Une moisson suisse historique et des athlètes hors normes

Grand Format Paris 2024 - Moments historiques

AFP - Roger-Viollat

Introduction

Il y a cent ans, Paris organisait ses deuxièmes Jeux olympiques d'été après ceux de 1900. Un souvenir certes lointain mais historique pour la Suisse qui y remporte 25 médailles (sept en or, huit en argent et dix en bronze). Encore aujourd'hui, ce record n'a jamais été égalé ou battu. Outre les Suisses, des athlètes internationaux ont également marqué les Jeux de leur empreinte. RTSsport vous propose de remonter le temps afin de replonger au coeur de l'événement.

Chapitre 1
Le contexte historique

CNOSF via AFP

Paris, 1924: la capitale française s'apprête à organiser ses deuxièmes Jeux olympiques après ceux de 1900 qui se sont soldés par un semi-échec. L'événement (5 juillet - 27 juillet) se déroule en effet en même temps que l'exposition universelle qui a lieu du 14 mai au ... 28 octobre! Les gens se pressent pour admirer la Tour Eiffel qui vient d'être achevée mais aucune affiche ne laisse présager la tenue des Jeux olympiques dans la capitale française.

Il faut dire que l'événement ne s'appelle pas encore "Jeux olympiques" et les épreuves sportives sont noyées dans un programme des plus farfelus avec concours de montgolfières, pêche à la ligne et démonstrations de lâcher de pigeons, entre autres.

Les athlètes eux-mêmes n'ont pas conscience qu'ils sont champions olympiques. C'est le cas notamment de Margaret Abbot, jeune Américaine de 18 ans qui concourt en golf avec sa mère. "Elle n'a jamais su que cette épreuve l'avait en réalité couronnée première championne olympique américaine de l'histoire", écrit Sylvain Letouzé dans son ouvrage "Histoires insolites des Jeux olympiques".

Pierre de Coubertin, fondateur du mouvement olympique. [Keystone - STR]
Pierre de Coubertin, fondateur du mouvement olympique. [Keystone - STR]

Pour Pierre de Coubertin, c'en est trop. "C'est un miracle si le mouvement olympique a survécu à ces Jeux" dira-t-il. Mais le baron veut prendre sa revanche. En 1921, lors de la session du CIO à Lausanne, de Coubertin, qui a annoncé son retrait, milite ardemment pour le retour des Jeux à Paris, sa ville de coeur. Il écrit un véritable plaidoyer dans lequel il défend sa ville. Ses mots font mouche et l'assemblée lui accorde cette dernière faveur.

Les Jeux olympiques de 1924 sonnent comme une revanche pour de Coubertin. Après le fiasco de Paris en 1900, le baron se réjouit que la Ville Lumière accueille une deuxième fois un événement de si grande ampleur. L'édition sera un succès tant sur le plan populaire que sportif.

A cette fête, l'Allemagne n'y est cependant pas conviée. Détestée de tous encore six ans après la Première Guerre mondiale, elle est la grande absente de l'événement. En revanche, ceux qui se sont battus à ses côtés peuvent prendre part aux Joutes. L'Autriche, la Hongrie, la Bulgarie et la jeune Turquie sont donc de retour. On note également l'absence de l'URSS, qui refuse purement et simplement de participer à l'événement en raison du "nationalisme" et du "capitalisme bourgeois" que représentent les Jeux olympiques.

L'affiche officielle des Jeux olympiques de Paris en 1924. [AFP - Roger Viollet]
L'affiche officielle des Jeux olympiques de Paris en 1924. [AFP - Roger Viollet]

Chapitre 2
Ces Suisses et Suissesses qui ont ébloui Paris

CNOSF via AFP - ARCHIVES CNOSF

La délégation suisse arrive à Paris forte de 127 athlètes (contre 128 pour 2024), dont 123 hommes pour seulement 4 femmes (3,15%). Parmi eux, des footballeurs surprenants, une femme au destin romanesque, des Romands en or, des lutteurs fantastiques, des gymnastes agiles, des cavaliers pionniers, des athlètes de caractère et des haltérophiles sûrs de leur force.

Chapitre 3
Football: la Suisse surprend son monde

imago images/KHARBINE-TAPABOR

La Suisse et le tournoi de football: remarquable, la Suisse vit une épopée mémorable. Composée de 22 équipes, initialement 23 avant le forfait du Portugal, cette compétition marque à jamais le football suisse.

Le tour préliminaire voit la Suisse affronter la faible Lituanie et la rencontre devient vite à sens unique. Les Suisses dominent les Lituaniens 9-0, notamment grâce à un quadruplé de Paul Sturzenegger et un triplé de Max Abegglen. Ce score reste encore aujourd’hui la plus large victoire de l’équipe de Suisse. 

L'équipe de Suisse de 1924 prend la pose. [Keystone - STR]
L'équipe de Suisse de 1924 prend la pose. [Keystone - STR]

En 8es de finale, la Suisse défie la Tchécoslovaquie, considérée comme l'équipe qui pratique le meilleur football en Europe à cette époque. Menés depuis la 22e minute suite à un penalty transformé par Rudolf Sloup, les Suisses recollent au score à 10 minutes de la fin du temps réglementaire grâce à Walter Dietrich. Après des prolongations vierges de but, tout se jouera donc au match retour. Deux jours plus tard, la Suisse obtient son ticket pour les quarts après un but tardif de Robert Pache (87e).

Contre l’Italie, logiquement favorite de la rencontre, les Suisses créent une nouvelle fois la surprise. Contre toute attente, Sturzenegger ouvre le score pour la Suisse à la 46e, pour son cinquième but dans la compétition. La Squadra azzurra réagit certes rapidement grâce à Giuseppe Della Valle, qui n’égalise que cinq minutes plus tard. Mais à 20 minutes de la fin de la seconde période, Abegglen libère ses couleurs en marquant le but décisif pour une qualification pour les demi-finales.

Face à la Suède, les Suisses s’en sortent grâce à un doublé d’Abegglen, qui en est désormais à six buts dans la compétition. Le Neuchâtelois ouvre le score à la 15e avant que les Suédois n’égalisent peu avant la mi-temps (41e) via Rudolf Kock. Mais, ce diable d’Abegglen redonne l’avantage à la Suisse à la 77e pour se hisser en finale.

