Modifié

Didier Cuche: "Lara Gut-Behrami sera très difficile à aller chercher"

Didier Cuche avec Lara Gut-Behrami lors des Mondiaux de Val d'Isère en 2009. [Jean-Christophe Bott]
Didier Cuche avec Lara Gut-Behrami lors des Mondiaux de Val d'Isère en 2009. - [Jean-Christophe Bott]
Les Mondiaux de ski de Cortina s'ouvrent lundi avec le combiné dames (RTS 2, 10h40). Des Mondiaux qui, coronavirus oblige, se dérouleront à huis clos. Avec 38 podiums depuis le début de la saison, les Suisses ont de fortes chances de briller dans la station des Dolomites. Didier Cuche, champion du monde de super-G en 2009, évoque trois grands espoirs de médailles helvétiques.

A Are, lors des derniers Mondiaux en 2019, les Suisses avaient récolté 4 médailles, dont 2 titres. Cette année, à Cortina, le bilan pourrait être plus prolifique."Je pense qu'ils peuvent faire mieux qu'à Are, confirme Didier Cuche. Le potentiel est là dans chaque discipline chez les hommes et chez les femmes." Lara Gut-Behrami, Michelle Gisin, Corinne Suter, Beat Feuz, Marco Odermatt... Les atouts ne manquent en effet pas dans le camp helvétique.

RTSsport.ch: Beat Feuz est une des plus grandes chances de médailles pour la Suisse. En faites-vous votre favori pour la descente?

DIDIER CUCHE: C'est toujours difficile de dire qui est favori ou pas car les Mondiaux et les Jeux olympiques sont soumis à des lois spéciales. Jusqu'à Kitzbühel, Beat Feuz n'était pas forcément autant performant que l'année passée au niveau régularité, même s'il était toujours bien placé. Je ne connais pas bien la piste, mais avec la confiance qu'il a accumulée avec ses 2 victoires à Kitzbühel, c'est sûr qu'il fait partie de ceux sur lesquels il faut compter. Je pense que l'or va se jouer entre lui et l'Autrichien Matthias Mayer.

Beat Feuz, une valeur sûre pour la Suisse. [KEYSTONE - Johann Groder]
Beat Feuz, une valeur sûre pour la Suisse. [KEYSTONE - Johann Groder]

RTSsport.ch: Les hommes n'ont pas pu encore skier sur la piste "Vertigine" où se déroulera la descente. Est-ce que cela joue un rôle pour la course?

DIDIER CUCHE: Cela peut redistribuer un peu les cartes. Les outsiders peuvent peut-être tirer un avantage du fait que les favoris, par rapport à la Coupe du monde, n'ont pas autant d'expérience sur une piste qui est nouvelle pour tout le monde.

RTSsport.ch: Comment aborde-t-on une course sur une piste qu'on ne connaît pas ou peu?

DIDIER CUCHE: Les entraînements sont vraiment primordiaux. Déjà lors de la reconnaissance, avant le premier passage, il faut déchiffrer les clés de certains passages, repérer où il faut skier tactiquement et intelligemment pour prendre de la vitesse. Ensuite, il faut réussir à appliquer dès le premier entraînement un ski où on se sent à l'aise. C'est très important. Si on est déjà complètement à l'envers au premier entraînement, c'est difficile d'inverser la tendance.

Marco Odermatt me paraît déjà fort dans la tête

Didier Cuche

RTSsport.ch: Un autre espoir de médaille pour la Suisse est Marco Odermatt. Comment jugez-vous sa progression?

DIDIER CUCHE: Il est talentueux, c'est indéniable. Il l'a prouvé récemment au super-G à Kitzbühel (réd: interview réalisée avant le podium d'Odermatt à Garmisch), mais aussi toute la saison en géant. Il va encore signer quelques belles surprises et pourquoi pas aux Mondiaux. Il me paraît déjà fort dans la tête, pas complexé par son jeune âge. Il rivalise déjà avec les meilleurs. Quand tout roule aussi bien que cela, les choses deviennent plus faciles. Mais encore une fois, aux Mondiaux, les cartes sont un peu redistribuées. Il y a beaucoup d'outsiders, qui vont prendre plus de risques qu'en Coupe du monde et qui vont tenter un coup de poker.

RTSsport.ch: Chez les dames, on attend beaucoup de Lara Gut-Behrami, qui est revenue à son plus haut niveau. Comment analysez-vous ses derniers succès?

DIDIER CUCHE: Son potentiel a toujours été là. Là, elle s'est retrouvée. Je ne sais pas quel travail elle a fait pour skier à nouveau avec une telle confiance et une telle prise de risque. C'est un tout. C'est la personnalité, la technique, l'entourage, le fait de se sentir à l'aise sur les skis. J'ai vu 3 de ses 4 derniers succès en super-G. J'ai trouvé impressionnant son engagement, sa prise de risques et la sécurité qu'elle dégage. On n'a pas l'impression qu'elle est à la limite. Elle va super vite. C'est un magnifique retour au plus haut niveau. C'est vrai qu'avec 4 victoires consécutives en super-G, elle est la favorite.

Didier Cuche champion du monde de Super-G à Val d'Isère en 2009 avec les commentaires originaux de Fabrice Jaton et les larmes de William Besse
Didier Cuche champion du monde de Super-G à Val d'Isère en 2009 avec les commentaires originaux de Fabrice Jaton et les larmes de William Besse / Sport en vidéos / 2 min. / le 14 mars 2011

RTSsport.ch: Il ne lui manque plus que l'or aux Mondiaux et aux JO. Vous étiez dans la même situation qu'elle en 2009 quand vous avez décroché l'or en super-G. Comment gérer cette pression?

