Nalani Buob submergée par les émotions pour sa première à Roland-Garros
Une heure à peine après la première médaille d’or ‘’Paris 2024’’ de la Thurgovienne Catherine Debrunner dans un Stade de France affichant pratiquement complet, Nalani Buob (22e mondiale) défie, à une quinzaine de kilomètres de là, à la Porte d’Auteuil, la Néerlandaise Anniek van Koot (3). Les gradins du court no6 sont garnis d’une centaine de personnes.
Du huis clos de Tokyo à la ferveur familiale de la Porte d’Auteuil
A l’applaudimètre, les supporters helvétiques gagnent haut la main face aux Bataves. Très démonstrative, Nalani Buob sourit et invite même ses fans à faire plus de bruit. La gauchère de Baar profite de cet instant ‘’magique’’, à des années lumières du huis clos qu’elle avait connu il y a 3 ans lors des Paralympiques de Tokyo.
A l’issue de la rencontre, Buob est envahie par les émotions. Ses yeux sont embués de larmes. Non pas des larmes de tristesse mais plutôt de celles qui coulent quand elle repense à la bonne vingtaine de Suisses venue l'encourager. Parmi ces fans, ses parents Urs et Cecilia. Et son frère Dario qui a fait le déplacement de Paris pour la voir jouer pour la... première fois! "Sa présence m’a énormément touchée. Il y avait aussi mon amie Nicole que j'avais connue à l'école enfantine. Elle ne m'avait jamais vu jouer non plus et elle a pris congé pour venir à Paris… Ca me rend tellement heureuse".
"Contre la no3 mondiale, je me suis dit 'profite'"
Et la gauchère de 23 ans, qui tape dans la balle depuis l’âge de 10 ans, d’enchaîner: "Entendre scander son nom... Wouaou. J'ai pris tellement de plaisir, même si j'ai eu de la peine contre la Hollandaise, surtout lors du premier set. J'étais très nerveuse. C'était dur’". La défaite est sans appel: 6-2 6-3 en 69 minutes.
Anniek Van Koot a démontré qu’elle n’était pas no3 mondiale par hasard, à l’image de son dernier point, une subtile amortie qui a laissé Buob sans réaction. L’ancienne no1 mondiale, plus précise et relâchée, compte notamment 3 titres du Grand Chelem en simple, 24 en double, sans oublier 5 médailles paralympiques!
Face à ce palmarès, Buob ne partait pas avec la faveur des pronostics. "Quand j'ai vu le tirage, j'ai dit ‘merci’", s’est marrée la gauchère de Baar. "J'y croyais avant le match car j’ai déjà battu à plusieurs reprises des top-10. Mais je me suis surtout dit ‘profite'".
Deux semaines de vacances et puis retour à l’entraînement
Entraîneure de Nalani Buob depuis 4 ans, Eva Stutzki a relevé les quelques beaux points réussis par sa protégée mais a aussi regretté son manque de régularité: "C'est dommage car elle a commis trop de doubles fautes. Contre la no3 mondiale, cela ne pardonne pas… Son adversaire a mieux géré le stress et joué plus vite… ".
Et quand on lui demande quelle est la suite du programme de Buob, son entraîneure dit: "Maintenant, Nalani aura 2 semaines de vacances car ça a été une année d'enfer. Elle a disputé 30 tournois depuis juillet 2023!" Et l’entraîneure nationale en fauteuil de conclure d’un air malicieux: "Mais 2 semaines seulement car après on retourne au travail".
Actuellement 22e mondiale, Nalani Buob a un objectif clair dans sa tête: intégrer le top-14 afin de pouvoir disputer les tournois du Grand Chelem… Et revenir ainsi jouer une deuxième fois à Roland-Garros.
Paris, Miguel Bao
"J’ai gagné en confiance grâce au tennis"
Nalani Buob a commencé à jouer au tennis à l’âge de 10 ans sur conseil de son maître d’école. "Il m’a proposé d’essayer afin que je gagne en autonomie. Et ça a fonctionné! Ca n’a pas toujours été facile à l’école avec mon fauteuil. Grâce au tennis, j’ai gagné en confiance et maintenant je vis de ma passion. Je voyage beaucoup, c’est un métier de rêve".
Un métier qui lui permet d’en vivre mais pas non plus de rouler sur l’or. "J’estime mon budget à 70'000 francs par année. 70'000 environ car je vis chez mes parents étant donné que je suis très souvent en déplacement. Sans cela, je devrais encore ajouter 20'000 francs pour la location d’un appartement".
Et la Zougoise de continuer: "Je ne vis pas des tournois que je dispute car les dotations sont vraiment basses". A titre d’exemple, une victoire en finale à Roland-Garros chez les valides rapporte plus de 2,3 millions d’euros à son vainqueur. En tennis fauteuil, le ou la lauréate touche 60'000 euros. "Ce sont mes sponsors qui me permettent de tourner. Sans eux ce serait impossible".
"En Inde, les enfants handicapés sont cachés, pas intégrés"
De père suisse et de mère indienne, Nalani Buob a conservé des liens très étroits avec son pays d’origine. A tel point qu’elle essaie de se rendre chaque année en Inde et s’engage pour une fondation – the first serve - qui soutient des enfants handicapés.
"Le but est simplement qu'ils prennent du plaisir en jouant au tennis et qu’ils gagnent en autonomie. En Inde, ces enfants sont cachés, ne sont pas intégrés. Ceci peut expliquer leur manque de confiance. J'ai aussi vécu cette situation. C'est pour ça que je leur dis qu'ils peuvent faire comme tout le monde".