En finale, la Suisse s'incline devant l'Uruguay. [Keystone - STR]
En finale, la Suisse s'incline devant l'Uruguay. [Keystone - STR]

Lors de la finale, qui a lieu le 9 juin devant 40'000 spectateurs, les Suisses se présentent fatigués – 6 matches en 2 semaines – et vont rapidement courber l’échine face à l’Uruguay. Il ne faut ainsi que neuf minutes à la Celeste pour ouvrir le score grâce à Pedro Petrone. Après avoir tenu le 1-0 durant le reste de la première période, les Suisses s'avouent vaincus sur des buts de Pedro Cea à la 65e et Angel Romano à la 82e. Défaite 3-0 certes, mais loin d’être infamante, l’Uruguay étant l’équipe redoutée du moment. Pour preuve, elle remportera une nouvelle fois le tournoi des Jeux olympiques en 1928 et, surtout, deux ans plus tard, la première Coupe du monde de football.

Pour la Suisse, cette médaille d’argent est non seulement une énorme surprise mais également historique. Une réelle surprise d’abord, car personne ne pensait que la Suisse irait aussi loin, à commencer par les joueurs eux-mêmes (!). Ils avaient en effet pris soin d’avertir leurs entreprises respectives qu’ils retourneraient au travail après le 8e de finale. Une épopée historique ensuite car cette médaille d’argent reste unique pour le football helvétique en 33 Jeux olympiques. 

Si tous les joueurs participent à ce parcours exceptionnel, il faut néanmoins, pour n’en citer qu’un, mentionner Abegglen. Auteur de six buts en six matches, soit le deuxième meilleur bilan de la compétition derrière l’Uruguayen Patrone avec ses sept réalisations, le Neuchâtelois a marqué l’histoire du football suisse. Membre fondateur de Xamax, il a remporté cinq titres de champion de Suisse (1927, 1928, 1931, 1937 et 1939) et la Coupe de Suisse en engrangeant huit succès (1926, 1927, 1932, 1934, 1937, 1938, 1940 et 1941) avec un seul et même club : Grasshopper Zurich.

Max Abegglen a marqué le football suisse. [Keystone - STR]
Max Abegglen a marqué le football suisse. [Keystone - STR]

Chapitre 4
Ella Maillart: première femme à barrer un voilier

imago images/KHARBINE-TAPABOR

Il y a des femmes qui marquent leur époque et laissent à jamais une empreinte indélébile. Ella Maillart en fait indéniablement partie. Eprise de liberté, attirée par le sport et le dépassement de soi et fascinée par les voyages et les récits, on retient d'elle ses innombrables périples dans les contrées les plus lointaines qu'elle mettra en récit dans ses carnets. Photographe, écrivaine, aventurière mais pas que. Ella Maillart a aussi été une athlète de haut niveau puisqu'elle participe aux Jeux olympiques de 1924! Elle n'a alors que 21 ans.

Née le 20 février 1903 à Genève d'un papa suisse et d'une maman danoise, la petite fille se passionne dès son plus jeune âge pour les récits d'aventure et les cartes géographiques. Le sport occupe également une place importante dans sa vie puisque tous les dimanches elle pratique le ski. Elle représentera même la Suisse au plus haut niveau.

L'année 1913 marque un tournant ou plutôt le début d'une nouvelle aventure. Ella a dix ans quand ses parents s'installent au Creux-de-Genthod au bord du lac Léman. "Kini", comme on la surnomme, continue de pratiquer le ski mais sa passion pour le grand large prend de plus en plus de place. Sa rencontre avec Hermine de Saussure dite "Miette", fille d'un officier de marine française, va changer sa vie. A ses côtés, elle apprend à barrer des voiliers. Et à 13 ans, les deux jeunes filles remportent leur première régate. La jeune Ella ne compte pas s'arrêter là et au début des années 20, elle et "Miette" entreprennent la traversée pour la Corse. Elle remporte en 1922 deux compétitions de prestige. Avec Marcel Marcet pour la seconder, elle s'adjuge la course Genève-Rolle. Puis, huit jours plus tard, la Vasque Marcet. Aucune femme avant elle n'avait affiché une telle aisance sur le Léman.

Ella Maillart s'est très vite tournée vers l'eau.
Ella Maillart s'est très vite tournée vers l'eau.

Son amour pour l'eau la mène ensuite à Paris en 1924 où elle porte haut les couleurs de la Suisse. Alors âgée de 21 ans - la plus jeune de l'épreuve -, elle devient, la première femme au monde à barrer un dériveur. Seule femme engagée dans l'épreuve, elle se classe neuvième sur les 17 bateaux en lice. Un résultat qui ne la satisfait pas.

"Naviguer ne m'avait jamais autant fatiguée; non seulement il fallait manier la barre, la grand-voile, le foc, la bastaque et le spinnaker (utilisé au vent arrière), mais il fallait jeter l'ancre lorsque l'on louvoyait contre un courant plus fort que le vent", explique-t-elle dans l'ouvrage “Ella Maillart, Navigatrice libre comme l’eau”, de Corinne Bertola. "Après dix jours d'entraînement et deux jours de course, je fus éliminée dans les demi-finales. Et ainsi, je n'eus que le neuvième rang dans le classement général. Ne pas participer aux finales me fut très dur. Ma présence à Meulan me parut soudain alors sans raison, puisque mon but m'échappait, et je me sentis tout à coup très seule".

Amère, Ella Maillart, ne réitérera pas l'expérience olympique et met un terme à une carrière qui s'annonçait pourtant si prometteuse.

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Chapitre 5
Gymnastique: un triplé qui fera date

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Sur les 25 médailles glanées à Paris, sept reviennent à la gymnastique suisse qui encore et toujours répond présent lors d'un grand événement. Seule l'édition suivante, à Amsterdam, aura été plus prolifique avec neuf médailles.

