John Van Boxmeer c'est tout un personnage. Même s'il considère
que l'image de méchant qui lui colle à la peau est excessive, ce
Canadien de 58 ans ne cache cependant pas qu'il a du caractère.
"Oui je suis dur... mais juste".
Avant d'être ferme avec ses joueurs, "Boxy" l'a été avec lui-même
pour réussir en NHL, de 73 à 84. Cet ancien défenseur du Canadien
Montréal, des Colorado Rockies, Buffalo Sabres et des Nordiques de
Québec, 14e choix de la draft en 72, a disputé 626 rencontres,
inscrit 378 points et remporté la Coupe Stanley en 76!
tsrsport.ch a rencontré l'homme fort de Malley, qui a accepté de
revenir, non sans une certaine pointe d'humour, sur sa carrière,
son échec à Berne ainsi que ses présent et avenir avec le Lausanne
HC.
"J'étais celui qui avait le plus faim de hockey"
Les entraîneurs
commettent parfois l'erreur de faire de leurs joueurs une image de
ce qu'ils ont été
John Van
Boxmeer
tsrsport.ch:
On
vous connaît en Suisse en tant qu'entraîneur. Mais au fait, quel
genre de joueur étiez-vous?
JOHN VAN BOXMEER:
J'ai vraiment eu une belle
carrière en tant que joueur. Très peu de gens peuvent se targuer de
vivre de leur passion. J'étais un joueur correct et, petit, de loin
pas le meilleur de ma ville du Sud de l'Ontario. Je ne sais pas si
j'étais doué. Je dirais simplement que dans ma région, j'étais
celui qui avait le plus faim de hockey. J'étais un défenseur
offensif qui patinait bien et j'aimais "chauffer" la glace par mes
tirs puissants.
tsrsport.ch:
C'est cette mentalité que vous
essayez d'inculquer à vos joueurs?
JOHN VAN BOXMEER:
Non. Les entraîneurs commettent
parfois l'erreur de faire de leurs joueurs une image de ce qu'ils
ont été ou s'attachent aux joueurs qui évoluent de la même manière
qu'eux. Le même type de joueurs dans votre contingent ne va jamais
vous faire gagner le championnat. Il faut différents styles. En
tant que coach, mon rôle est de trouver ce que le joueur sait faire
le mieux et ce qu'il peut amener à l'équipe. A moi de le mettre
dans les situations spécifiques qui bonifieront le groupe.
tsrsport.ch:
Vous avez mis un terme à votre
carrière de joueur à l'âge de 32 ans. Pourquoi?
JOHN VAN BOXMEER:
J'ai eu des soucis avec un de
mes genoux lors des dernières années en tant que joueur. Les
docteurs m'avaient dit qu'il était temps d'arrêter. J'ai essayé de
prolonger un peu ma carrière, mais cela n'avait plus aucun
sens.
"Tu ne peux pas sortir avec les joueurs, en faire des
potes"
tsrsport.ch:
La logique a donc voulu que vous
embrassiez la carrière d'entraîneur?
JOHN VAN BOXMEER:
J'étais un vrai "malade" de
hockey. C'était ma vie. Je connaissais les statistiques de tous les
joueurs (rires). Mon entraîneur à Montréal et à Buffalo Scotty
Bowman m'a demandé si je voulais entraîner dans les ligues
mineures. J'ai dit oui et c'est parti ainsi.
tsrsport.ch:
Préfériez votre vie de joueur ou
celle d'entraîneur?
JOHN VAN BOXMEER:
Celle de joueur,
incontestablement. J'adorais faire partie du jeu et influencer
l'issue d'une partie. C'était vraiment "fun". Et puis il y avait
cet esprit de camaraderie, l'ambiance du vestiaire, le fait de
boire des bières avec ses coéquipiers. En tant qu'entraîneur, tous
ces éléments n'existent pas. Tu ne peux pas sortir avec les
joueurs, en faire des potes. Tu ne peux pas être leurs amis et
l'heure d'après être leur boss. Cela ne peut pas fonctionner
ainsi.
