Depuis deux mois, Jonas Hiller (28 ans) occupe le poste de
gardien no1 des Anaheim Ducks dans la prestigieuse NHL. Grâce à des
prestations brillantes lors des playoff 2009, l'Appenzellois a peu
à peu supplanté Jean-Sébastien Giguère, portier vainqueur de la
Coupe Stanley 2007 et "MVP" des séries en 2003.
Suite à l'échange de celui-ci à Toronto, le 31 janvier, la voie
s'est libérée pour le triple champion suisse avec Davos. Troisième
portier suisse titulaire dans la ligue nord-américaine après Gerber
et Aebischer, il a signé peu après ce transfert un contrat en or,
faisant de lui le deuxième sportif suisse le plus rémunéré après
Roger Federer. Hiller ne compte pas s'arrêter en si bon chemin.
"Je veux gagner la Coupe à Anaheim", dit-il.
tsrsport.ch: - Vous parlez parfaitement le
français. Le pratiquiez-vous avec votre ex-concurrent au but, le
Québécois Jean-Sébastien Giguère?
JONAS HILLER: Non, avec "Jiggy", je m'exprimais
surtout en anglais. Mes restes en français proviennent de mon
séjour au Lausanne HC (réd: 2003/2004). Mais j'ai tendance à perdre
cette langue, car je ne la parle pas beaucoup...
tsrsport.ch: - Vous voilà désormais gardien
no1 en NHL! Etait-ce pensable il y a 6 ans?
JONAS HILLER: Au LHC, j'ai obtenu davantage de
temps de jeu, et j'ai acquis la certitude que j'avais le niveau de
la LNA. Puis je me suis dit que je pouvais faire encore mieux.
Cette attitude m'a beaucoup aidé dans mon parcours. J'ai encore
besoin de cet état d'esprit si je veux rester en NHL. Beaucoup se
battent pour avoir mon job...
tsrsport.ch: - Avez-vous toujours rêvé de la
NHL?
JONAS HILLER: Oui. Mais ça a toujours été un rêve
lointain, car je n'ai jamais été sélectionné pour jouer avec les
équipes nationales juniors. Je me rappelle qu'à un moment, mes
parents m'ont demandé ce que je comptais faire après l'école, alors
que j'étais un jeune 2e gardien à Davos. Je savais cependant que je
me rapprochais du niveau de Lars Weibel. Puis je suis devenu no1 à
Davos en 2004/2005, et des scouts sont venus me parler. Le rêve a
alors commencé à devenir réel.
"Je suis capable de rester no1"
tsrsport.ch:
- Dès l'été prochain, votre
nouveau contrat de 4 ans entrera en vigueur, et vous serez le
deuxième sportif suisse le mieux payé après Roger Federer, avec 4,5
millions de dollars par saison!
JONAS HILLER:
Je suis fier de cela. Mais je suis
aussi chanceux du fait que le hockey génère beaucoup plus d'argent
que le ski, par exemple. Je considère ce qui m'arrive comme une
récompense pour tous les sacrifices auxquels j'ai consenti depuis
que je suis hockeyeur. Il y a beaucoup de choses que j'aurais voulu
faire plus jeune, comme des voyages, mais ma carrière me
l'empêchait.
tsrsport.ch:
- Après avoir conclu pareille
entente, ne risque-t-on pas de se reposer sur ses lauriers par la
suite?
JONAS HILLER:
C'est un danger, bien sûr. Mais en
même temps, j'ai plus de pression désormais, car je dois prouver
que je mérite de gagner autant d'argent.
tsrsport.ch:
- David Aebischer et Martin
Gerber ne sont pas restés longtemps no1 en NHL. Cette "malédiction"
dévolue aux gardiens suisses vous inquiète-t-elle?
JONAS HILLER:
Non. J'ai déjà dû défendre ce
statut à Davos devant Thomas Bäumle. Je sais donc que je peux
rester no1 durant 4 ans. D'ailleurs, à la fin de mon contrat, je
n'aurai que 32 ans, et je serai loin d'être "fini". Mais je suis
conscient que cela ne sera pas facile, car de nombreux jeunes
talentueux poussent derrière. Je serai donc toujours obligé de me
montrer sous mon meilleur jour. C'est un challenge vraiment
motivant.
"Stephan recevra sûrement une autre chance en NHL"
tsrsport.ch: - En 2007/2008, 4 gardiens
suisses ont joué au moins un match en NHL. Aujourd'hui, il ne reste
plus que vous. Faut-il se soucier de cet état de faits?