En 1924, la délégation suisse est bien décidée à briller. Et elle y parvient de la plus belle des manières en offrant à la Suisse son premier triplé olympique de l'histoire. En cheval d'arçons, Josef Wilhelm se pare d'or devant Jean Gutweniger et le Chaux-de-Fonnier Antoine Rebetez. Quatre ans plus tard, les Helvètes réaliseront de nouveau un triplé mais au sol avec le sacre de Georges Miez devant Joseph Walter et Eugen Mack. Pour la petite histoire, Miez demeure l'athlète suisse le plus médaillé de l'histoire (8 médailles entre 1924 et 1936).

Retour sur les premiers triplés olympiques suisses de l'histoire, en 1924 et 1936
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A Paris, deux hommes vont se distinguer en remportant trois médailles dont deux en individuel: August Güttinger et Gutweniger.

Güttinger a 32 ans en 1924 et participe à ses deuxièmes Jeux. Le Zurichois remporte haut la main le concours aux barres parallèles. Le Tchèque Robert Prazak et l'Italien Giorgio Zampori ne peuvent que s'incliner devant la domination du Suisse. Güttinger ne s'arrête pas là et empoche le bronze au grimper à la corde tout d'abord puis au concours par équipes avec sept autres camarades.

Gutweniger participe quant à lui à Paris à ses seuls Jeux. Dans la forme de sa vie, le Thurgovien remporte l'argent en cheval d'arçons derrière son compatriote Wilhelm. En barre fixe, il ne peut rien faire face au Yougoslave Léon Stukelj et doit se contenter de l'argent. Il ajoute à sa collection le bronze par équipes.

Wilhelm, enfin. A 32 ans, le Grison remporte l'or au cheval d'arçons. Avec l'argent de Gutweniger et le bronze de Rebetez, la Suisse signe son premier triplé olympique.

Avec six médailles glanées en inviduels, les Suisses ne manquent pas l'opportunité d'en rajouter une septième par équipes. Aussi, Wilhelm, Güttinger, Rebetez, Gutweniger, Miez, Otto Pfister et Hans Grieder remportent le bronze. Le titre revient aux Italiens qui s'adjugent leur troisième sacre consécutif.

Le Romand Antoine Rebetez remporte le bronze au cheval d'arçons et au concours par équipes. [CNOSF via AFP - ARCHIVES CNOSF]
Le Romand Antoine Rebetez remporte le bronze au cheval d'arçons et au concours par équipes. [CNOSF via AFP - ARCHIVES CNOSF]

Chapitre 6
Aviron: les Romands écrivent l'histoire

imago images/KHARBINE-TAPABOR

Une édition tout simplement historique pour l'aviron suisse: avec cinq médailles en poche, c'est l'édition la plus prolifique pour les Helvètes, qui en totalisent 22 sur l'ensemble des 30 éditions qui ont eu lieu.

A Paris, l'aviron suisse rafle cinq médailles (deux en or et trois en bronze) et est la deuxième nation la plus titrée dans ce sport derrière les Etats-Unis qui comptent autant de médailles, également deux en or mais une en argent et deux en bronze. Les Jeux olympiques démarrent de la plus belle des manières pour les Suisses avec notamment le rowing club de Lausanne (avec Emil Albrecht, Alfred Probst, Eugen Sigg, Hans Walter et Walter Loosli) qui remporte l'or dans la catégorie quatre sans barreur.

Pourtant, la matinée ne s'est guère annoncée sous les meilleures auspices. L'embarcation lausannoise se fait battre au premier tour par les Pays-Bas et doit donc passer pour les repêchages pour espérer poursuivre leur aventure et glaner une médaille dans une compétition qui ne compte que dix bateaux. Les membres du Rowing club de Lausanne en mettent plus pour facilement devancer la Grande-Bretagne, la Hongrie et la Belgique. En finale, l'embarcation romande semble flotter sur l'eau. Rien ni personne ne peut empêcher le sacre olympique des Suisses. Les Français sont relégués à trois secondes, les Etats-Unis, à deux.

L'aviron suisse a brillé de mille feux. [CNOSF via AFP - ARCHIVES CNOSF]
L'aviron suisse a brillé de mille feux. [CNOSF via AFP - ARCHIVES CNOSF]

L'or encore pour des Romands en deux avec barreur. Quatre ans après avoir remporté le bronze aux Jeux d'Anvers avec le barreur Paul Piaget, le duo genevois Édouard Candeveau et Alfred Felber fait encore mieux en 1924 en remportant l'or à Paris, cette fois avec Émile Lachapelle à la barre. Certes, il y a peu d'embarcations engagées (cinq au total). Mais le premier tour pour les Suisses leur réserve comme adversaire l'Italie, championne olympique en titre. Les Helvètes, concentrés, battent avec la manière les Transalpins. En finale, la Suisse arrache l'or, un dixième devant... l'Italie et les Etats-Unis. A 38 ans, Felber quitte la compétition avec le plus beau des métaux. Candeveau, plus jeune, poursuivra lui sa carrière et participera encore aux Jeux olympiques de 1928.

Outre deux médailles d'or, la Suisse ramène de Paris trois autres médailles, toutes en bronze.

Dans la catégorie quatre sans barreur, composé de Emil Albrecht, Alfred Probst, Eugen Sigg et Hans Walter, la barre est haute, trop haute même, pour espérer décrocher le titre. L'équipage suisse ne peut rien faire au premier tour contre le Canada. Mais comme seulement quatre bateaux sont en lice, les Suisses accèdent à la finale et décrochent la médaille de bronze.

En double scull, le binôme Rudolpf Bosshard et Heinrich Thomas fait étalage de tout son talent en qualifications en mettant dix secondes au Brésil. En finale, la tâche s'annonce ardue avec la France et les Etats-Unis. Et manque de chance, les deux hommes rencontrent un coup de mou qui ne leur permet pas de rivaliser avec les deux favoris. Heureusement pour eux, le Brésil est la quatrième embarcation de cette finale. Le bronze est sauvé!

Enfin, en skiff, Josef Schneider, qui participe à ses seuls Jeux olympiques à 33 ans, mise sur son expérience. Après un premier tour maîtrisé face, notamment, au Canadien Arthur Beleya avec un temps canon de 7 minutes et 15 secondes, la finale est plus compliquée. Il s'écroule face à l'Américain Jack Beresford, sacré champion olympique en 7 minutes et... 49 secondes! Que de regrets donc pour Schneider qui se fait également devancer par le Britannique Garett Gilmore.

