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11 exploits et 1 désillusion pour se souvenir du cru 2022 du sport suisse

Lara Gut, au centre, a enchanté avec son titre olympique du super-G, qui fait d'elle une géante du ski alpin. Mujinga Kambundji, Ditaji Kambundji, Simon Ehammer et surtout Marco Odermatt ont flambé et porté haut les couleurs suisses. Roger Federer, qui en a fait de même pendant plus de 20 ans, s'en est, lui, allé sur des larmes. [Keystone et AP]
Lara Gut, au centre, a enchanté avec son titre olympique du super-G, qui fait d'elle une géante du ski alpin. Mujinga Kambundji, Ditaji Kambundji, Simon Ehammer et surtout Marco Odermatt ont flambé et porté haut les couleurs suisses. Roger Federer, qui en a fait de même pendant plus de 20 ans, s'en est, lui, allé sur des larmes. - [Keystone et AP]
Durant l'année écoulée, les athlètes suisses ont globalement flambé aux quatre coins du globe. Des performances ahurissantes de Marco Odermatt à la puissance des soeurs Kambundji, nous avons retenu des réussites et des émotions qui feront date. Mais aussi une grosse désillusion footballistique...

JANVIER: UN DOUBLE ETERNEL

L’année avait déjà débuté par des exploits suisses sur les pistes de ski alpin, mais le 24 janvier nous propose un moment gigantesque: Beat Feuz et Marco Odermatt signent un doublé en descente sur la "Streif" de Kitzbühel, comme un fabuleux pied de nez aux Autrichiens, battus à plate couture dans leur jardin par la vedette suisse et son disciple, prêt à dépasser le maître dans sa discipline de prédilection. Daniel Hemetsberger, rejeté à la 3e place, mais à 90 centièmes, sauve les meubles pour la Wunderteam. Feuz réalise ainsi la passe de trois après un schuss final de grande classe. Cela faisait 30 ans que les Helvètes n’avaient pas réalisé un triomphe de la sorte à "Kitz". Mais en 1992, ils étaient carrément trois sur le podium: Franz Heinzer, Daniel Mahrer et Xavier Gigandet.

FEVRIER: LARA GUT-BEHRAMI, POUR L'HISTOIRE

Bien sûr, les JO de Pékin ont été une vraie réussite pour la Suisse en dépit du contexte particulier. Les athlètes à la combinaison rouge à croix blanche y ont réalisé des choses fantastiques. On pense à Corinne Suter, en or en descente. A Michelle Gisin et Wendy Holdener, auteurs d’un doublé en combiné. A Marco Odermatt, titré en géant. Ou encore à Mathilde Gremaud, reine du slopestyle. Mais que ceux-ci ne nous en veuillent pas: on retiendra volontiers le 11 février comme "LA" date de ces JO, soit le jour où Lara Gut-Behrami gravit le Mont Olympe en super-G. Géniale, la Tessinoise rejette Mirjam Puchner à 22 centièmes et Michelle Gisin à 30 pour embrasser "enfin" cet or olympique dont elle rêvait depuis des lustres. Blessée avant Vancouver 2010, frustrée à Sotchi en 2014 et déçue par sa campagne à PyeongChang en 2018, "LGB" a cette fois-ci su s’emballer au moment opportun. Pour l'histoire. Oui, elle est l’une des plus grandes skieuses de tous les temps.

MARS: ODERMATT, PLUS QUE GEANT

On l’a un temps considéré comme le roi du géant, mais très vite Marco Odermatt a montré qu’il n’était pas que cela. Ou même, qu'il était bien davantage que cela! Oui, il est un roi tout court, comme en témoigne sa fabuleuse saison 2021/2022, qui lui permet de conquérir le gros globe de cristal du classement général lors des finales de Courchevel/Méribel. Régulier comme jamais, fabuleux sur ses skis, le Nidwaldien bondit à 24 ans seulement sur la récompense suprême, avec plus de 400 points d’avance sur son premier dauphin, le Norvégien Aleksander Aamodt Kilde. Le ski suisse dispose d’un vrai joyau entre ses mains. "J'espère que ce n’est que le début de quelque chose, pas la fin", souffle-t-il dans un sourire, aussi rayonnant que… carnassier.

