Nick Heidfeld (5e du Mondial 2007), Felipe Massa (vice-champion du monde 2008), Kimi Raikkonen (champion du
monde 2007) et le septuple champion du monde Michael Schumacher ont tous un point en commun: Peter Sauber!
Le Zurichois de 68 ans leur a tous servi de rampe de lancement dans le monde de la F1 à bord d'une monoplace estam pillée "Sauber", à l'exception de Schumi. L'Allemand, alors sous contrat avec Sauber dans une équipe junior-Mercedes, avait été prêté l'espace du Grand Prix de Belgique 1991, chez Jordan. La suite, tout le monde la connaît.
Découvreur de talents, Peter Sauber a évoqué pour tsport.ch sur le circuit de Spa en août dernier, sa motivation, toujours intacte, et sa philosophie.
"C'est devenu beaucoup plus complexe"
tsrsport.ch: Votre écurie a disputé son 1er Grand Prix de F1 en 1993, en Afrique du Sud. Que retenez-vous de toutes ces années passées?
PETER SAUBER:
Ces 20 dernières années, la Formule 1 a beaucoup changé. Mais il n'y a pas que la F1 qui a changé. De manière générale, le monde a énormément évolué.
Une écurie ne se compose plus de 65 personnes mais plutôt de 300... La transformation la plus impressionnante réside dans le domaine des développements techniques. Les monoplaces sont devenues beaucoup plus complexes et chères qu'à l'époque.
tsrsport.ch: A titre de comparaison, c'est comme si dans les années 90, les pilotes roulaient en "2 chevaux" et qu'aujour d'hui ils sont à bord d'une Ferrari?
PETER SAUBER: Pour imager l'évolution qui a eu lieu ces 20 dernières années, on pourrait mettre en parallèle la deux chevaux de l'époque avec désormais une Golf GTI. L'électronique occupe une énorme part dans la F1 de nos jours.
"Sans passion, impossible de tenir le rythme"
tsrsport.ch: Qu'est-ce qui vous motive toujours autant à être en Formule 1?
PETER SAUBER:
Personnellement, la passion que je voue à la F1 contribue à rester motivé de manière naturelle. Il y a bien entendu des phases plus difficiles que d'autres mais la motivation est toujours là. Sans elle, ce serait impossible de tenir le rythme.
tsrsport.ch: Sauber n'a gagné qu'un Grand Prix en F1. C'était en 2008 à Montréal et l'écurie appartenait alors à BMW. Cela ne devient-il pas lassant de disputer des courses en sachant que la probabilité de gagner est infime?
PETER SAUBER: La pression du résultat est là, comme dans tous les métiers, en fin de compte. Ce n'est pas toujours agréable mais l'idée est d'avancer, de progresser pour tenter de s'approcher des meilleurs.
Deuxième des constructeurs en 2007
tsrsport.ch: Quel rôle a joué et va jouer votre écurie ces prochaines années?
PETER SAUBER:
Nous avons toujours visé le milieu du classement. Avec BMW, nous avions atteint les 2e (en 2007) et 3e (en 2008) places au classement des constructeurs. C'était très bien. Avant la collaboration avec BMW, nous
avions fini 4e en 2001 avec 2 jeunes pilotes, Nick Heidfeld et Kimi Raikkonen. Nous avions atteint le maximum de nos possibilités.
Aujourd'hui, nous devons essayer de nous rapprocher des meilleurs.
En ce moment, c'est très difficile car il y a un fossé toujours plus important entre les meilleures écuries et les viennent-ensuite.
tsrsport.ch: En fait, votre rôle ne se limite t-il pas à donner la chance à des jeunes pilotes, comme vous l'avez fait avec Heidfeld, Raikkonen, Massa...?
"Impossible de se payer la crème des pilotes"
PETER SAUBER: Ce n'est pas mon intention première. Le passage de Kimi Raikkonen, en 2001 chez nous, avait été un tremplin pour le Finlandais (ndlr:champion du monde en 2007 avec Ferrari). (suite) Cela avait aussi été le cas pour Felipe Massa (de 2002 à 2005 chez Sauber avant de partir chez Ferrari).