Chapitre 7
Lutte: un festival de médailles

imago images/KHARBINE-TAPABOR

En lutte libre, la Suisse fait fort, très fort. Après une première médaille historique lors des Jeux olympiques d’Anvers en 1920 – l’or pour Robert Roth en poids lourds et l’argent pour Charles Courant en poids mi-lourds – les Suisses remportent cinq médailles lors des Jeux de Paris 1924 (deux en or, une en argent et deux en bronze). Ce résultat encore inégalé en une seule édition pour la Suisse en lutte, constitue plus du tiers des médailles obtenues en lutte dans l’histoire helvétique des Jeux olympiques (actuellement quatorze médailles).

On commence par Hermann Gehri, dans la catégorie des poids mi-moyens (66-72 kilos). D’une force aussi redoutable que son agilité, il domine un à un ses adversaires. Pour son premier combat, il fait rapidement tomber le Français Gaston Fichu. S’ensuit une victoire nette face à l’Américain William Byron Johnson. Puis, il bat le Finlandais Eino Aukusti Leino, alors champion olympique en titre et qui se classe deuxième lors de cette édition. Enfin, il termine invaincu pour remporter l’or en dominant l’Américain Guy Howard Lookabaugh. Outre le Bâlois et son parcours sans faute, la catégorie voit un deuxième Suisse remporter une médaille – le bronze. Il s’agit d’Otto Müller. Vainqueur sur décision arbitrale de ses combats contre William Byron Johnson et le Canadien Donald Parker Stockton mais battu par Guy Howard Lookabaugh, il profite de l’abandon d’un de ses adversaires pour monter sur la troisième marche du podium.

Fritz Haggmann triomphe dans la catégorie poids moyen. [CNOSF via AFP - ARCHIVES CNOSF]
Fritz Hagmann triomphe dans la catégorie poids moyen. [CNOSF via AFP - ARCHIVES CNOSF]

En poids moyens (72-79 kilos), Fritz Hagmann connaît le sacre olympique. Dominant à chacun de ses combats, il va tour à tour éliminer le Danois Robert Christoffersen, le Finlandais Jussi Penttilä, l’Anglais Noël Rhys et le Belge Pierre Ollivier. Puissant et vif, le Zurichois survole la compétition.

En poids lourds (plus de 87 kilos), Henri Wernli apparaît comme le favori pour l’or. D’autant plus après ses quatre premiers combats contre le Français Edmond Dame, les Suédois Johan Cornelius Richthoff et Ernst Nilsson et le Britannique Archie MacDonald, remportés sans aucune discussion. Malheureusement, pour son dernier combat contre l’Américain Harry Steel, le Bernois semble nerveux et commet des fautes qui donnent la victoire à son adversaire sur décision arbitrale.

Enfin, en poids mi-lourds (79-87 kilos), Charles Courant décroche le bronze. Redouté par ses adversaires depuis sa médaille d’argent lors des Jeux olympiques d’Anvers en 1920, il commence très fort en dominant l’Américain Charles Strack et le Danois Poul Hansen. Néanmoins, son troisième combat contre le futur prodige de la discipline, le Suédois Johan Svensson, qui remporte l’or en lutte libre lors des Jeux d’Amsterdam en 1928 et de Los Angeles en 1932, lui est fatal dans sa conquête pour le titre.

Les lutteurs suisses se sont distingués à Paris. [CNOSF via AFP - ARCHIVES CNOSF]
Les lutteurs suisses se sont distingués à Paris. [CNOSF via AFP - ARCHIVES CNOSF]

Chapitre 8
Hippisme: un très grand Alphonse Gemuseus

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Historique également a été la performance des Suisses dans les différents concours hippiques. Depuis l’apparition officielle des épreuves du saut à cheval, c’est la première fois que la Suisse monte sur le podium olympique. Et, une première plus que réussie, puisque la délégation ne ramène non pas une médaille, mais deux !

Le grand homme côté helvétique est sans nul doute Alphonse Gemuseus. Le Bâlois, lieutenant dans l’armée, a tout d’abord remporté l’or en individuel avant de glaner l’argent par équipe. Avec sa jument irlandaise nommée Lucette et sur un parcours très exigeant, où aucun cavalier ne réussit un sans-faute, il s’impose avec six points de pénalité. Plus constant que ses concurrents, il devance l’Italien Tommaso Lequio di Assaba sur Trebecco (8,75 points de pénalité) et le Polonais Adam Krolikiewicz sur Picador (10 points de pénalité).

Ce titre en individuel, le premier de l’histoire suisse en équitation toutes compétitions confondues, est à souligner. En effet, il aura fallu attendre 88 ans pour voir un autre suisse monter sur la plus haute marche du podium en individuel : Steve Guerdat avec Nino des Buissonnets lors des Olympiades de 2012 qui ont eu lieu à Londres. Ce sont d’ailleurs, encore aujourd’hui, les deux seules médailles d’or remporter par l’hippisme suisse en individuel lors de Jeux olympiques.

Gemuseus s'est mis en évidence. [CNOSF via AFP - ARCHIVES CNOSF]
Gemuseus s'est mis en évidence. [CNOSF via AFP - ARCHIVES CNOSF]

Par équipes, Gemuseus va également se distinguer. Le parcours étant le même que lors de l’épreuve individuelle, il va montrer toute sa maîtrise pour se montrer décisif et offrir à la Suisse une seconde médaille, cette fois-ci d’argent. Sans minimiser la performance de ses deux acolytes que sont Werner Stubert sur Giranole et Hans Bühler sur Sailor Boy, son passage a été remarquable. La Suisse, qui a comptabilisé 50 points de pénalité, n’est devancée que par la Suède, composée d’Ake Thelning, Axel Stahle et Age Lundström (42,25 points de pénalité).

Pour Gemuseus, ces deux médailles resteront cependant sans lendemain. En 1928, lors des Jeux olympiques d’Amsterdam au Pays-Bas, le Bâlois, toujours avec sa monture Lucette, ne terminera que huitième du concours individuel et à la même place lors de l’épreuve par équipes.