JONAS HILLER: Je ne crois pas. Une si petite
nation que la Suisse ne peut pas produire un gardien ayant le
niveau de la NHL chaque année. Malgré l'absence de Gerber à
Vancouver, nous avions tout de même trois excellents portiers aux
JO. Et si Tobias Stephan continue de briller avec Genève-Servette,
il recevra sûrement une nouvelle chance en NHL. Robert Mayer (réd:
qui joue dans les ligues mineures nord-américaines) représente
aussi l'avenir. J'espère que d'autres gardiens suisses vont me
rejoindre en NHL.
tsrsport.ch: - Cette saison, vous ne chômez
pas, en faisant souvent plus de 40 arrêts par rencontre. Vos
défenseurs semblent ne pas bloquer beaucoup de tirs.
JONAS HILLER: Il faut dire qu'à Anaheim, le
statisticien est un bon gars qui compte vraiment chaque lancer, ce
qui n'est pas forcément le cas ailleurs dans la ligue, où même s'il
y a eu plusieurs rebonds et que tu les as arrêtés, on ne te compte
qu'un tir. Mais il est certain que nous avons certains problèmes en
défense. En tant que gardien, j'aimerais avoir moins de rondelles à
arrêter...
tsrsport.ch: - Anaheim va probablement
manquer les playoff. Avec les départs à la retraite annoncés des
vedettes que sont Teemu Selänne et Scott Niedermayer, les Ducks
devront se renforcer cet été.
JONAS HILLER: J'aimerais que Scottie continue,
c'est l'un des meilleurs défenseurs du monde, et je m'entends bien
avec lui. Je comprendrai s'il décide d'arrêter, car il a tout
gagné! Teemu est aussi un bon gars. On ne sait pas non plus si Saku
Koivu restera. Ca donnera peut-être la possibilité à des jeunes du
club de nous rejoindre.
tsrsport.ch: - Parmi ces jeunes susceptibles
d'intégrer votre club, il y a le défenseur zougois Luca Sbisa (20
ans).
JONAS HILLER: On n'a pas bien compris pourquoi il
a été renvoyé en juniors, après seulement quelques matches cette
saison. Il ne faisait pourtant pas d'erreurs. Mais pour un jeune ,
c'est peut-être bien de passer par là, cela l'oblige à travailler
encore plus fort. Il a beaucoup de talent, et il a encore progressé
cette année. J'espère qu'il restera à Anaheim en 2010/2011, ce
serait "cool" de jouer avec lui. Aux JO, c'était en tous les cas
l'un des meilleurs défenseurs de l'équipe de Suisse.
"J'ai eu de la peine à digérer le quart contre les USA"
tsrsport.ch:
-
Justement, quel regard portez-vous sur le parcours de la Nati
aux JO 2010?
JONAS HILLER:
Mes coéquipiers aux Ducks ne
pensaient pas que la Suisse puisse faire un aussi bon tournoi.
Personnellement, j'ai mis quelques jours à digérer la défaite en
quarts de finale contre les USA et à me motiver pour la suite de la
saison. Quand tu perds 2-0 contre un finaliste, ça fait mal... Mais
je suis content que nous ayons fait jeu égal physiquement avec les
Nord-Américains, et que nous ayons été créatifs contre le Canada.
Je suis sûr que nous pourrons faire encore mieux dans quelques
années.
tsrsport.ch:
- Contre le Canada, vous avez
réussi le match de votre vie avec l'équipe de Suisse (44
arrêts).
JONAS HILLER:
A 2-0 pour les Canadiens, tout le
monde pensait certainement qu'on perdrait 6-0. Puis on est revenu à
2-2. C'était spécial. Pendant les tirs aux buts, je n'étais pas du
tout nerveux, car on avait déjà réalisé une performance
extraordinaire. Bien sûr, j'aurais préféré gagner, j'étais fâché
que personne n'ait réussi un penalty chez nous.
tsrsport.ch:
- L'Allemagne compte 8 joueurs
en NHL, la Suisse, 2. N'est-ce pas paradoxal, vu que la Nati est
mieux classée dans la hiérarchie mondiale?
JONAS HILLER:
Bien sûr. Mais il faut dire que la
sélection allemande est en pleine reconstruction, et qu'elle n'a
pas connu la même continuité que nous récemment. J'espère que les
jeunes en Suisse réalisent qu'il est important d'affronter les
meilleurs du monde durant toute l'année ici en NHL, et pas
seulement lors des grands tournois, et qu'ils se fixent comme but
de jouer dans cette ligue.
"Roman Wick vit pour le hockey"
tsrsport.ch: - Roman Wick et Mathias Seger
sont-ils les internationaux les plus proches de la NHL?
JONAS HILLER: Wick est prêt physiquement. C'est
quelqu'un qui vit pour le hockey. Il ne se satisfait pas de bien
jouer à Kloten, il veut également des responsabilités en équipe
nationale. C'est le genre d'attitude qu'il faut pour venir ici.
