Julien Vauclair - 1 match en NHL avec Ottawa en 2003/2004 - fait figure de Monsieur "expérience" dans le groupe de Sean Simpson. RTSsport.ch a rencontré le chaleureux Jurassien à la Resega le 16 janvier. De quoi en oublier 30 minutes durant la pluie qui tombait dru sur Lugano ce jour-là. La clé de ces Jeux? "Appliquer la recette de 2013 lors du Mondial. Ne pas faire de calcul, ne pas brûler les étapes".
RTSsport.ch: Avant, la Suisse était contente d'être aux Jeux. Et maintenant?
JULIEN VAUCLAIR: Chaque joueur veut plus. Les attentes de la Ligue sont également plus élevées. Mais nous devons garder les pieds sur terre. Je ne pense pas que l'on ramènera une médaille au pays chaque année. Le niveau aux Jeux sera encore plus élevé qu'aux Mondiaux. C'est important d'avoir des objectifs élevés pour progresser. On va aux Jeux pour faire notre job et essayer de créer un exploit.
"Nos mentalités ont changé"
RTSsport.ch: Il y a donc davantage d'ambitions après l'argent du Mondial de Stockholm?
JULIEN VAUCLAIR: Depuis quelques années, la mentalité des joueurs suisses ont changé. Les ambitions étaient déjà élevées. La différence est que nous n'avions jamais réussi à faire le pas.
RTSsport.ch: Après cet argent, avez-vous senti un intérêt différent du public?
JULIEN VAUCLAIR: En Suède, on ne s'était pas rendu compte de l'enthousiasme que nous avions suscité en Suisse. A notre retour, j'ai rencontré des dizaines de personnes qui n'avaient jusque-là jamais vu de hockey sur glace de leur vie. C'était exceptionnel. Cette médaille avait dépassé le cadre du hockey. Nous avions donné l'image d'une Suisse qui gagne. Les gens étaient ravis de voir la manière dont nous représentions notre pays.
"Les médecins avaient évoqué la possibilité que je doive arrêter"
RTSsport.ch: Vous avez été victime d'une agression de Josh Holden le 5 octobre dernier. Avez-vous eu peur de rater les Jeux?
JULIEN VAUCLAIR: Après ma 2e tentative avortée de revenir au jeu, oui j'ai eu peur. Mes 5 ou 6 commotions cérébrales précédentes avaient toujours été bien "digérées". Celle-ci a été plus tenace. J'avais rejoué 3-4 jours après l'accident. Cela avait été une erreur. Puis, nous avons attendu près d'un mois. Sans plus de succès...
RTSsport.ch: Avez-vous, comme le Fribourgeois Sandy Jeannin, lui aussi victime d'une commotion cette saison, envisagé de mettre un terme à votre carrière?
JULIEN VAUCLAIR: Je n'ai jamais imaginé une seule seconde devoir arrêter. Mais il est vrai que les docteurs et spécialistes que j'avais consultés avaient évoqué cette éventualité-là.
"Les Jeux de Sotchi étaient passés au second plan"
RTSsport.ch: Est-ce que la perspective de disputer les Jeux de Sotchi vous a servi de motivation lorsque vous avez pu vous entraîner normalement ?
JULIEN VAUCLAIR: Quand j’ai vu que j’avais de la peine à retrouver la glace, ma priorité était avant tout de pouvoir rejouer. Les Jeux étaient passés au second plan.
RTSsport.ch:
Le 7 janvier dernier, un violent tir du Zurichois Ryan Shannon avait brisé votre coquille. Avez-vous prévu d'en porter 2 à Sotchi? Les joueurs de NHL tirent encore plus forts...
JULIEN VAUCLAIR: (rires) Non, je jouerai avec une seule coquille mais une nouvelle. Ces mésaventures font partie du métier. Ca s'est joué à quelques centimètres près en ma défaveur. Je n’ai jamais eu aussi mal de ma carrière. Aucune position ne soulageait ma douleur.
RTSsport.ch: Vous disputerez vos 3es Jeux. Pourquoi avoir renoncé à Vancouver en 2010?
JULIEN VAUCLAIR: Parce que j'avais décidé de prendre ma retraite internationale (rires).
"Pas un grand souvenir des Jeux de Salt Lake City"
RTSsport.ch: Et comme beaucoup d'internationaux, quel que soit le sport, vous êtes revenus...
JULIEN VAUCLAIR: Ce n'est pas une critique envers Ralph Krueger, mais son style de jeu différait de ma vision. Le hockey suisse a beaucoup progressé. J’estimais que nous devions aller plus de l’avant, pour gagner et non pour ne pas perdre. Avec ce système ultra-défensif, cela ne me convenait plus et mon rôle de 7e défenseur ne m’offrait pas beaucoup de temps de glace. Je n’étais plus mentalement et physiquement prêt à appliquer cette tactique.