AVRIL: LA FOLIE ROMAN JOSI

La Suisse ne mesure peut-être pas très bien la carrière exceptionnelle que réalise Roman Josi, son meilleur hockeyeur. Capitaine des Nashville Predators, le Bernois est un défenseur qui compte en NHL. Et ce sur tous les plans, puisque 23 avril 2022 il devient le premier défenseur d’outre-Atlantique à atteindre la barre des 90 points depuis près de 30 ans (saison 1993/94, Ray Bourque avec 91 unités)! L’ex-joueur du CP Berne en cumulera finalement 96 au terme de l’exercice.

MAI: LE FC ZURICH DEVANT LES GRANDS

Longtemps, le FC Zurich a promené l’étiquette de trouble-fête de Super League, destiné à s'éteindre petit à petit au fil de l’exercice. Tout le monde a d’ailleurs cru que ce serait le cas. Même certains des protégés d’Andre Breitenreiter ne pensaient pas que le miracle durerait jusqu’au bout. Et pourtant, le 1er mai, le FCZ décroche un 13e titre national, aussi inattendu que longtemps inespéré. Héroïques tout au long de l’exercice, Blerim Dzemaili et ses partenaires (dont l’improbable buteur Assan Ceesay) ajoutent la manière à leur triomphe, puisque c’est en s’imposant 2-0 chez l’un de leurs rivaux directs, le FC Bâle, qu’ils s’assurent le trophée. Incroyable!

JUIN: UNE ECLAIRCIE NOMMEE BELLIER

Au mois de juin rares ont été les athlètes suisses à avoir flambé. La seule vraie éclaircie nous vient du bras gauche d’Antoine Bellier. Sorti des qualifications du tournoi de Majorque, sur gazon, le Genevois – alors 303e ATP - signe une semaine exceptionnelle dans les terres de Rafael Nadal. Il s’offre en effet 3 membres du Top-100 coup sur coup, dont Pablo Carreno Busta, grâce à un tennis flamboyant et offensif. Il faut un très solide Roberto Bautista Agut pour stopper son aventure en demi-finales.

JUILLET: EHAMMER, LA LONGUEUR QUI COMPTE

Au cœur d’un été durant lequel nombreux sont ceux qui n’attendent que les joutes européennes pour faire la "une", sort de sa boîte Simon Ehammer. Le décathlonien suisse, de plus en plus performant au saut en longueur, bondit à 8m16 aux Mondiaux d’Eugene et s’en va embrasser la médaille de bronze, derrière Jianan Wang (8m36) et Miltiadis Tentoglou (8m32). Un très bel exploit pour l’athlète appenzellois et même pour tout l’athlétisme helvétique! "Je ne suis pas spécialement content de ma longueur, mais puisque seules les trois premières places comptent dans un tel rendez-vous, je me dis que l’objectif est atteint", savoure l’exigeant jeune homme de 22 ans.

AOUT: RAYONNANTES, LES SOEURS KAMBUNDJI

Les joutes européennes, qui se disputent entre Rome et Munich, permettent aux athlètes suisses de flamber comme d'autres l’avaient fait durant les Jeux olympiques de Pékin 6 mois auparavant. Lisa Mamié, Noè Ponti et Antonio Djakovic flambent dans l’eau. Stefan Bissegger, Stefan Küng et Marlen Reusser pédalent dans le bon sens. Et si Annik Kälin, Ricky Petrucciani et Simon Ehammer écrivent aussi de nouvelles délicieuses pages de l’athlétisme helvétique, force est de reconnaître que ce sont les performances des sœurs Kambundji que l’on retient en premier lieu.

Ainsi, 3 jours après avoir été privée du titre continental du 100m pour 5 tout petits millièmes, Mujinga – sans doute conduite par la rage - arrache l’or du 200m au bout d’une course époustouflante, matant la favorite Dina Asher-Smith de 11 centièmes. "Il y a 10 ans, jamais je n’aurais pensé réaliser ça, commente la Bernoise. Je suis tellement contente!" 48 heures plus tard, sa joie de grande sœur sera immense aussi. Sa cadette, Ditaji, 20 ans à peine, s’en va en effet conquérir la médaille de bronze européenne du 100m haies. Et ce grâce à un passage extraordinaire sur la ligne. "C’est incroyable, je ne peux pas y croire", exulte celle qui n’est ainsi plus uniquement "la petite sœur de".