DIDIER CUCHE: Il ne faut pas douter de soi-même et rester dans le moment présent. Il ne faut pas se dire: "est-ce que je vais réussir à répéter cela? Est-ce que je ne vais pas être relâché comme d'habitude?" Ce sont les Mondiaux, les surprises peuvent arriver, mais là, avec la manière dont elle skie, Lara Gut-Behrami sera très difficile à aller chercher. Elle peut aussi être sa seule adversaire. Mais avec la confiance qu'elle a, je l'imagine mal perdre ses moyens.

RTSsport.ch: Une course de Championnat de monde est-elle vraiment différente ou est-ce une course comme les autres?

DIDIER CUCHE: Il faudrait l'aborder comme les autres! Certains y arrivent, d'autres moins. Est-ce que le fait qu'il y ait moins de public, moins d'événements autour des courses et moins de médias va changer la donne? C'est possible. La course en soi reste une course comme en Coupe du monde. Mais il faut réussir à gérer tout ce qu'il y a avant, comme les interviews. Prenons Beat Feuz. C'est énorme ce qu'il doit gérer en dehors de ses 2 minutes de course, s'il répond à toutes les sollicitations.

Il faut se protéger et ne pas s'exposer à une pression inutile

Didier Cuche

RTSsport.ch: Que faut-il faire alors avant la course?

DIDIER CUCHE: Il faut réussir à ne pas se perdre, à ne pas trop gaspiller d'énergie et à ne pas trop gamberger dans la tête avec des déclarations. C'est sûr qu'un athlète ne va pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tuée. Il va tenir ce fameux discours que les journalistes n'aiment pas, le discours langue de bois, qui permet de se protéger et de ne pas s'exposer à une pression inutile. Ou alors il accepte son rôle de favori, en disant "oui, je vais aller chercher cette médaille". C'est psychologiquement difficile d'aborder ce genre de choses. Beat Feuz va entendre une centaine de fois "vous êtes favori, vous allez gagner". Mais cela, c'est écrit dans les étoiles, personne ne le sait. Il va peut-être tenir un discours langue de bois qui n'est pas forcément sympathique à entendre, mais c'est ce qu'un athlète doit faire pour ne pas se mettre une pression inutile.

RTSsport.ch: Vous avez gagné un titre mondial, mais aussi des globes. Quelle est l'importance d'une médaille d'or mondiale par rapport à un globe?

DIDIER CUCHE: Le globe comme le titre de champion du monde a son importance émotionnelle. Au niveau du ski, aux Mondiaux, c'est la course d'un jour, ça passe ou pas. Moi je suis souvent passé à côté donc c'est pour cela que j'ai vraiment savouré ce titre de champion du monde de super-G en 2009. C'était à Val d'Isère, sur la Bellevarde, une piste très exigeante, très raide et très verglacée. C'était un super-G très technique et parfois tactique. En remportant la course, j'ai eu une sensation d'accomplissement plus par rapport à moi-même qu'au fait de gagner une médaille. La cerise sur le gâteau était que cela soit les Mondiaux et que j'aie enfin une médaille d'or qui m'a si souvent fui!

Propos recueillis par Jennifer Ballmer - @jenni_ballmer

Publié Modifié

Des Mondiaux à huis clos

Comme depuis le début de la saison, les Mondiaux vont se dérouler sans spectateurs. "Les skieurs se sont habitués à cette situation de huis clos, mais cela perd tout son charme. Il manque le côté festif, le côté émotionnel", regrette Didier Cuche.

"Il n'y a pas la fierté de pouvoir se présenter en spectacle pendant 2 minutes et de partager à la fin avec le public. Je pense à Beat Feuz, qui réalise un doublé à Kitzbühel devant personne alors que normalement il y a au moins 50'000 spectateurs. Je lui souhaite de gagner encore une fois dans les années qui viennent devant du public pour savourer ce moment-là. C'est vrai que cela doit faire vraiment bizarre de courir sans public, mais c'est un mal pour un bien pour arriver à organiser des événements."

Une image avec Svindal gravée dans sa mémoire

Outre son titre mondial en super-G en 2009, Didier Cuche a également conquis 2 fois l'argent en descente (2009 et 2011) et le bronze en géant (2007). Cette médaille de bronze obtenue à Are reste un très beau souvenir pour le Neuchâtelois.

"Je suis passé à 0"01 de la médaille en super-G et à 0"04 en descente, alors que j'étais dans les favoris. Finalement, je vais chercher une médaille de bronze en géant que je n'attendais pas du tout car je faisais une bonne saison mais pas spectaculaire. J'ai une image qui me reste en tête, une image un peu émotive d'une accolade avec Aksel Lund Svindal, qui avait gagné l'or. Moi qui fais 30 cm de moins que lui, j'ai mon épaule contre son torse. C'est une belle photo, un bon souvenir!"

Didier Cuche avec sa médaille de bronze en 2007 à Are. [freshfocus - Jerome Prevost]
Didier Cuche avec sa médaille de bronze en 2007 à Are. [freshfocus - Jerome Prevost]

Le programme des Mondiaux

08.02 Combiné D (11h00/14h30)
09.02 Super-G D (10h30) et Super-G M (13h00)              
10.02 Combiné M (10h00/13h30)        
13.02 Descente D (11h00)             
14.02 Descente M (11h00)             
16.02 Slaloms parallèles M+D (14h00) 
17.02 Team Event (12h15)             
18.02 Géant D (10h00/13h30)         
19.02 Géant M (10h00/13h30)           
20.02 Slalom D (10h00/13h30)        
21.02 Slalom M (10h00/13h30)