La Chine a fait un carton sur ses terres. Avec 61 médailles, dont 18 en or, le pays hôte a surclassé ses dauphins, l'Ukraine (29 métaux dont 11 en or) et le Canada (25 métaux dont 8 en or). Et dire que les Chinois, qui ont participé à leurs premiers Paralympiques d'hiver à Salt Lake City en 2002, avaient dû attendre PyeongChang (2018) pour décrocher leur première médaille: l'or en curling.
Et la Suisse dans tout ça à Pékin? Loin derrière, elle a fini, grâce au bronze de Théo Gmür en descente, au 17e rang. A égalité avec l'Australie et le Kazakhstan. Pour René Will, président de Swiss Paralympic, "nous devons nous poser la question de savoir si nous sommes encore suffisamment compétitifs. Et si la réponse est non, avons-nous la possibilité de changer cela?".
Triple champion paralympique il y a 4 ans à PyeongChang, Théo Gmür admet que la concurrence est beaucoup plus dense. "Le sport est en constante évolution, la concurrence devient de plus en plus féroce. Ce sont désormais de vrais shows de ski. Ca se rapproche de plus en plus aux courses du monde valide. On a franchi une étape dans la bonne direction du sport paralympique. De plus, les médias parlent désormais de performances et non plus de handicap".
"Il faut que les choses changent car ce n'est plus possible"
On l'a compris, sur le plan international, la professionnalisation croît. Le fondeur grison Luca Tavasci en a fait les frais samedi lors du 12,5 km style libre bouclé au 13e rang. L'ingénieur civil, qui travaille à 70% à St-Moritz, a été devancé par des athlètes qui sont au moins tous semi-professionnels.
Pour atteindre ce résultat, Luca Tavasci a pris un congé payé afin de s'entraîner, notamment avec les Italiens et les Allemands dans divers camps. Il vise désormais les Jeux de "Cortina Milano 2026". "Mais il faudra que les choses changent, car financièrement ce n'est plus possible". Il se lancerait bien lui-même à la recherche de sponsors, mais "c'est l'association qui doit faire la plus grande partie du chemin vers le semi-professionnalisme", a déclaré le fondeur de 29 ans à swissparalympic.ch.
Pour Roger Getzmann, chef de mission chez swissparalympic, il n'y a pas d'autres solutions que de "devenir plus professionnel". Dans ce sens, l'armée suisse, via des cours de répétition, peut permettre aux athlètes handisport de franchir un palier.
Ainsi en novembre 2021, Elena Kratter (athlétisme, médaillée de bronze à la longueur aux Paralympiques de Tokyo l'an dernier) et Fabian Recher (handbike) avaient intégré l'école de recrue pour sportifs d'élite, avant d'accomplir annuellement jusqu'à 130 jours de cours de répétition pour s'entraîner et participer à des compétitions. Ces jours de service donnent droit à une allocation pour perte de gain et à la solde. Ils suivront ainsi un entraînement comme des professionnels en vue des Jeux paralympiques de Paris 2024.
Miguel Bao, avec Elodie Crausaz et Eric Jacquin
Robin Cuche: "il y a des choses à revoir"
Robin Cuche a réussi de très bons Jeux paralympiques à Pékin: 11e de la descente, 6e du super-G et 8e du super-combiné. "La 6e place au super-G a fait du bien. De nombreux coaches m'ont dit que si le sport avait été 100% fair-play, j'aurais peut-être pu ramener une médaille à la maison.... Je ne peux pas lutter contre le système".
Et le Neuchâtelois, qui avait aussi pris part aux Jeux paralympiques de Sotchi et de PyeongChang, d'esquisser une proposition de solution: "En ajoutant une catégorie pour mieux diviser les handicaps, on arriverait à plus d'équité. Il y a sûrement des choses à revoir dans le sport paralympique actuellement", conclut diplomatiquement le neveu de Didier Cuche.
Chambaz: "On se pose des questions au niveau du fair-play"
Entraîneur en chef de ski alpin chez les Suisses, le Valaisan Grégory Chambaz n'y va pas par quatre chemins. "La Chine a commencé un programme il y a 4 ans avec une soixantaine d'athlètes en ski alpin. On l'a vu, les Chinois sont quasiment tout le temps devant en ski alpin. On se pose quand même quelques questions au niveau du fair-play. On a de la peine à comprendre comment ils ont obtenu certaines classifications (ndlr: classement en fonction du degré de handicap). Avec les nouvelles technologies et la science, on peut désormais savoir ce qui fonctionne ou non chez un athlète handicapé... Le Comité international paralympique doit se remettre en question. Il s'agit d'avancer pour que le sport soit fair-play. Pour le moment, ça ne bouge pas trop"