20 ans après son retrait du Conseil fédéral, Adolf Ogi est toujours animé de la même envie lorsqu’il est amené à réagir sur l’actualité qui frappe la Suisse. Le caractère exceptionnel du moment l'incite à sortir de sa réserve d'ancien membre du gouvernement pour faire passer son message: "Le pays doit montrer de la solidarité".
Adolf Ogi sait qu’il doit beaucoup au ski alpin, ce sport qu'il pratique toujours avec passion à l'âge de 77 ans. "Sans les succès obtenus lorsque je travaillais à la Fédération suisse de ski (ndlr: de 1964 à 1981, dont 13 ans comme directeur et directeur technique), je ne vous parlerais pas aujourd’hui", précise-t-il.
Sous sa direction, la Suisse a remporté son premier classement des nations en 1981. Un titre qui vient récompenser tout le travail entrepris depuis la fin des années 1960 et l’émergence de nombreux skieurs romands à l’instar des Bochatay, Dätwyler, Morerod, Collombin, Favre et Lüthy. Six autres sacres suivront jusqu’en 1989 au cours d’une décennie dorée marquée par les triomphes des Hess, Nadig, Figini, Schneider, Walliser, Heinzer, Müller ou Zurbriggen. En 2020, les Helvètes montent à nouveau sur la 1re marche du ski mondial après avoir récolté 8732 points grâce notamment à 11 victoires et 48 podiums.
RTSsport: Quelle importance accorder à ce récent succès dans le classement par nations?
ADOLF OGI: Cette victoire est très importante pour l’image de marque du ski suisse, pour l’équipe et les athlètes. Sur le plan financier, c’est aussi intéressant avec un demi-million qui tombe dans la caisse de la fédération et qui pourra notamment être investi pour l’avenir. Mais c’est vraiment dommage que la crise prive le ski suisse d’une belle fête en fin de saison. L’esprit d’équipe a fait triompher la Suisse cette saison et on ne peut pas le célébrer.
RTSsport: Vous parlez d’esprit d’équipe, alors que le ski est avant tout un sport individuel…
ADOLF OGI: Il ne faut pas oublier que derrière un champion de ski comme par exemple Daniel Yule (ndlr: qui sera l’invité de Sport Dimanche le 22 mars), il y a une fédération qui finance, qui organise les entraînements, qui engage les entraîneurs, qui gère le staff, les déplacements. Dans le portillon de départ, les athlètes sont seuls et doivent fournir un effort individuel. Mais s’ils peuvent évoluer au plus haut niveau, c’est grâce au travail réalisé en coulisses par Swiss-Ski.
"Le ski autrichien est blessé"
RTSsport: Quand le succès est au rendez-vous, on imagine que tout est plus facile pour la fédération?
ADOLF OGI: La direction de Swiss-Ski doit maintenant faire attention à préserver cette situation et garder le capital sympathie dont bénéficie le ski en Suisse. Même lorsque le succès est présent, des problèmes peuvent apparaître. Par exemple, je me souviens qu’après la belle saison 1971-1972, les entraîneurs voulaient une hausse de leur salaire et nous n’avions pas eu les moyens de le faire à l’époque.
RTSsport: Comment faire pour garder cette 1re place mondiale du ski?
ADOLF OGI On doit continuer d’investir sur la relève. On a déjà beaucoup entrepris avec les centres de formation pour mieux encadrer les jeunes mais il y a la possibilité de faire encore plus à mon avis. Vous savez, le ski autrichien est blessé et il veut revenir avec force. Il suffit de regarder les résultats des derniers Mondiaux juniors à Navik/NOR où on remarque que l’Autriche a fait très fort (ndlr: 9 médailles). Cela donne une petite indication sur le futur. Il y aura de belles batailles ces prochaines années (sourire).
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Sébastien Schorderet