RTSsport.ch: Quels souvenirs gardez-vous des Jeux de Salt Lake en 2002 et de Turin en 2006?
JULIEN VAUCLAIR: Les Jeux de Turin avaient été exceptionnels grâce à nos victoires sur le Canada et la République tchèque. Ma famille était présente. Concernant les Jeux de Salt Lake City, j'évoluais alors en Amérique du Nord. J'avais rejoint l'équipe au dernier moment et étais reparti le lendemain de notre dernier match. J'avais eu de la peine à m'intégrer au groupe. Sans oublier qu'il y avait eu quelques mois avant les attentats du 11 septembre. Dans ce sens, les Jeux de Salt Lake étaient particuliers. Je n'en garde pas un grand souvenir.
"Face à des joueurs que j'avais en poster dans ma chambre"
RTSsport.ch: Avez-vous une anecdote concernant le village olympique?
JULIEN VAUCLAIR: C'était lors des Jeux de Turin. Avant de jouer contre le Canada, on croisait à la cafeteria certaines stars que j’avais plutôt l'habitude de voir en poster dans ma chambre quand j’étais gosse. Il y avait Sakic, Brodeur… Ils mangeaient à la table d’à côté. Quelques heures après, on les avait battus 2-0. On bombait un peu le torse. Nous étions fiers. Avant le match, on baissait la tête en les regardant (rires).
RTSsport.ch: Avez-vous fait des connaissances ou simplement discuté avec des athlètes suisses ou étrangers lors des Jeux?
JULIEN VAUCLAIR: Je suis quelqu'un d’assez timide donc je n'ai pas vraiment fait de connaissances. Cela se limitait à de simples "bonjour, comment ça va?". Par contre, en septembre dernier lors des Swiss Hockey Awards, j’avais rencontré Didier Cuche. J'avais fait une photo avec lui. Je l’admire énormément. Je regardais ses courses chaque fois que je le pouvais. Quand on va skier en famille, mes enfants je les appelle "Didier" (rires).
RTSsport.ch:
Avez-vous eu le temps lors des Jeux de suivre d’autres sports ?
JULIEN VAUCLAIR: Non. On dispute beaucoup de rencontres et le peu de temps de libre est consacré à la récupération.
RTSsport.ch: Pour un hockeyeur, les Jeux olympiques représentent-ils le summum dans une carrière?
JULIEN VAUCLAIR: Très honnêtement, ça peut l’être si on obtient de bons résultats. Je ne veux pas me contenter de dire "j’ai participé aux Jeux". Cela avait été un peu le cas à Salt Lake. J’étais arrivé au dernier moment et parti le lendemain de notre dernier match. Je ne garde rien de positif de cette expérience-là. Turin c’était différent car nous avions battu le Canada. Ma femme, mes parents, ma 1ère fille étaient au match. Je garderai à jamais en moi ces souvenirs de Turin.
"Pas du style à casser des cannes dans le vestiaire"
RTSsport.ch: A Sotchi, les meilleurs joueurs seront de la partie. Le niveau sera donc un cran au-dessus de ce qu'il avait été l'an passé lors du Mondial!
JULIEN VAUCLAIR: On ne pourra pas faire mieux. Toutes les dream team seront là!
RTSsport.ch: Dans ces conditions, l'équipe de Suisse peut-elle rêver de médaille?
JULIEN VAUCLAIR: On devra appliquer la même recette qu'au Mondial 2013, à savoir prendre un match après l'autre. Si on perd d'entrée contre la Lettonie, le 12 février, on sera mal. Alors on se concentre sur ce match, sans brûler les étapes. C'est la clé. Ne faisons pas de calcul. L'objectif est de toujours gagner le match suivant.
RTSsport.ch: Avec Mathias Seger vous êtes un des routiniers de la sélection. Quel est votre rôle au sein de l’équipe?
JULIEN VAUCLAIR: On peut être considéré comme un leader parce qu'on est plus âgé que les autres ou qu'on a joué plus de 200 matches internationaux. Si j’ai quelque à dire, je ne me gêne pas, mais je ne suis pas du style à casser des cannes dans le vestiaire. Le fait est que tout le monde doit avoir le même objectif et tout mettre en œuvre pour y arriver. A Stockholm, j’ai senti que l’équipe était unie.
RTSsport.ch: En Romandie, certains médias peinent à comprendre qu’il n’y ait que 2 de ses représentants, Romy et vous, dans le groupe qui disputera les Jeux. Un commentaire?
JULIEN VAUCLAIR: Très honnêtement, cette polémique m’indiffère. Ce n’est pas une histoire de Romands… Si Goran Bezina ne s’était pas déchiré le tendon d’Achille l’année passée, et que Kevin Romy ne s’était pas déchiré les ligaments, ils auraient fait partie du groupe en Suède. Si Julien Sprunger n’avait pas eu toutes ces commotions, peut-être qu’il aurait aussi été du voyage. Sean Simpson a été clair: ceux qui ont disputé le Mondial en Suède partaient avec un avantage en 2014.
