Les Suisses ont retrouvé le goût du succès

A la table du ski mondial, la Suisse a retrouvé un appétit
gargantuesque. Après des années de vaches maigres, on en frôlerait
presque l'indigestion. Mais Dieu que c'est bon de retrouver les
délices de la glisse! Le menu est copieux: en entrée, une saveur
retrouvée, celle de Didier Cuche enchaînant allégrement les
podiums.



Une touche d'acidité toutefois, avec ces deuxièmes places à
répétition, un peu comme un bon Bordeaux pas assez carafé. Mais
qu'importe! A l'heure du dessert, on aura vite oublié les
imperfections du début. Vous avez demandé la suite?

Garçon, une tournée générale!

Le plat principal est consistant et double. Consistant? Normal,
pour de la cuisine suédoise, me direz-vous. Mais pourquoi double?
Parce qu'aux Mondiaux d'Are, ce sont les "jumeaux" Albrecht et
Berthod qui ont rempli la panse d'un pays sevré depuis bien trop
longtemps.



Si le Marc avait déjà eu l'occasion de montrer la force de ses
tanins au détour d'un slalom dominical à Adelboden, le bouquet
varié et complexe de Daniel s'est révélé dans un pays qui pourtant
préfère le schnaps à la Petite Arvine. Six médailles, ça mérite
bien une tournée générale! Il faut dire que la sécheresse de Bormio
avait donné soif.

Une belle grosse boule au dessert

Si Didier Cuche avait un peu moins
bien digéré les spécialités suédoises, dont le hareng fermenté fait
partie des incontournables (sic), c'est néanmoins dans un pays
nordique qu'il s'est offert sa plus belle tranche de dessert. Mieux
que les gâteaux au beurre de son Val-de-Ruz natal, la tourte montée
norvégienne.



A Kvitfjell, la victoire sourit enfin au Neuchâtelois, et avec
elle, le globe de cristal de la descente. Une belle boule pour le
patron! Fromage des Grisons pour conclure: à Lenzerheide, la nation
entière consacre ce skieur à pâte mi-dure, affiné à la saumure du
maître fromager Morisod.

Le bretzel au travers de la gorge

Vous êtes déjà repu? Attendez la suite! Après le gueuleton de
Noël, c'est l'orgie de la nouvelle année qui arrive. En Amérique du
Nord, Daniel Albrecht s'empiffre et Didier Cuche en redemande. Les
deux compères deviennent les plus gros mangeurs de la
planète.



De quoi ouvrir l'appétit des Schild, Gini et autres gastronomes en
herbe, qui ne se contentent désormais plus des miettes. Au pays des
"Wienerschnitzel", on commence gentiment à avaler les bretzels de
travers. Mais qui sont-ils ces brasseurs de fromage à venir faire
la loi dans notre grande cuisine nationale? Et surtout, quel est
leur secret?

Chef, on veut la recette!

Le cuisinier en chef a enfin compris qu'il ne servait à rien de
se jeter sur le steack saignant. Désormais, les marmitons Rufener
et Ansermoz peuvent laisser mijoter leurs graines de champions
jusqu'à la cuisson optimale. En se servant à point nommé des jeunes
pousses en devenir, les patrons de la cuisine évitent ainsi de
brûler les plats.



Et c'est toujours mieux quand l'encadrement se souvient où il a
rangé les épices d'une saison à l'autre... Autre révolution aux
fourneaux: les jeunes toques ont pris goût à rivaliser avec leurs
aînés pour offrir des assiettes aux tonalités diversifiées.

Savoir manier les ustensiles

Mieux encore: la jeunesse a désormais retrouvé des vertus
techniques, délaissées pendant tant d'années. Pour faire une bonne
ratatouille, il faut en effet d'abord éplucher et couper les
légumes. Dans un sport où toujours plus de nations se jettent
vigoureusement sur le buffet, la polyvalence est un atout
maître.



Daniel Albrecht est ainsi souvent décrit comme le futur Frédy
Girardet du ski mondial. Mais pour atteindre 3 étoiles à la FIS, le
jeune chef doit encore trouver la constance. En attendant peut-être
de savourer la coupe la plus enviée, profitons de chaque bouchée du
festin. Bon appétit!



TXT/Samuel Jaberg