SEPTEMBRE: RIDEAU SUR "RF"

Ca y est, c’est fini. Le 15 septembre, Roger Federer révèle ce qui n’était plus un secret pour grand monde dans le tennis mondial: la fin de sa carrière. Il décide de fixer la date de celle-ci 8 jours plus tard, au terme d’un dernier double de Laver Cup aux côtés de son ancien grand rival, Rafael Nadal. L’émotion est à son comble dans les foyers helvétiques et même chez l'homme aux 20 titres du Grand Chelem qui fondra en larmes à Londres, théâtre de son ultime représentation. A 41 ans, le Bâlois peut s’en aller la tête haute. Ses compatriotes, eux, iront sur différentes plateformes ou devront ressortir les VHS pour se souvenir des belles choses.

OCTOBRE: HUESLER SORT DE SA BOITE

Alors que le tennis suisse a encore la tête qui tourne après avoir perdu Roger Federer, Marc-Andrea Hüsler vient lui mettre du baume au cœur. En progression constante depuis 2020, le Zurichois dépose ce qui constitue pour lui une 1re cerise sur le gâteau qu’est sa carrière. Ceci en remportant son premier titre ATP, à Sofia. Et c’est avec la manière que le bonhomme de 26 ans dessine cet exploit, en battant notamment Holger Rune - futur lauréat du Masters 1000 de Paris-Bercy - en finale, sans sourciller. Au fil de sa semaine bulgare, celui qui se fait surnommer "Mac" aura aussi sorti Pablo Carreno Busta et Lorenzo Musetti.

NOVEMBRE: HOLDENER, ENFIN RECOMPENSEE

Elle a patienté près de 10 ans comme cela, en Coupe du monde. Sans jamais hausser la voix ni vraiment faire part de sa frustration, mais nul doute que de goûter à une trentaine de podiums sans jamais avoir le droit de grimper sur la plus haute marche commençait à frustrer Wendy Holdener. Certes, sa carrière était déjà magnifique sans cette victoire en slalom, mais la Schwytzoise savait que lui manquait quelque chose. Jusqu’à ce 27 novembre et ce slalom de Killington qui lui ont permis d’effacer pour de bon l’étiquette de "Poulidor" du ski alpin, d’en finir aussi à jamais avec la sempiternelle question: "Et c’est pour quand, cette première victoire?", aussi irritante que ces gens qui demandent à un couple quand est-ce qu’il met en route un bébé.

Très solide sur la neige américaine, Wendy Holdener renvoie donc le cirque blanc à ses études en grimpant au sommet. Mais, puisqu’il fallait un mais, elle se voit obligée de partager la victoire avec la Suédoise Anna-Swenn Larsson… "Imaginez ce que cela aurait donné si j’avais été un centième plus lente", plaisante-t-elle. Deux semaines plus tard, la native d’Unteriberg se permettra de mettre tout le monde d’accord en étant impériale à Sestrières.

DECEMBRE: LA "DEMONTADA"

C’est certes une défaite logique, mais c’est aussi une immense désillusion pour le football suisse; on veut ici parler de la claque reçue par l’équipe nationale en 8es de finale de la Coupe du monde au Qatar. Parce que la manière et surtout l'attitude n'y étaient pas; ridicule! Cinq jours après une qualification joliment décrochée contre la Serbie (3-2), les hommes de Murat Yakin ont en effet coulé à pic contre le Portugal, encaissant un sec et sonnant 6-1. Une humiliation - une "demontada" - qui révèle au grand jour – pour ceux qui ne les avaient pas encore vues – les limites du foot suisse. Oui, d’aucuns s’acharneront à pointer du doigt les choix (tactiques) du sélectionneur. Mais comment s’en sortir avec 10 hommes fantomatiques (seul Breel Embolo a fait ce qu’il fallait face aux Lusitaniens), sans envie ni courage ni attitude à la hauteur d'un tel rendez-vous? C’est bien l’orchestre qui aura été lamentable au Lusail Stadium. Ici se trouve peut-être une très bonne occasion pour certains de ses acteurs de retomber sur terre.

Arnaud Cerutti - @arnaud_cerutti

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