"Certains soirs, c'est très frustrant et je me sens
stupide"
tsrsport.ch: Dans quelle mesure un
entraîneur peut-il réellement influencer une rencontre?
JOHN VAN BOXMEER: C'est très variable. Certains
soirs, c'est très frustrant et je me sens stupide. Dans ces
moments-là, je me demande pourquoi l'équipe ne comprend pas ce que
je lui demande. La vie de l'entraîneur ressemble à un parcours
version "montagnes russes". Une fois, tu perds et tu te sens bête.
La fois d'après, ton équipe gagne; tu te sens plutôt malin et tu
aimes toute l'équipe à nouveau (rires).
tsrsport.ch: Vous n'avez jamais entraîné une
équipe de NHL. Des regrets?
JOHN VAN BOXMEER: Une de mes erreurs est de ne
pas avoir postulé de manière active. J'étais parti du principe que
si j'obtenais des résultats avec mes différentes équipes dans les
ligues mineures, je finirais par avoir une chance. Maintenant, je
suis probablement trop âgé pour faire mes débuts à ce poste en
NHL.
J'avais eu des entretiens mais cela n'avait pas fonctionné. La
dernière fois c'était en 1998 et c'est finale ment Andy Murray qui
avait décroché le job d'entraîneur principal des Los Angeles Kings.
J'ai toutefois occupé la fonction d'entraîneur assistant des
Buffalo Sabres en 1990 et 1991 et des Los Angeles Kings de 2003 à
2006.
L'impressionnant "mur" de spectateurs à Berne
Je savais que la
Suisse était un pays magnifique mais j'ai eu la sensation d'avoir
fait un bond en arrière dans le temps de 30 ans.
John Van Boxmeer
tsrsport.ch:
En 2006 justement, vous traversez
l'Atlantique pour rejoindre le CP Berne. Quelle a été votre
première impression à votre arrivée en Suisse?
JOHN VAN BOXMEER:
Le choc a été saisissant car je
venais de quitter Los Angeles. Je savais que la Suisse était un
pays magnifique mais j'ai eu la sensation d'avoir fait un bond en
arrière dans le temps de 30 ans. Un peu comme dans ma ville natale,
les magasins étaient fermés tôt le soir et il n'y avait pas de vie
les dimanches. Sans parler des vieux bâtiments et des vieilles
maisons.
tsrsport.ch:
Quel souvenir gardez-vous de vos
trois saisons passées à Berne?
JOHN VAN BOXMEER:
Je garderai toujours en mémoire
l'impressionnant "mur" de spectateurs qui fait face aux bancs des
joueurs, à la BernArena. Ma première saison, lors de la finale
contre Davos, le public avait été incroyable. Il avait fait un
bruit assourdissant.
tsrsport.ch:
Puis deux éliminations dès les
quarts des playoff vous ont coûté la place...
JOHN VAN BOXMEER:
Terminer les 2 fois premiers au
terme de la saison régulière n'était pas suffisant. J'étais payé
pour avoir du succès lors des séries finales. Les fans,les sponsors
et l'administration n'étaient pas contents. Quelqu'un devait
partir... Il est toujours plus facile de changer de coach que
changer les joueurs. Même maintenant, je ne vois pas ce que
j'aurais pu faire différemment pour mener Berne à la victoire. A
Berne, j'avais gagné plus de matches en 3 saisons que n'importe
quel autre entraîneur (ndlr: 115 victoires en 173 rencontres).
"Si je suis dur? Oui, bien sûr, mais je pense être
correct!"
tsrsport.ch: Qu'avez-vous appris de ces
échecs?
JOHN VAN BOXMEER: J'ai réalisé que le hockey est
un business. Se faire virer fait partie de la réalité du métier. Je
ne pense pas que cette expérience m'ait rendu plus fort. C'était la
première fois que je me faisais virer. C'était un sentiment bizarre
(rires). Je ne garde que les bons souvenirs de Berne. Pour le
reste, j'ai tourné la page.
tsrsport.ch: Vous traînez la réputation d'un
entraîneur très dur, sévère, voire même d'être un dictateur.