Chapitre 9
Athlétisme: la force de caractère des Suisses

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En athlétisme, l'édition de 1924 est encore aujourd’hui la plus faste pour la Suisse avec deux médailles d’argent (en 1948 à Londres, les Suisses ont également remporté deux médailles, l’une est d’argent et l’autre de bronze). Cette édition est exceptionnelle, la Suisse ne comptant actuellement que huit médailles en athlétisme, dont aucune en or (six deuxièmes places et deux troisièmes places).

Wilhelm Schärer est l’un des deux Suisses à remporter l’argent. Il s’agit, probablement, de l’un des plus grands exploits de l’histoire de l’athlétisme suisse. Sur 1500 mètres, le Bernois brille de mille feux. Il est tout d’abord victorieux de sa série qualificative avec le meilleur temps avant de réaliser une finale époustouflante face à des adversaires réputés. Il a contre lui trois Américains, trois Anglais et quatre Finlandais, dont Paavo Nurmi (dont nous parlerons plus bas), légende des courses de demi-fond comme du fond. Loin d’être intimidé, le jeune homme de 21 ans tient la dragée haute à ses concurrents en restant solidement en troisième position. Mais parti seul aux 1000 mètres, Paavo Nurmi est trop fort, l’or n’est plus atteignable. Il doit se battre pour l’argent ou le bronze. Dans un duel avec le Britannique Henry Stallard pour la deuxième place, Wilhelm Schärer jette ses dernières forces et son adversaire finit par faiblir à vingt mètres de la ligne ! La médaille d’argent est acquise ! Le Bernois demeure le seul athlète suisse à avoir décroché une médaille sur la distance du 1500 mètres.

Willy Schärer a fait preuve d'abnégation pour décrocher l'argent. [Keystone - STR]
Willy Schärer a fait preuve d'abnégation pour décrocher l'argent. [Keystone - STR]

Paul Martin est le deuxième Helvète à glaner l’argent. Sur 800 mètres, les Jeux olympiques du Lausannois auraient très bien pu s’arrêter dès les demi-finales. Présent dans une série relevée où quatre athlètes peuvent prétendre à l’une des trois premières places qualificatives, il cravache pour valider son ticket pour la grande finale. Alors que le Britannique Stallard remporte aisément la demi-finale devant l’Américain Bill Richardson, Martin est aux prises avec le Suédois Rudolf Johansson et le Français Georges Baraton. Le Lausannois, qui court à l’extérieur dans le dernier virage, fait bien plus de mètres que ses deux concurrents qui sont à la corde. Mais au bout de l’effort, il parvient à dépasser sur la ligne Rudolf Johansson pour se qualifier pour la finale avec seulement un centième d’avance sur le Suédois ! Dans une finale à neuf des plus relevées, Martin doit faire face à un Norvégien, quatre Américains mais surtout trois redoutables Britanniques.

A l’entame du dernier virage, l’espoir d’une médaille semble compromis pour le Lausannois. Il ne reste que 250 mètres à parcourir et il ne pointe qu’à la sixième place. Forcé de faire l’extérieur et donc plus de mètres – comme lors de la demi-finale – pour remonter ses concurrents, Martin voit le podium s’éloigner encore un peu plus. Mais au prix d’un effort titanesque, il reprend deux rangs pour être désormais quatrième. Dans la dernière ligne droite ils sont encore cinq à pouvoir prétendre à la médaille, Martin, au bout de lui-même, s’accroche, mais dans ce qui sera la ligne droite de sa vie sur 800 mètres, il se rapproche de la tête !

Et dans une dernière foulée rageuse, il semble passer l’arrivée en même temps que le Britannique Douglas Lowe. Mais malheureusement pour le Lausannois, c’est finalement bien son adversaire qui décroche l’or pour seulement un centième. Martin, qui participera à cinq Jeux olympiques (de 1920 à 1936), enlève à Paris son unique médaille olympique, la première de l’histoire des Jeux pour la Suisse mais également la seule sur 800 mètres de l’histoire de l’athlétisme suisse aux rendez-vous olympiques.

Paul Martin a glané l'argent à l'arrachée. [CNOSF via AFP - ARCHIVES CNOSF]
Paul Martin a glané l'argent à l'arrachée. [CNOSF via AFP - ARCHIVES CNOSF]

Chapitre 10
Haltérophilie: les deux dernières médailles suisses aux JO

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En haltérophilie, la Suisse tire également son épingle du jeu avec un total de deux médailles (une en argent et une en bronze).

Après les premières médailles (une en argent et une en bronze) de l’histoire de l’haltérophilie suisse glanées lors des précédents Jeux olympiques d’Anvers en 1924, les Suisses confirment qu’ils font partie, dans les années 20, des nations dominantes dans cette épreuve de force.

Déjà deuxième quatre ans plus tôt, Fritz Hünenberger récidive en poids mi-lourds (moins de 82,5 kilos), avec peut-être une certaine déception de ne pas avoir décroché l’or. Le Bâlois est en effet confortablement en tête après le développé militaire avant de courber l’échine lors de l’arrachée face au Français Charles Rigoulot.

Les Suisses, dont Reinmann, se sont mis en évidence. [CNOSF via AFP - ARCHIVES CNOSF]
Les Suisses, dont Reinmann, se sont mis en évidence. [CNOSF via AFP - ARCHIVES CNOSF]

La seconde médaille est l’œuvre d’Arthur Reinmann. Le Bernois, qui remporte le bronze, ne pouvait pas prétendre à mieux. En effet, non seulement la première place était inaccessible en raison de la domination absolue à l’époque de l’Italien Pierino Gabetti, qui glane le titre avec 17,5 kilos d’avance sur l’Autrichien Andreas Stadler et 20 kilos sur le Suisse, mais également des faiblesses de Reinmann dans deux des cinq épreuves que comptent la discipline. Seulement sixième lors de l’épreuve de l’épaulé-jeté et huitième lors de l’arraché à une main, le Bernois a en effet un débours trop conséquent sur ses adversaires dans ces deux disciplines pour espérer mieux.

Le bilan comptable est historique encore aujourd’hui pour la Suisse. Après les deux médailles lors des Jeux olympiques de 1920, ce sont en effet les dernières ramenées par des Suisses lors de Jeux olympiques, soit une disette longue de désormais 100 ans.

