Correspondant de la RTS et d'autres chaînes francophones, Georges Baumgartner vit au Pays du soleil-levant depuis 1982. Le 23 juillet, il a pris du plaisir à commenter la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques aux côtés de David Lemos. Hier mardi, dès 20h00 heure japonaise, le journaliste jurassien de 69 ans n'a cette fois pas commenté la cérémonie des Jeux paralympiques, mais cela ne l'a pas empêché de la regarder chez lui. "Elle était très originale et émouvante".
Joint au bout du fil, Georges Baumgartner a évoqué pour nous la situation sanitaire au Japon, qui a prolongé l'état d'urgence à Tokyo et dans d'autres régions jusqu'au 12 septembre. L'archipel connaît depuis fin juin sa 5e et pire vague de coronavirus à ce jour. "Les Japonais sont très discplinés. Ils portent le masque et respectent les mesures de distanciation sociale, même si en ce moment il y a une certaine lassitude qui s'installe... Les Japonais voient aussi que le gouvernement est totalement incompétent dans la gestion de la crise sanitaire".
Discipliné mais lassé
"L'état d'urgence concerne près de 60% de la population de l'archipel... Il prie la population d'éviter les déplacements non essentiels et demande aux bars et restaurants de fermer à 19h00. Cela ne va pas au-delà de ça parce que le gouvernement n'a aucun pouvoir pour imposer des confinements stricts comme en Europe. C'est un héritage du régime militariste de la seconde guerre mondiale. A la fin de la guerre, les Américains avaient imposé au Japon une Constitution pacifiste qui limite les pouvoirs de l'Etat".
Selon un rapport de l'Institut Dai-ichi life research, la prolongation de l'état d'urgence représente, sur le plan économique du pays, une perte totale d'environ 10 milliards de francs. Cet état d'urgence pourrait provoquer la perte de 66'000 emplois.
De 4'000 à 25'000 cas en 5 semaines
Les cas positifs au Covid-19 atteignent des sommets. "Les contaminations dues au variant delta sont passées au Japon de quelque 4'000 cas par jour le 17 juillet à 25'000 par jour en ce moment. Le nombre des malades graves représente environ 1800 personnes. C'est un record qui pèse sur les hôpitaux publics, qui sont les seuls à prendre en charge les patients malades du Covid-19.", indique Georges Baumgartner.
Le hic est que... 80% des établissements hospitaliers sont privés. "Et ces hôpitaux privés refusent d'accepter des patients 'Covid'. La situation est telle que le Premier Ministre Yoshihide Suga appelle les établissements hospitaliers à ne traiter que les cas graves et à établir des stations d'oxygènes dans différents points de la capitale pour les patients qui en ont besoin à domicile. Cela suscite beaucoup de critiques de la part de la population... Il y a quelques jours une ambulance transportant un cas grave a demandé à 120 hôpitaux de Tokyo de pouvoir accepter ce patient".
Retard et méfiance
Pour ce qui est de la campagne de vaccination, elle a accéléré ces dernières semaines. Désormais 40% (selon des chiffres de l'OMS) de la population japonaise est totalement vaccinée à ce jour. Ce taux est le plus bas parmi les pays industrialisés du G7. A titre de comparaison, en Suisse 51% de la population a eu ses 2 doses.
"La campagne de vaccination au Japon a commencé près de 4 mois après l'Europe et les Etats-Unis... Elle a délibérément été retardée par le Ministère japonais de la santé car il y a une méfiance ancienne envers les vaccins. Dans les années 70 et 80, il y a eu des problèmes avec des vaccins. Des personnes étaient décédées et des procès avaient été intentés contre le Ministère de la santé. Cette peur de nouvelles actions en justice a retardé la venue des vaccins Moderna ou Pfizer au Japon".
Cette campagne est de plus très mal organisée au niveau de l'état central, qui assure la distribution des vaccins à travers tout le pays... "Certains vaccins sont partis dans des îles quasiment inhabitées, d'autres municipalités ont reçu trop de vaccins par rapport à leur population..., relève Georges Baumgartner. Le Japon ne sait pas gérer des situations de crise au niveau du gouvernement central". Cela avait déjà été le cas, selon le journaliste, lors du séisme de Kobe en 1995 ou encore lors de l'accident nucléaire de Fukushima.
Les Japonais adorent le sport
Les Jeux olympiques et paralympiques auraient-ils dû se tenir compte tenu de la situation sanitaire? Pour Georges Baumgartner, le Japon aurait pu les annuler mais "les Jeux ont été maintenus pour des raisons de fierté nationale et du fait aussi que dans 6 mois la Chine organisera les Jeux d'hiver à Pékin. Pour faire avaler la pilule aux 80% des Japonais qui à un moment n'en voulaient pas, le gouvernement a instauré le huis clos et la bulle sanitaire".
Payer des milliards (officiellement 15, plutôt 30 milliards selon un audit du gouvernement) pour organiser des Jeux et ne pas pouvoir en profiter pour la population, rien de plus frustrant. "Ca l'est d'autant plus que les Japonais adorent le sport. Il y a 2 ans, le Japon avait organisé la Coupe du monde de rugby, un sport peu populaire ici. Malgré cela, le succès avait été extraordinaire", conclut Georges Baumgartner.
Tokyo, Miguel Bao
Jeux paralympiques de Tokyo: jour 1
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