D'accord?
JOHN VAN BOXMEER: C'est probablement une image de
moi lorsque j'étais plus jeune. Suis-je dur? Oui bien sûr! Mais en
même temps, je pense être très correct. Les entraîneurs sont là
pour pousser leurs joueurs à évoluer encore mieux. Seule compte la
victoire.
"J'entendais très souvent parler du LHC. Cela
m'intriguait"
tsrsport.ch:
Vous êtes à la tête de Lausanne depuis fin décembre. Pourquoi
le LHC?
JOHN VAN BOXMEER:
Lorsque j'entraînais à Berne,
j'entendais très souvent parler du LHC. On me disait que le
Lausanne devait être en LNA et que l'engouement y était très fort.
Tout ceci m'intriguait. Oui, j'ai signé dans un club de LNB mais
Lausanne a l'ambition d'évoluer en LNA et les moyens financiers de
s'y maintenir.
tsrsport.ch:
Sous votre houlette, le LHC a
gagné 28 de ses 36 matches (ndlr: avant le barrage contre
Bienne)!
JOHN VAN BOXMEER:
Avant mon arrivée, on m'avait
dit que le groupe évoluait loin de son potentiel. Je pense avoir
apporté un peu de structure et développé le sens des
responsabilités. Tous savent désormais ce que l'on attend
d'eux.
tsrsport.ch:
Avez-vous vu des matches de LNA
cette saison?
JOHN VAN BOXMEER:
J'ai eu l'occasion de voir 5 à
6 rencontres.
tsrsport.ch:
Vous avez donc constaté que la
différence de niveau entre la LNA et LNB est très
importante.
JOHN VAN BOXMEER:
En décembre dernier, il y avait
un écart significatif entre les meilleures équipes de LNB et les
moins performantes de LNA. Mais aujourd'hui, le raisonnement est
différent. Lausanne est arrivé là où il en est en alignant les
victoires. Bienne, lui, est contraint de disputer cette série en
raison de sa succession de défaites. Mentalement, Bienne est un peu
touché. L'autre élément est que Bienne devra biffer 2 de ses
étrangers dans ce barrage. Nous sommes confiants mais pas
euphoriques.
Le "tournant" grâce à Salmelainen, Conz et Maurer
tsrsport.ch: Revenons sur le quart de
finale contre Ajoie. McSorley et GE-Servette vous avait prêté
Salmelainen, Conz et Maurer, alors que vous étiez en très fâcheuse
posture. L'éthique du sport n'a-t-elle pas été bafouée à vos
yeux?
JOHN VAN BOXMEER: Pendant les Jeux olympiques de
Vancouver, plusieurs équipes de LNB ont pu compter sur les renforts
de quelques joueurs de LNA. Je ne vois donc pas de différence. Si
les 3 joueurs dont vous faites référence ont influencé la suite de
notre parcours? Oui, cela a été un tournant! Cela a eu le mérite de
faire douter et de mettre la pression sur Ajoie.
tsrsport.ch: Certaines rumeurs font état
d'investissements de Chris McSorley au LHC. Un
commentaire?
JOHN VAN BOXMEER: Je ne suis pas impliqué dans
tout ce qui touche à l'administration du club. Mon rôle cette
saison est de mettre sur pied une équipe compétitive. Mes contacts
avec Chris sont strictement d'ordre sportif.
"Je sais que mon équipe va bien jouer"
Si Lausanne n'y
arrive pas cette saison, cela signifie tout simplement que nous ne
sommes pas encore prêts. John Van
Boxmeer tsrsport.ch: Et
si Lausanne échouait dans sa tentative d'accéder à la
LNA?
