Partis de la ligne d'eau 3, Mario Gyr, Simon Niepmann, Simon Schürch et le Genevois Lucas Tramèr du club de Vésenaz ont donné une leçon aux autres favoris comme le Danemark (2e à 1"46) et la Nouvelle-Zélande, seulement 5e. L'heure est à la fête pour les 4 rameurs!
Les petits plats dans les grands pour ces 4 joyaux
Pour décrocher ce titre, la fédération suisse d'aviron, qui n'avait plus récolté de titre suprême olympique depuis 20 ans et le sacre de Xeno Müller aux Jeux d'Atlanta, a mis les petits plats dans les grands pour ses joyaux Gyr, Niepmann, Schürch et Tramèr.
Pour leur éviter de lassants trajets entre le village olympique et le site d'aviron séparé d'une bonne trentaine de kilomètres (sans compter les bouchons), Swiss Rowing leur a loué un appartement de luxe non loin de Lagoa. Prix pour 3 semaines: 50'000 francs.
Un montant plus que correct si l'on tient compte du fait que l'aviron helvétique n'avait jusque-là glané que 7 titres aux Jeux olympiques.
Les masques sont enfin tombés
D'habitude si concentrés, contenus et distants qu'on en avait l'impression qu'il s'agissait de robots à l'oeuvre, Lucas Tramèr & Cie ont exprimé leurs émotions une fois la ligne franchie.
Malgré la fatigue, il y a eu des cris de joie et de soulagement, des bras levés en l'air, des embrassades avec la famille. Les masques sont tombés!
Dans cette guerre psychologique, qu'elle a largement gagnée contre tous ses rivaux, elle a caché ses doutes et ses blessures. "Cette saison, nous n'avons jamais vraiment réussi à trouver d'aussi bonnes sensations que lors des Mondiaux d'Aiguebelette en 2015", nous a expliqué Simon Schürch complètement hilare avec son or autour du cou.
Simon Schürch: "quel soulagement!"
Les doutes font donc partie intégrante de l'aviron. "L'aviron c'est un peu comme les montagnes russes. Des fois nous avons de bonnes sensations, parfois pas...", a poursuivi Schürch.
"Nous avons travaillé pendant 6 ans pour atteindre cet objectif. Nous sommes champions d'Europe, champions du monde et maintenant champions olympique. Quel immense soulagement!". Il y a 4 ans aux Jeux de Londres, ce quatuor avait été perturbé par le vent (5e).
A Lagoa, les 4 champions ont fait face au vent mais ont tenu bon. Après Heidi Diethelm Gerber (bronze), Fabian Cancellara (or) et les 4 rameurs (or), la Suisse est parfaitement lancée pour continuer cette moisson olympique.
Lucas Tramèr le Suisse parfait
En matière de langues, Lucas Tramèr est le Suisse parfait. Né à Interlaken, le sosie d'Andy Murray, qui a également vécu à Genève, en Angleterre, à Bâle et maintenant avec sa compagne tessinoise à Zurich, s'exprime parfaitement en suisse-allemand, français et italien.
Sans oublier que cet étudiant en médecine a également des origines romanches! RTSsport.ch a pu s'entretenir avec lui après la cérémonie protocolaire.
"Depuis le début de la saison, j'ai des problèmes à un genou, des tendinites à répétition. Pendant toute l'année à l'entraînement sur l'eau, je me suis toujours dit, 'pourvu qu'il n'y ait rien qui me fasse mal'.
"C'était un stress constant. Tu te sens vieux. Tu as l'impression que ton corps peut s'écrouler à tout moment. Pour gagner une course comme aujourd'hui il faut travailler tellement dur... Ce sont 25 à 30 heures d'entraînements par semaine, avec des séances super intensives où l'on va aux limites de notre corps. Je l'ai sentie passer cette année. Très dure...
Quel soulagement de voir que mon genou ait tenu. J'ai serré les dents. Les physios ont réalisé un incroyable boulot pour me maintenir sur les jambes".
"On pousse notre corps tellement à la limite"
RTSsport.ch: Une appréhension en finale?
LUCAS TRAMER: Non, même si j'ai encore eu des douleurs samedi lors des éliminatoires... Quand tu as mal, tu ne penses pas correctement à l'objectif. Tu espères simplement que le genou va tenir. Aujourd'hui, j'ai poussé comme jamais, c'était la dernière course de l'année. Je n'ai plus pensé à mon genou.
RTSsport.ch: Si je vous comprends bien votre corps est complètement déglingué (l'année des Jeux de Londres, Tramèr avait été opéré des 2 poignets)...
LUCAS TRAMER: (rires) Non, il n'est pas foutu, c'est juste qu'on pousse notre corps tellement à la limite... Il y a aussi la gestion du poids à tenir en compte (chaque rameur ne doit pas peser plus de 72,5 kg et la moyenne totale ne doit excéder les 70 kg)... Ca laisse des traces. Mais on a bien planifié la saison. La preuve on a gagné!
"J'ai raté tellement de soirées avec des potes ou ma copine"
RTSsport.ch: Champion d'Europe, champion du monde, champion olympique... Vous avez tout gagné. La suite?
LUCAS TRAMER: Maintenant on va faire la fête et faire profiter les gens qui ont accepté qu'on soit des geeks du sport. J'ai raté tellement de soirées avec des potes, à tellement de reprises j'ai dû dire à ma copine "ce soir je ne sors pas... je préfère qu'on reste à la maison tranquille... pour aller me coucher à 21h30". Ca arrive tellement souvent. Les entraînements nous mettent au bout du rouleau. Nous avions ce rêve en tête de gagner cette médaille d'or.
L'heure est venue de payer en retour tous les gens qui ont dû attendre patiemment tous ces moments jusqu'à aujourd'hui pour profiter de nous. On va rester jusqu'à la fin des Jeux.
"Je ne sais pas quelle sera la suite"
RTSsport.ch: Allez-vous continuer l'aviron?
LUCAS TRAMER: J'ai une année de stage qui m'attend dès le mois d'octobre. J'irai travailler dans les hôpitaux. Je me réjouis car cela va me permettre d'oublier un peu le sport de haut niveau. Cela me fera du bien. Je ne sais pas quelle sera la suite.
Je l'ai toujours dit: un titre olympique peut clôturer une carrière mais il peut aussi la relancer. La seule certitude, c'est qu'il va me falloir une pause.
Rio de Janeiro, Miguel Bao