Six succès en sept Grand Prix, une performance que seules deux
légendes, Jim Clark et Michael Schumacher, ont réussie avant lui:
Jenson Button (Brawn GP), vainqueur dimanche à Istanbul, plane sur
la formule 1 parce qu'il dispose du meilleur "package".
Le "package", ou une somme de facteurs gagnants, que détaillait le
double champion du monde Fernando Alonso (Renault) début mai à
Barcelone: "l'équipe, la voiture, le pilote, les ingénieurs, et
de la chance".
La monoplace constitue l'élément essentiel du puzzle. En F1, la
machine fait souvent le pilote. La preuve avec Alonso, reconnu
comme le plus grand talent du plateau, mais qui se traîne dans une
Renault défaillante cette saison. L'Espagnol dressait d'ailleurs un
portrait aussi élogieux qu'envieux de la Brawn GP jeudi
dernier.
Button et son coéquipier Rubens Barrichello "ont la meilleure
voiture, il n'y a pas de doute", expliquait-il. "Elle est
très bonne au niveau aérodynamique, mécanique. Ils ont une bonne
adhérence pour attaquer les courbes."
Une voiture "scandaleuse"
Dimanche, Button a fait une démonstration au volant d'une
voiture qu'il a qualifiée de "scandaleuse", c'est-à-dire
scandaleusement performante. En début d'épreuve, il a "tourné" une
demi-seconde plus vite au tour que la Red Bull de Sebastian Vettel,
considérée comme la deuxième meilleure monoplace, alors que celle
ci était moins chargée en essence.
"C'est la première course où la voiture a été absolument
parfaite pour moi. Nous avions déjà de bons rythmes aux GP
précédents. Mais les voitures étaient quand même compliquées à
conduire. Celle-ci était immense." Conçue par les ingénieurs
de Honda F1 - dont est issue l'écurie Brawn GP -, qui avaient
sacrifié le Championnat 2008 pour préparer au mieux 2009, la BGP001
(modèle 2009) a bénéficié d'un semestre de développement
supplémentaire par rapport aux Ferrari et McLaren Mercedes. Le
résultat est éloquent.
Neuf points de marqués avant cette saison!
L'équipe britannique, en péril après le retrait du constructeur
japonais puis rachetée in extremis par l'ancien directeur technique
de Honda F1, Ross Brawn, ressort également plus soudée de ces
déboires. Reste le facteur pilote. Le Britannique, grand espoir
déchu de la formule 1, a surgi, à la surprise générale, du néant
sportif - il n'avait marqué que six points en 2007 et trois en 2008
-, pour assommer la concurrence.
La presse de son pays, après l'avoir tant raillé, ne sait quoi en
penser. "Jenson n'était pas un mauvais pilote sous prétexte
qu'il se battait pour les dernières places l'an passé. Il a
toujours été compétitif. Cette année, il a finalement la bonne
voiture. Il montre qu'il sait se battre pour la victoire et le
Championnat", tranche Fernando Alonso.
Le tout est agrémenté d'un zest de chance, comme en Australie, le
29 mars, où ses deux poursuivants, Vettel et Kubica, en passe de le
rattraper, s'étaient accrochés à cinq tours de la fin. Button n'a
pas seulement le package. Il a aussi la baraka. Cela promet pour la
suite.
si/ggol
Tribunes désertes à Istanbul
Infrastructures grandioses mais tribunes désertes... le Grand Prix de Turquie, qui en cinq ans n'a jamais trouvé son public, symbolise l'échec sportif de Bernie Ecclestone, le tout puissant argentier de la F1, en quête perpétuelle de nouveaux marchés.
Dimanche, à peine 32'000 spectateurs ont garni les gradins de l'Istanbul Park alors que la capacité du site est de 130'000 places. On était bien loin de la centaine de milliers d'aficionados présents en mai au Grand Prix d'Espagne à Barcelone. La ferveur semblait absente, comme l'a relevé Mark Webber, deuxième derrière Jenson Button.
"Je suis impatient d'être à Silverstone (où se déroulera le 21 juin le Grand Prix de Grande Bretagne) parce que (...) l'ambiance y est superbe, au contraire d'ici. Il n'y avait personne. Nous autres pilotes aimons courir devant du monde", s'est emporté l'Australien.
"La crise financière nous a fait du mal", estimait un cadre du Grand Prix dimanche soir. Visuellement, le décalage entre la taille des infrastructures et le faible public paraissait impressionnant. Les tribunes aux sièges multicolores étaient clairsemées. L'une d'entre elle était même pudiquement recouverte d'une bâche verte, censée l'effacer du paysage.
L'échec du Grand Prix de Turquie peut surprendre. Organiser une course dans un pays de 70 millions d'habitants, à une quarantaine de kilomètres d'une ville mondialement connue de 13 millions d'habitants, Méditerranéens et comme tels amateurs d'automobile, semblait un gage de réussite. Il n'en a rien été.
Au-delà même de l'intérêt du public turc pour la F1, spectacle relativement monotone pour qui n'est pas expert, davantage encore des bords de pistes, où les informations ne sont pas communiquées au public comme elles le sont aux téléspectateurs, se pose la question de son prix. Dimanche, un adulte devait régler entre 500 et 700 livres turques (entre 240 et 335 euros) pour s'asseoir dans la tribune des stands. Les billets les moins onéreux, sans accès aux écrans géants, ce qui ne permet pas de comprendre la course, étaient facturés 90 livres turques (43 euros).