JOHN VAN BOXMEER: Si Lausanne n'y arrive pas
cette saison, cela signifie tout simplement que nous ne sommes pas
encore prêts.
tsrsport.ch: Les attentes du public
lausannois sont élevées. Tout autre résultat qu'une victoire sera
considéré comme un échec. Comment gérez-vous la
pression?
JOHN VAN BOXMEER: Pour moi, la pression n'est pas
sur nos épaules. Les attentes de nos fans sont ce qu'elles sont. Je
sais que mon équipe va bien jouer qu'elle va jouer dur. Ensuite, on
verra.
Propos recueillis par Miguel Bao
"L'équipe de Suisse a donné une excellente image aux Jeux de Vancouver"
tsrsport.ch: Comment vous est née la passion pour le hockey?
JOHN VAN BOXMEER: J'ai commencé à l'âge de 9 ans lors de la construction de la première patinoire dans ma toute petite ville de Petrolia, dans le sud de l'Ontario. J'ai bien sûr pratiqué d'autres sports tels que le baseball ou l'athlétisme mais le hockey était déjà à cette époque le sport qui m'attirait le plus.
tsrsport.ch: Nous avons pu constater lors des Jeux olympiques de Vancouver que le peuple canadien est fanatique de hockey. Comment expliquez cette ardeur inégalée ailleurs dans le monde?
JOHN VAN BOXMEER: La principale raison est que le hockey sur glace correspond tout simplement le mieux à notre climat. Nos saisons sont bien trop courtes pour la pratique du football, du baseball ou du golf.
tsrsport.ch: Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans le métier d'entraîneur?
JOHN VAN BOXMEER: L'amour du jeu tout simplement. J'aime aussi réussir à faire comprendre à l'équipe la manière dont je veux qu'elle évolue.
tsrsport.ch: En 2008, en plein camp d'entraînement avec le CP Berne, vous avez eu une alerte cardiaque. Cet événement a-t-il changé votre manière de voir la vie?
JOHN VAN BOXMEER: Non, pas vraiment. J'ai surtout pris conscience qu'il fallait absolument que je prenne mes médicaments contre l'hypertension et le cholestérol, chose que je n'avais plus faite depuis mon arrivée en Suisse. Je pensais pouvoir faire sans. J'avais été tout simplement négligent. Je me souviens à l'hôpital après l'incident m'être dit ce que j'étais bête de ne pas avoir pris les médicaments.
tsrsport.ch: De manière plus générale, quel est votre vision du hockey suisse?
JOHN VAN BOXMEER: Le niveau est très bon. Il n'y a qu'à voir la prestation de l'équipe de Suisse lors des Jeux de Vancouver pour s'en convaincre. La Suisse doit être fière de ce qu'elle a réussi. Elle a donné une excellente image. N'oublions pas que le réservoir des joueurs en Suisse est très petit. Le résultat obtenu et l'intensité montrée à Vancouver est d'autant plus remarquable. Je suis confiant pour la suite et suis convaincu que Roman Josi, Luca Sbisa et Nino Niederreiter feront une belle carrière en NHL.
John Van Boxmeer express
Première chose faite le matin: j'allume la machine à café.
Principale qualité: l'honnêteté.
Pire défaut: j'ai du caractère.
Meilleur souvenir: la série du siècle de 1972 (ndlr: John Van Boxmeer, alors âgé de 20 ans, avait été convoqué dans la sélection canadienne qui avait battu l'Union soviétique 4 matches à 2).
Si vous n'aviez pas été dans le monde du hockey: je n'en ai pas la moindre idée.
Meilleur joueur suisse: Mark Streit.
Le meilleur joueur suisse de LNA: Reto von Arx.
Le dopage: s'il faut tricher pour gagner, cela enlève tout crédit à la performance réalisée.
Hobby: jouer au golf en Amérique du Nord, salle de sport ici.
Si Lausanne monte en LNA: eh bien, j'aurai très peu de temps pour jouer au golf cet été (rires).
Votre défi: être capable de parler français à la fin de l'année 2011.