Chapitre 11
Ces athlètes internationaux qui ont marqué les Jeux

Keystone - AP Photo

Outre la fantastique prestation d'ensemble des Suisses, l'édition de 1924 a fait éclore de grands champions qui ont marqué les Jeux de leur empreinte. De Johnny Weissmuller qui s'est illustré en natation avant de devenir une star de cinéma, à un rescapé du Titanic en passant par Paavo Nurmi et Ville Ritola surnommés "Les Finlandais volants", petit tour d'horizon de quatre athlètes au destin incroyable.

Chapitre 12
Johnny Weissmuller: des bassins olympiques aux studios hollywoodiens

imago images/KHARBINE-TAPABOR

Si son "oh-iih-oh-iih-ooooh-iih-oh-iih-ooooh", à entonner sur le modèle du yodel autrichien, l'a propulsé au rang de star, c'est d'abord dans les bassins que la légende Johnny Weissmuller s'écrit. En 1924, la première star des Jeux de Paris, c'est lui.

Né le 2 juin 1904, l'Américain a tout juste 20 ans lorsqu'il participe à ses premiers Jeux olympiques. Pourtant, l'histoire aurait pu s'écrire différemment. Car Weissmuller n'est pas né aux Etats Unis mais à Freidorf dans l’empire d’Autriche-Hongrie. Il est donc considéré comme apatride. Sans passeport, il lui est impossible de prendre part à l'événement. Qu'à cela ne tienne: Johnny embarque pour la France sous l'identité de son frère cadet Petrus, né lui aux Etats-Unis. Dans "Tarzan, my father", son fils Johnny Weissmuller Junior raconte la supercherie: "Le certificat du frère cadet de mon père a été falsifié. Le prénom "John" a été inséré entre "Petrus" et "Weissmuller". L'encre et l'écriture sont différentes."

Le tour de passe-passe fonctionne, l'histoire est en marche. Mais dans un coin de sa tête, la peur que la vérité n'éclate au grand jour ne le quittera jamais. "Papa était très heureux et fier mais il était aussi nerveux. Cette tricherie élaborée avec la complicité de sa mère Elizabeth l'a hanté toute sa vie. Il avait peur de perdre toutes ses médailles et ses records et d'être déshonoré".

Avec son impressionnant physique - 1m89, 86 kilos et des épaules de déménageur - Johnny, premier athlète à avoir nagé le 100 mètres sous la minute deux ans plus tôt, attire tous les regards dans la piscine des Tourelles. En l'espace de trois jours, le colosse à l'agilité exceptionnelle remporte trois médailles d'or.

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RTS Sport - Publié le 23 juillet 2024

Sur 400 mètres tout d'abord, où il pulvérise le record olympique de l’épreuve, record qui tiendra jusqu'en 1972. En ce vendredi 18 juillet, Weissmuller nage en 5'04"20. Deux jours plus tard, la coqueluche récidive. Avec l'équipe américaine, il remporte le relais 4x200 mètres le matin avant de connaître une fin en apothéose l'après-midi où il s'adjuge l'or sur 100 mètres nage libre. Weissmuller impressionne par son style puissant. Le même jour, il remporte également le bronze avec ses copains en... water-polo.

En 1929, Weissmuller prend sa retraite sportive. Il ne compte pas moins de 67 records du monde et cinq médailles d'or olympiques. La légende raconte que de toute sa carrière, il n'aurait jamais été battu.

Egérie pour une marque de sous-vêtements, Hollywood le repère. Weissmuller, réticent au départ, finit par enfiler le pagne. Tarzan au cinéma, c'est lui. Il y a 92 ans, son célèbre cri résonnait pour la première fois lors l'avant première du film "Tarzan, l’homme-singe" de W.S. Van Dyke dans lequel Weissmuller endosse pour la première fois le rôle de l'homme de la jungle. S'ensuivent 11 autres films avec le nom de Weissmuller au générique. Et si la légende Weissmuller demeure, l'homme, lui, s'éteint tristement le 20 janvier 1984 dans un hôpital psychiatrique.

Johnny Weissmuller a incarné Tarzan au cinéma. [Imago]
RTS Sport - Publié le 23 juillet 2024

Chapitre 13
Richard Norris Williams: rescapé du Titanic et sacré en tennis

imago images/KHARBINE-TAPABOR

Le 21 juillet 1924, Richard “Dick” Norris Williams remporte l'or olympique en double mixte aux côtés de Hazel Wightman. Pourtant, il s'en est fallu de peu pour que la destinée du jeune "Dick" ne prenne une tournure dramatique. Mais pour le comprendre, revenons quelques années en arrière.

Dick Williams est né le 21 janvier 1891, à Genève, de parents américains. Le jeune garçon pratique le tennis depuis son plus jeune âge, initié par son père Charles, avocat. A 12 ans, il devient même champion de Suisse juniors. A 21 ans, Dick s'apprête à gagner les Etats-Unis pour poursuivre ses études à Harvard et se consacrer au tennis. Initialement, le voyage est agendé en février. Mais Dick contracte la rougeole. Le grand départ est reporté au 10 avril 1912. Accompagné de son papa, le jeune homme monte à bord du Titanic lors de l'escale à Cherbourg. La traversée se passe à merveille jusqu'à ce terrible soir du vendredi 14 avril.

Le 14 avril 1912, le Titanic sombrait. [KEYSTONE - ANONYMOUS]
Le 14 avril 1912, le Titanic sombrait. [KEYSTONE - ANONYMOUS]

A 23h40, le paquebot heurte un iceberg au large de Terre-Neuve. Le Titanic commence son funeste naufrage. Père et fils sautent de douze mètres et plongent dans une eau glacée dont la température avoisine les moins quatre degrés. La première cheminée cède et vient s'écraser sur les naufragés. Son papa meurt sur le coup, sous ses yeux. Ironie du sort, la vague crée par les remous permet à Dick de se propulser sur l'un des canot de sauvetage. Il y restera accroché pendant 9h les jambes immergées. Vingt-neuf autres personnes tentent de survivre. Quand, enfin, les secours arrivent à leur hauteur, ils ne sont plus que quatorze à être encore en vie. Dont Dick. Ses jambes sont violettes et le médecin du Carpathia recommande l'amputation de ses jambes. Inconcevable pour le jeune tennisman. "Je vais avoir besoin de ces jambes", aurait-il alors hurlé. Sauvé mais pas sorti d'affaires. Durant les trois jours que dure le voyage pour ramener les survivants sur terre ferme, Williams enchaîne les aller-retour sur le pont afin de faire redémarrer la circulation sanguine dans ses jambes. Soutenu par un autre joueur de tennis qu'il admire, Karl Howell Beh.