Propos recueillis par Miguel Bao
NHL: "les qualités pour tenir 1 ou 2 saisons"
RTSsport.ch: De 2001 à 2004 vous avez tenté l’aventure nord-américaine. Regrettez-vous de ne pas avoir "réussi" en NHL ?
JULIEN VAUCLAIR: Oui, parce qu’à mes yeux j’aurais pu jouer plus qu’un match. Je pense que j’avais les qualités pour tenir une saison ou deux, si j’avais été au bon moment dans la bonne équipe. Par contre, je ne crois pas que j’avais le niveau pour rester 10 ans en NHL.
RELATION SPECIALE AVEC LE HC LUGANO
RTSsport.ch: Vous êtes un des rares joueurs à n’avoir porté les couleurs que d'un club en LNA. Cela fait 14 ans que êtes à de Lugano ! Vous êtes l'un des derniers Mohicans…
JULIEN VAUCLAIR: Dès le début, j’ai eu une relation spéciale avec Lugano. Quand j’ai eu la possibilité avec mon frère Geoffrey de quitter le HC Ajoie, nous avons été contactés par 9 sur 10 clubs de LNA. Les dirigeants de Lugano avaient été les seuls à se déplacer dans le Jura pour discuter avec nos parents. J’avais 17 ans à l’époque. Ce n’était pas facile pour moi de partir car nous sommes une famille très unie. Le discours de Lugano nous a rassurés et donné beaucoup de confiance. Les autres clubs s’étaient contentés d’un simple coup de fil.
RTSsport.ch: Lugano est-il devenu comme une 2e famille?
JULIEN VAUCLAIR: J’ai vécu presque plus longtemps à Lugano que dans le Jura. Je connais tout le monde dans le club. Ce n’est pas ma philosophie de claquer la porte quand les choses tournent moins bien. Il est arrivé que Lugano me prolonge, alors que je n’étais pas au mieux. Lugano et moi n’avons jamais vraiment divergé dans nos attentes respectives. Voilà pourquoi je suis toujours à Lugano.
"CA PATINE PLUS VITE, TIRE ET CHECKE PLUS FORT"
RTSsport.ch: Depuis vos débuts en LNA, en 1997, quelle est l’évolution la plus marquante dans le jeu en LNA ?
JULIEN VAUCLAIR: Ca patine un peu plus vite, ça tire et « checke » un peu plus fort … Mais la grande différence est ailleurs. Il y a 15 ans, 1 ou 2 joueurs par équipe étaient 2 fois meilleurs que tous les autres. Maintenant, dans chacune des 4 lignes il y a 2 ou 3 joueurs qui sont forts. Quand on regarde le classement des meilleurs compteurs de LNA, de nombreux Suisses sont devant. Il y a 15 ans, les 20 premiers étaient étrangers. Il y avait peut-être Dubé, mais il est d’origine canadienne.
RTSsport.ch: Réalisez-vous tout le chemin parcouru depuis vos débuts au HC Ajoie?
JULIEN VAUCLAIR: Je n’aurais jamais pensé qu’un jour je pourrais jouer en LNA avec la carrière qui est la mienne. Ca fait du bien de penser à tous ses souvenirs. D’un autre côté, je ne me pose pas toutes ces questions. Je vis au jour le jour. Le plus dur est de voir que l’on arrive gentiment au bout (rires). Il me reste 2 ans de contrat.
RTSsport.ch: Pensez-vous déjà à votre reconversion ?
JULIEN VAUCLAIR: Disons que d’ici la saison prochaine, je devrai avoir une idée sur la suite de ma carrière.
RTSsport.ch: Finir votre carrière en tant que joueur du côté de votre club formateur le HC Ajoie, est-il envisageable ?
JULIEN VAUCLAIR: On ne sait jamais, même si je vois plutôt ma vie à Lugano. Mes enfants sont nés ici. Dans mon monde idéal, j’espère finir ici et continuer ma vie dans la région.
Julien Vauclair express
Principale qualité Généreux
Principal défaut Rancunier
Film préféré Le Seigneur des Anneaux
Musique préférée J'aime tous les styles. J'adore Muse mais aussi Eminem, la musique classique, la "country"
Lieu de vacances favori J'aime les vacances d'hiver, à Andermatt
Si vous n'aviez pas été hockeyeur Cuisinier
Meilleur souvenir La naissance de mes enfants
Pire souvenir Le décès de mon grand-père
Boisson préférée Thé froid
Repas préféré La raclette
Une idole Mes parents
Le coéquipier (ou ex-joueur) qui vous a le plus impressionné Petteri Nummelin
Le coach qui vous a le plus fait progresser Ivano Zanatta