Dans aucun autre sport d'importance, la disproportion entre
Alémaniques et Latins n'est aussi frappante. Chef de Ski-Romand
(Vaud, Genève, Fribourg), l'ancien fondeur de haut niveau et actuel
consultant de la TSR Daniel Hediger dresse un état des lieux sans
concession mais pas sans espoir: «Chez nous, il est dur de
fédérer, en raison des différentes mentalités. Parents et
entraîneurs de club ne voient pas assez loin. Mais on
agit.»
Pour y remédier justement, Ski-Romand et les associations
valaisanne et jurassienne ont mis en place un cadre interrégions,
avec un budget de 280'000 francs, indépendant de Swiss-Ski, pour
rétribuer quatre entraîneurs professionnels. L'initiative survient
toutefois tardivement en comparaison d'un canton comme les Grisons,
qui investit de grands moyens depuis une douzaine d'années au
moins.
Le modèle grison
A Pontresina, Zuoz, Davos ou Savognin, les ski-clubs sont très
actifs et n'hésitent pas à engager des entraîneurs de valeur,
scandinaves notamment, relate Hediger. Et il y a les centres de
sport-études, comme le gymnase de Ftan, où Dario Cologna a fait ses
gammes sous la houlette de son mentor norvégien Odd Kare
Sivertsen.
Sans compter, bien sûr, le centre national d'entraînement de fond
à Davos. Pour réussir dans cette discipline, c'est un passage quasi
obligé. Aujourd'hui, sur les dix fondeurs suisses présents à
Liberec, sept sont originaires des Grisons et huit y résident! Et
les deux «rebelles» (Christoph Eigenmann et Martin Jäger) habitent
juste à côté, à Saint-Gall. En Suisse romande, il n'y a guère que
la Vallée de Joux comme vivier traditionnel.
Le plus sinistré est le combiné nordique: aucune trace d'un
Romand. C'est un peu mieux en saut, même si l'avenir d'un Rémi
Français ou d'un Antoine Guignard est incertain. Le plus grand
espoir du ski romand se nomme Malika Schüpbach (15 ans), la plus
douée des sauteuses suisses. En fond, Léna Pichard, qui s'entraîne
aux Diablerets, voire Candide Pralong peuvent y croire.
L'obstacle de la langue
C'est peu car dans l'ensemble, les Romands restent frileux à
l'idée d'intégrer les grands centres d'entraînement de Swiss-Ski à
Davos ou Brigue. Ils ne sont que dix à l'avoir fait pour le ski de
fond et le biathlon, dont un seul pour l'instant à Davos: Jovian
Hediger, 19 ans, fils de Daniel. «Il faut une certaine maturité
pour aller à Davos, à cause de la langue», explique Daniel
Hediger.
Dans les années 80 ou 90, il était possible de percer tout en
travaillant, comme le faisaient de bons fondeurs romands
agriculteurs ou bûcherons. Aujourd'hui, tout s'est
professionnalisé, relève Hediger. Un Cologna est employé par
l'armée à 50 % en échange de 50 jours de service par année.
Même une fédération toute-puissante comme Swiss-Ski doit se serrer
la ceinture. Euphémisme, le ski nordique n'a jamais eu la priorité
par rapport à l'alpin. Le chef de discipline des fondeurs suisses,
l'omniprésent Adriano Iseppi, doit se contenter d'un job à 60
%.
si/bao