Six semaines après la tragédie, Williams joue et gagne un tournoi. Puis, hasard de la vie, il retrouve lors du tournoi de Longwood Challenge Bowl, Beh. Williams s'incline mais sa carrière est lancée. La même année, il remporte son 1er Grand Chelem, l'actuel US Open, en double mixte avec Mary Browne.

En 1924, Williams a 33 ans et compte alors deux titres du Grand Chelem en simple (US Open), deux en double (Wimbledon) et un en double mixte (US Open). A Paris, il participe à ses premiers Jeux olympiques. En simple, il cède devant le Français Henri Cochet 7-5 3-6 2-6 4-6 en quarts de finale. Il ne connaît pas plus de réussite en double, battu avec son partenaire Watson Washburn par les Sud-Africains Jack Condon et Ivie Richardson au bout du suspens. En double mixte, le champion américain fait équipe avec Hazel Hotchkiss Wightman qui vient de remporter le tournoi de double féminin. Le binôme s'impose facilement 6-2 6-3 et décroche donc l'or olympique.

Durant sa carrière, Williams aura également remporté la Coupe Davis avec les Etats-Unis, en 1913, 1921, 1923, 1925 et 1926. Le rescapé du Titanic a été intronisé au Hall of Fame du tennis en 1957. Il rend son dernier souffle onze ans plus tard, à 77 ans.
 

Richard Norris Williams et Hazel Hotchkiss Wightman lors du tournoi olympique de double mixte. [CNOSF via AFP]
Richard Norris Williams et Hazel Hotchkiss Wightman lors du tournoi olympique de double mixte. [CNOSF via AFP]

Chapitre 14
Athlétisme: la légende du fond et du demi-fond Paavo Nurmi

imago images/KHARBINE-TAPABOR

Paavo Nurmi et Ville Ritola auront marqué à jamais l’histoire des Jeux olympiques. En 1924, les deux Finlandais, que l’on surnomme les « Finlandais volants », remportent un nombre de médailles en athlétisme encore inégalé aujourd’hui. Honneur à Nurmi pour commencer, légende du fond et du demi-fond, qui détient toujours le nombre de médailles d’or glanées en athlétisme en une seule édition avec cinq médailles d’or.

Né en 1897, Nurmi participe à ses seconds Jeux olympiques après Anvers 1920 où il avait remporté quatre médailles: l’or sur le 10'000 mètres, en cross-country individuel et par équipes, et une médaille d’argent sur le 5000 mètres.

A Paris, il fait encore plus fort. Aligné sur cinq épreuves (le 1500 mètres, le 5000 mètres et le 3000 mètres par équipe et les deux épreuves de cross country), le Finlandais les remporte les cinq ! A commencer par le 1500 mètres, où il s’impose aisément devant le surprenant Willy Schärer en relâchant son effort dans le final en vue de la finale du 5000 mètres qui a lieu… un peu plus d’une heure plus tard.  

Paavo Nurmi remporte l'or sur 1'500 mètres. [CNOSF via AFP - ARCHIVES CNOSF]
Paavo Nurmi remporte l'or sur 1'500 mètres. [CNOSF via AFP - ARCHIVES CNOSF]

La course est cette fois-ci plus serrée. Au coude-à-coude avec son grand rival Ritola, le Finlandais s’impose finalement au sprint et devance son compatriote de deux dixièmes.

Lors du cross-country individuel, Nurmi fait parler sa supériorité pour s’imposer avec plus d’une minute trente d’avance sur… Ritola. Mais plus que sa performance, on retiendra de ce cross-country, la chaleur extrême qui règne: plus de 40 degrés ainsi que les odeurs nauséabondes émanant d'une centrale électrique sis à proximité. Sur les 38 participants, seuls quinze sont en état de rallier la ligne d'arrivée. Ce sera ainsi la dernière fois que l'épreuve, jugée trop dangereuse, sera au programme des Jeux olympiques.

Grâce à sa première place, le second rang de Ritola et la huitième place d'Heikki Liimatainen dans cette course individuelle, Nurmi remporte également l'or en cross country par équipes devant les Etats-Unis.

Enfin, lors du 3000 mètres par équipes, qui fait pour l’occasion également sa dernière apparition lors de Jeux olympiques, la Finlande écrase tout sur son passage. Les Finlandais arrivent aux trois premières places grâce aux inévitables Nurmi et Ritola alors que Sameli Tala termine troisième. Avec seulement six points, ils devancent l’Angleterre, arrivée aux places quatre, cinq et six, de neufs points.

Nurmi aurait encore pu rajouter une 6e médaille, sur le 10'000 mètres. Mais la fédération finlandaise, inquiète pour sa santé, a refusé de l'inscrire.

Chapitre 15
Athlétisme: le second Finlandais volant

imago images/KHARBINE-TAPABOR

Né en 1896, Ville Ritola est l’unique athlète à avoir gagné six médailles en athlétisme (quatre médailles d’or et deux d’argent) lors d’une seule joute. Pourtant, son palmarès semble être injustement tombé aux oubliettes.

Contrairement à son compatriote Nurmi, Ritola participe à ses premiers Jeux olympiques. Il démontre sa supériorité lors de ses deux premières courses: le 10'000 mètres et le 3000 mètres steeple, qu’il gagne avec une facilité déconcertante. Sur le 10'000 mètres, il s'impose ainsi avec… un demi-tour (200 mètres) et 32 secondes d’avance sur le Suédois Edvin Wide, pour battre de douze secondes son propre record du monde !

