux
ligaments du genou en janvier 2005. Mais depuis, il est revenu plus
fort que jamais...
STEVE LOCHER: Les blessures lui ont forgé un
caractère de titan. Il est tellement confiant que rien ne semble
pouvoir lui arriver. Avant, il avait un peu tendance à s'énerver
après un mauvais résultat. Maintenant, il analyse sa
contre-performance et il se concentre directement sur sa prochaine
course. J'ai connu Didier quand il est arrivé en Coupe du monde. Il
voulait savoir tous les petits trucs. Dès qu'il y avait un défaut,
il voulait le gommer. On voit que ça paie maintenant, car on gagne
des courses sur des centièmes.
TXT/Propos recueillis par Samuel Jaberg
"Albrecht a le potentiel pour briguer le général"
- Il y a beaucoup d'attentes sur Daniel Albrecht. Sera-t-il capable de supporter la pression et de se battre pour le général cette année déjà?
STEVE LOCHER: Albrecht a le potentiel pour briguer le globe de cristal. Par contre, je pense qu'il faudra attendre une année ou deux. On a vu qu'il ne pouvait pas encore suivre le rythme effréné de la compétition. Après des bonnes performances en vitesse, il a ainsi un peu moins bien marché en géant et en slalom. Les jeunes ne savent pas toujours gérer l'effort. Dans ce sens, l'encadrement mis en place depuis l'arrivée de Martin Rufener à la tête de l'équipe masculine joue parfaitement son rôle
Steve Locher express
La première chose que vous faites le matin: je mets de la musique.
Votre meilleur souvenir: la médaille de bronze du combiné aux Jeux olympiques d'Albertville, en 1992.
Votre pire souvenir: ma 4e place en géant aux Mondiaux de 1997 à Sestrières.
Pour vous, le ski c'est: toute ma vie. J'ai toujours baigné dedans.
Si vous n'aviez pas été skieur: j'aurais pratiqué un autre sport, plutôt mécanique.
Pour vous, le dopage c'est: il faudrait suspendre à vie les tricheurs!
Votre principale qualité: la bonté.
Votre principal défaut: l'impatience.
Votre idole: c'était Ayrton Senna.
Votre salaire: 5000 francs.