Modifié

"La vie ne peut pas dépendre d'une médaille"

Sergei Aschwanden dirige le centre des sports de Villars-sur-Ollon. [F.Galaud]
Sergei Aschwanden dirige le centre des sports de Villars-sur-Ollon. - [F.Galaud]
Ils ont porté haut les couleurs de la Suisse que ce soit dans des Jeux olympiques ou des Mondiaux. Aujourd’hui retirés du haut niveau, ces anciens champions ont parfois complètement changé d’orientation ou pour d’autres gardé un lien avec le sport. Sergei Aschwanden, lui, concilie les deux. RTSsport l’a rencontré à Villars où il dirige le centre des sports.
Sergei Aschwanden évoque son après-carrière
Sergei Aschwanden évoque son après-carrière / RTS Sport / 3 min. / le 29 juin 2020

"Je me sens comme un poisson dans l’eau. Au propre comme au figuré", se marre l'ancien judoka. Il y a 12 ans, le Vaudois mettait un terme à sa prestigieuse carrière trois mois après avoir gagné la médaille de bronze aux JO de Pékin. "J’ai eu la chance de participer à trois Jeux olympiques et de finir ma carrière avec une médaille. C’était donc facile de dire stop et de passer à autre chose. J’ai vraiment pu prendre ma décision seul, en étant au sommet de ma carrière."

Retourner sur les bancs universitaires, cela a été compliqué

Sergei Aschwanden

Pourtant, lorsqu’il foulait sur les tatamis, le Vaudois n’avait pas vraiment la tête tournée vers l’après. "Il faut comprendre que j’ai fait mon gymnase en cinq ans au lieu de trois. Je n’avais pas forcément envie de penser à l’après. Mais j’ai eu la chance d’avoir un entourage très sensible à cette thématique et qui m’a répété au quotidien qu’il fallait y penser. Plus j’avançais dans le fil de ma carrière, plus je commençais à préparer de petites choses pour le moment où ma carrière serait terminée."

Ces petites choses se sont notamment traduites par un retour sur les bancs universitaires. "J’ai toujours voulu reprendre des études car je ne voulais pas forcément rester dans le monde du judo. Je voulais avoir une certaine indépendance et autonomie. Ça a été compliqué, il a fallu retourner sur les bancs d’école, il a fallu se battre, cela n’a pas été évident."

Il y a un manque de reconnaissance des sportifs d'élite

Sergei Aschwanden

Si la transition s’est faite en douceur, une certaine amertume lui reste en travers de la gorge lorsqu’il évoque le manque de reconnaissance des sportifs d’élite en Suisse. "Elle est souvent sous-estimée voir dénigrée. Les compétences que l’on acquiert durant une carrière ne sont pas valorisées et c’est bien dommage. J’ai eu la chance de terminer sur une note positive donc c’était plus facile pour moi de toquer aux portes et de faire des demandes. Mais il y a une chose qui ne change pas. Avec ou sans médaille, il faut se bouger, supplier, prier, jusqu’à ce que l’on nous accorde un semi oui. Et après, il faut encore convaincre."

De son passé de judoka, ne restent que les souvenirs et les cicatrices physiques liées aux blessures. Sa médaille de bronze? Dans un carton chez ses parents. Chez lui? Un unique poster offert par ses parents où on le voit porter le drapeau suisse lors de la cérémonie de clôture. "C’était une étape de ma vie et je n’ai pas forcément envie de regarder derrière mais plutôt devant, même si j’en suis très content et fier."

Je rêve que je n’ai pas de médaille et je me réveille et je me dis: je l’ai"

Sergei Aschwanden

La page est certes tournée mais une question ne cesse de le tourmenter. "Est-ce que j’aurais eu la même sérénité si je n’avais pas eu ce goût de métal? Je ne pense pas et cela m’inquiète pour ceux qui ne réussissent pas car on ne peut pas faire en sorte que votre vie dépende d’un bout de métal qu’on vous met autour du cou."

Aujourd’hui encore, le judo revient hanter ses pensées la nuit. "Quand j’étais athlète, je rêvais souvent que j’avais une médaille et je me réveillais en constatant que ce n’était pas le cas. Aujourd’hui, je rêve que je n’ai pas de médaille et je me réveille et je me dis: je l’ai".

Villars-sur-Ollon, Floriane Galaud @FlorianeGalaud

Publié Modifié

Sergei Aschwanden: "Le judo a une vocation éducative"

Mi-juin, Sergei Aschwanden a été élu président de la Fédération suisse de judo et de ju-jitsu. Son objectif sera notamment de repopulariser son sport. "C’est mon coeur qui a décidé de s’engager là-dedans. J'ai vu cette fédération évoluer et à titre personnel, certaines choses ne me plaisent pas du tout. J’estime pouvoir aider cette fédération pour faire en sorte que ce sport évolue. Je pense qu'il y a un gros travail pour aller chercher des membres. En terme de performances sportives, il serait bon d'avoir des champions de manière régulière. On est trop sur des exploits réalisés par des athlètes qui se sont entraînés un peu dans leur coin. Le judo a une vocation éducative. Je pense important d'essayer de l'instaurer dans les écoles. C'est sur cette base-là qu'il faut essayer de le développer".