Ville Ritola remporte le 10'000 mètres des Jeux de 1924. [imago images/United Archives - imago sportfotodienst via www.imago-images.de]
Ville Ritola remporte le 10'000 mètres des Jeux de 1924. [imago images/United Archives - imago sportfotodienst via www.imago-images.de]

S’ensuit trois jours plus tard, le 3000 mètres steeple. Dominant comme jamais, il devance son compatriote Elias Katz de 11 secondes, soit 75 mètres. Ses quatre courses suivantes sont tout aussi exceptionnelles. Il ne remporte certes que l’argent sur le 5000 mètres et le cross-country individuel, mais que pouvait-il faire devant l’autre Finlandais volant Nurmi ?

Il remporte enfin l’or par équipes sur le 3000 mètres et le cross-country en faisant équipe, entre autres, avec… Nurmi.

Ville Ritola a vécu des Jeux olympiques 1924 extraordinaires. [CNOSF via AFP - ARCHIVES CNOSF]
Ville Ritola a vécu des Jeux olympiques 1924 extraordinaires. [CNOSF via AFP - ARCHIVES CNOSF]

Chapitre 16
Les premières et les faits particuliers des JO de Paris 1924

CNOSF via AFP - ARCHIVES CNOSF

Les Jeux olympiques 1924 ont été le théâtre de premières encore d’actualité aujourd’hui et de faits tout à fait particuliers qui méritent mention.

Concernant les premières, deux sont significatives: la création du village olympique et l’avènement de la cérémonie de clôture des Jeux. Le village se compose de baraquements où peuvent y loger jusqu’à trois personnes où un "loyer" par jour est à payer. Des commodités sont également à disposition des athlètes, tels un bureau de poste et de change, ainsi qu’un kiosque à journaux, un salon de coiffure, une blanchisserie et un poste pour téléphoner. Ce premier village olympique n’est néanmoins pas usité par toutes les délégations, qui préfèrent loger à d’autres endroits de la ville de Paris.

Le village olympique en 1924. [CNOSF via AFP - ARCHIVES CNOSF]
Le village olympique en 1924. [CNOSF via AFP - ARCHIVES CNOSF]

La cérémonie de clôture a quant à elle lieu pour la toute première fois lors de cette édition 1924 des Jeux. Et encore aujourd’hui, elle se déroule de la même façon avec le défilé des athlètes et la levée des trois drapeaux : le drapeau du Comité International Olympique, le drapeau du pays-hôte et le drapeau du prochain pays-hôte des Jeux olympiques d’été (les Pays-Bas en 1924 et les Etats-Unis en 2028).

On peut également mentionner l’apparition des sports dits de démonstration – donc sans médailles olympiques. Les épreuves aux Jeux olympiques 1924 étaient : la pelote basque, la savate (boxe française), le canoë et la canne de combat (art martial français avec une canne, semblable à l’escrime).

Concernant les faits qui méritent mention, la natation voit le 100 mètres nage libre être effectué en crawl par l'ensemble des athlètes. Une première dans l’histoire de la natation qui acte la suprématie du crawl par rapport aux autres nages.

Les Joutes 1924 sont également la dernière définitive ou provisoire de deux sports : le rugby et le tennis. Le rugby à XV disparaît en raison d’une finale disputée dans des conditions exécrables. La France, pays-hôte, est menée 17-3 par les Américains. C’est le moment choisi par l’immense majorité des 50'000 spectateurs qui assistent à la rencontre au stade de Colombes pour insulter les joueurs américains, s’en prendre physiquement à leurs supporters et déchirer leurs drapeaux. Le rugby ne sera finalement réintroduit qu’en 2016 mais dans sa version à VII. Quant au tennis, il disparaîtra du programme olympique durant 64 ans pour ne réapparaître qu’aux Jeux olympiques de Séoul en 1988.

Le rugby à XV a fait ses adieux olympiques à Paris. [KEYSTONE - ANONYMOUS]
Le rugby à XV a fait ses adieux olympiques à Paris. [KEYSTONE - ANONYMOUS]

Chapitre 17
Paris 1924 - Paris 2024: deux univers bien différents

Roger-Viollet via AFP - Maurice-Louis Branger

Et cent ans après, nous voici donc à nouveau à Paris, pour les XXXIIIe Jeux olympiques. De hier à aujourd’hui, beaucoup de choses ont changé, entre la professionnalisation des athlètes, la globalisation du sport et les innovations technologiques, les Jeux olympiques 1924 et les Jeux olympiques 2024 n’affichent que des différences.

Alors qu’en 1924, il n’y avait que 126 épreuves, on en compte 329 en 2024 ! Autrement dit, en cent ans, deux fois plus d’épreuves ont été inscrites au programme. Outre ce chiffre édifiant, les athlètes présents à Paris en 2024 sont trois fois plus nombreux qu’en 1924. Alors qu’il n’y avait « que » 3089 athlètes il y a cent ans, on en attend plus de 10'500 cette année. Mais la différence sans aucun doute la plus nette se situe au niveau de la parité de participants entre les deux sexes. Alors qu’on ne comptait que 135 femmes pour 2954 hommes en 1924, soit seulement 4,57% d’athlètes femmes, il y a, en 2024, autant d’hommes que de femmes.

JO 2024: la ferveur s'empare de Paris à quelques jours des Jeux olympiques
Sport dimanche - Publié le 21 juillet 2024

Concernant la différence du nombre de nations participantes, le chiffre a quadruplé en cent ans, passant de 44 pays à 200 pays. En 1924, c’est pour certaines délégations, leur première apparition aux Jeux olympiques (hiver et été confondus) : on peut citer l’Équateur, l’Irlande, la Lituanie, les Philippines et l’Uruguay (seul pays novice à gagner une médaille, et l’or !). La Lituanie et la Pologne participent également à leur premier Jeux olympiques d’été mais ont déjà pris part aux Jeux d’hiver.

Outre ces différences, on peut dénoter qu’un seul site olympique utilisé en 1924 sera réutilisé pour les Jeux olympiques en 2024. Le stade Yves-du-Manoir, qui avait accueilli la cérémonie d’ouverture et de clôture et les compétitions de rugby et de football, accueillera le tournoi de hockey sur gazon.

Le stade Yves-du-Manoir seule infrastructure utilisé en 1924 et 2024. [Keystone]
Le stade Yves-du-Manoir seule infrastructure utilisée en 1924 et 2024. [Keystone]