J'espère qu'il saisira sa chance et qu'il se battra pour sa place,
même s'il est relégué en AHL dès le premier jour comme Andres
Ambühl. Seger a aussi montré qu'il peut jouer à ce niveau. Mais
dans son cas, la décision de partir est plus difficile, car il a
une famille.
tsrsport.ch:- Que pensez-vous de Sean
Simpson, qui succède à Ralph Krueger?
JONAS HILLER: Cela a été une bénédiction que
Ralph soit resté 13 ans, il a rendu la Suisse plus constante. En me
préférant à Aebischer comme no1 au Mondial 2007, il m'a aidé à
acquérir de l'expérience au niveau international. D'un autre côté,
tu ne veux pas toujours finir 8e, tu veux gagner en quarts de
finale, et ce n'était pas possible pour lui de réaliser ça. Bien
sûr, un changement d'entraîneur peut être dangereux, la situation
pourrait empirer. Mais Simpson a eu du succès à Zoug et à Zurich,
ses résultats parlent pour lui. Au final, peu importe qui est le
coach, je veux jouer avec l'équipe nationale.
De retour d'Anaheim, Michaël Taillard
"Les USA, c'est bien pour les vacances"
tsrsport.ch: - Le hockey n'est pas le sport roi en Californie. Ne préféreriez-vous pas jouer au Canada?
JONAS HILLER: J'ai choisi de venir ici car le climat est agréable, et je peux aller partout sans être importuné, car on ne me reconnaît presque jamais. Je dois encore sortir mon porte-monnaie au restaurant, mais ce n'est pas grave, je gagne assez d'argent (rires). Parfois, je me dis sur la glace qu'une partie du public n'est pas venue car elle aime le hockey ou les Ducks, mais juste pour se divertir. Mais j'aime cet endroit et les dirigeants d'Anaheim me font confiance, alors pourquoi changer d'air? On a vu avec Gerber qu'un transfert n'est pas toujours bénéfique. Pour un gardien, le mental est très important. S'il est content hors de la glace, son travail est plus facile.
tsrsport.ch: - Anaheim est donc le paradis sur terre?
JONAS HILLER: Je ne sais pas si je serais venu ici sans le hockey. J'aime toujours rentrer en Suisse en été. Mon pays me manque durant la saison, j'y rentrerai à la fin de ma carrière. Les USA, c'est bien pour les vacances. Je trouve les gens un peu superficiels ici. En fait, je n'ai jamais rêvé de vivre en Amérique, mais plutôt de jouer avec les meilleurs hockeyeurs du monde.
Jonas Hiller express
Musique préférée: du hip-hop suisse, Gimma, Bligg et Stress.
Un film: j'ai adoré "The Blind Side".
Une série TV: "Top Gear".
Un lieu de vacances: Je voudrais découvrir les Maldives. J'ai aimé mon séjour aux Bahamas l'été dernier.
Boisson préférée: eau et Gatorade.
Plat favori: la cuisine italienne.
Meilleure qualité: je ne suis jamais content de moi-même.
Pire défaut: pareil (rires)!
Meilleur souvenir: lorsque tous les joueurs de l'équipe nationale ont signé le casque que je portais aux JO 2010.
Pire souvenir: la défaite au 2e tour des playoff 2009 contre Detroit, au 7e match. Ca m'a pris quelques semaines pour oublier, et même maintenant j'y pense encore parfois. Nous étions meilleurs que les Red Wings.
Salaire: 1,3 million de dollars en 2009/2010, 4,5 millions par an dès cet été jusqu'en 2014.
L'idole de votre enfance: Patrick Roy.
Le joueur en NHL dont le tir est le plus imprévisible: Alexander Ovechkin.
Le joueur des Ducks qui a la plus belle voiture: Teemu Selänne. C'est aussi celui qui en a le plus!
Le "Duck" le plus drôle: Teemu Selänne.
Le plus élégant: Saku Koivu.
Le moins élégant: la saison passée, c'était Chris Pronger (réd: échangé contre Luca Sbisa en juin). Le pire, c'est qu'il était convaincu qu'il avait toujours la classe (rires)!
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CARTE DE VISITE
Nom: Hiller
Prénom: Jonas
Né le: 12 février 1982 à Felben-Wellhausen/TG
Taille: 188cm
Poids: 89 kg
Poste: gardien
Tir: de la droite
Parcours professionnel:
HC Davos (2001-2003), Lausanne HC (2003-2004), HC La Chaux-de-Fonds (2003-2004), HC Davos (2004-2007), Anaheim Ducks (2007- ).
Palmarès:
Champion de Suisse en 2002, 2005 et 2007 avec le HC Davos.
Equipe de Suisse:
Participation aux Mondiaux 2006, 2007 et 2008.
Participation aux Jeux olympiques 2010.