La réalité est que les pilotes de premier ordre veulent évoluer au sein d'écuries capables de gagner. Difficile dans ces conditions pour une équipe de milieu de classement d'attirer les meilleurs. Financièrement, cela est, en outre, impossible de se payer la crème des pilotes.
"Je ne vois pas de bon jeune pilote suisse, au point de l'engager"
tsrsport.ch: D'où la nécessité de travailler avec des "rookies"?
PETER SAUBER: Oui, avec le risque que cela comporte. Au début, les erreurs de jeunesse peuvent être fréquentes.
tsrsport.ch:
Sébastien Buemi n'est pas certain d'obtenir un baquet en 2012. De manière générale, peut-on envisager le rêve de voir un pilote suisse chez Sauber à l'avenir (ndlr: Kobayashi et Perez ont été confirmés chez Sauber en 2012)?
PETER SAUBER: Il faut être très prudent avec les rêves car ils n'ont pas leur place en F1. Le but n'est pas de pro- pulser le plus vite possible et coûte que coûte un pilote suisse chez nous. L'idée est de trouver un bon pilote. Pour le moment, je ne vois pas de bon jeune pilote suisse, au point de devoir l'engager absolument chez nous.
tsrsport.ch: Sergio Perez est arrivé cette saison chez Sauber avec plusieurs sponsors venus du Mexique. Est-ce à dire que sans son apport financier, Sauber aurait été en difficulté?
PETER SAUBER: C'est extrêmement compliqué de tenir en Formule 1 sans sponsor. Perez n'a amené aucun sponsor. C'est Telmex qui voulait "travailler" avec lui en Formule 1. Cette entreprise de télécommunications mexicaine savait que nous travaillions avec des jeunes pilotes. Sergio Perez n'est pas venu avec de l'argent mais c'est Telmex qui lui a trouvé un baquet.
propos recueillis par Miguel Bao
Interview réalisée avant le Grand Prix de Belgique, fin août
"J'avais laissé parler mon coeur, à aucun moment ma tête"
tsrsport.ch: Pourquoi avoir vendu votre écurie en 2006, à BMW?
PETER SAUBER: J'avais alors 63 ans et j'étais prêt à prendre mes distances. En fait, BMW n'était plus satisfait avec l'équipe qu'elle "motorisait" (ndlr: Williams). J'ai senti de l'intérêt envers notre écurie. Et puis voilà.
On m'a souvent demandé si cette vente ne m'avait pas fendu le coeur. Ce n'était pas évident mais le fait que l'écurie passe entre de bonnes mains et que le site de Hinwil (ndlr: où se situe notamment la soufflerie) soit maintenu m'ont conforté dans la décision. C'était une bonne solution car financièrement et techniquement l'écurie avait une bonne assise.
PRENDRE DU RECUL EN 2013
tsrsport.ch: Entre temps, la crise économique est passée par là et BMW a vendu l'écurie en 2009. Et vous avez racheté votre "bébé"! Pourquoi?
PETER SAUBER: BMW n'avait pas trouvé de repreneur. Quand j'y repense, c'était une décision irresponsable car le risque économique était beaucoup trop grand. J'avais laissé parler mon coeur, à aucun moment ma tête. Je ne voulais pas que le savoir-faire à Hinwil disparaisse.
tsrsport.ch: Peter Sauber, vous avez 68 ans. Pensez-vous à la retraite?
PETER SAUBER: A 70 ans, j'aimerais ne plus être autant sur le devant de la scène. Je ne me fais aucun souci pour la suite car Monisha Kaltenborg (ndlr: CEO) gère de manière quotidienne déjà très bien l'écurie.
CLASSEMENTS (13.11)
Pilotes (18/19):
1. VETTEL 374 pts
2. Button 255
3. Alonso 245
4. Webber 233
5. Hamilton 227
6. Massa 108
7. Rosberg 83
8. Schumacher 76
9. Petrov 36
10. Heidfeld 34
12. Kobayashi 28
15. Buemi 15
Constructeurs:
1. RED BULL 607 pts
2. McLaren 482
3. Ferrari 353
4. Mercedes GP 159
5. Lotus-Renault 72
6. Force India 57
7. Sauber 42
8. Toro Rosso 41
9. Williams F1 5