Sofia Gonzalez était rentrée de Tokyo avec un large sourire et plein d'étoiles dans les yeux. La Vaudoise de 23 ans, qui a commencé l'athlétisme à l'âge de 15 ans, avait ramené deux diplômes et deux records personnels (7e du 100m et 8e de la longueur). "Je n'oublierai jamais ces moments. C'était une sorte d'apothéose... Après Tokyo, il y avait forcément Paris dans ma tête", nous a-t-elle confié à Vevey lors d'une journée ensoleillée de la mi-août.
Sa déception de ne pas être du voyage à Paris est perceptible. "Le coup a été très dur. Il a fallu l'accepter parce que sinon on n'avance pas. Pour y arriver, je consulte une psychologue. Ca aide d'en parler. Le mot-clé pour moi est de continuer à me battre", raconte l'athlète qui porte une prothèse à la jambe droite.
Blessée à une hanche au mois de mai, Sofia Gonzalez l'est aussi au niveau mental depuis un peu plus d'une année: "C'est très difficile d'en parler. C'est une blessure qui est cachée, que le public ne voit pas. D'autant plus que je suis une personne de nature très souriante. Malheureusement, j'ai caché cette blessure".
Ca a été un choc pour moi... Je n'ai pas su gérer
"En tant qu'athlète, des fois on gagne, des fois on perd. Parfois aussi on a des problèmes dans la vie, comme tout le monde. On est humain. Ma non-qualification pour les Mondiaux de Paris l'année passée m'a fait très mal. Je n'ai pas su gérer tout ça. Ca peut arriver qu'il y ait un surplus d'émotions ou de stress. Voilà pourquoi j'ai demandé de l'aide. Il y a plus d'un an, j'avais eu une crise d'angoisse avant une compétition. J'avais dû être transportée à la tente des médecins. C'était un choc pour moi. En février, j'ai disputé une compétition à Dubaï, mais j'ai senti que ça n'allait pas", nous confie Sofia Gonzalez, qui a décroché en juin à Londres un Bachelor en médias, communication et sociologie.
Longtemps considérés comme des super héros, sans failles, les sportifs d'élite évoquent de plus en plus leurs phases de doutes, d'angoisses ou de dépressions, à l'image de la gymnaste Simone Biles, du joueur de tennis Nick Kyrgios ou encore du sprinter Noah Lyles. "Avant, on ne savait même pas ce que c'était la santé mentale. Elle est aussi importante, si ce n'est plus, que la performance physique. Le fait que Noah Lyles ait osé parler publiquement de sa dépression fait avancer la cause. C'est très important d'en parler et de chercher de l'aide si besoin, développe celle qui avait été la Messagère de la Fête des Vignerons à Vevey en 2019. ‘C’est aussi la raison pour laquelle j’ai accepté cette interview’’.
Détox digitale
Depuis qu'elle traverse cette phase de doutes, Sofia Gonzalez n'a plus publié le moindre contenu sur les réseaux sociaux. "J'ai dû arrêter parce que pour moi c'était devenu très toxique. J'avais besoin de faire une détox, une pause. Les réseaux sociaux sont très importants pour les athlètes car c'est un moyen de communiquer, mais dans mon cas ça a déclenché du stress et de l'anxiété. Certaines personnes ne comprennent pas pourquoi je ne publie plus rien sur mon compte Instagram. Elles en connaissent la raison désormais".
Paris 2024 ce n'était pas pour moi, peut-être que Los Angeles 2028 le sera
Et l'athlète de 23 ans de conclure: "Je ne sais pas quand ma blessure mentale sera totalement soignée. Mais j'espère bientôt. Là, ça va mieux grâce aux soutiens des médecins, de la famille, de la fédération et à la compréhension de mes sponsors... Je suis encore jeune, j'ai encore des rêves et des objectifs. Je sais que je n'ai pas encore montré tout ce que j'avais à montrer... Paris 2024 ce n'était pas pour moi, peut-être que Los Angeles 2028 le sera".
Miguel Bao