Volet 4 / La combinaison, une clé pour performer

Grand Format - L'évolution du matériel en ski alpin

Keystone - Alessandro Trovati

Introduction

Le ski, sport national en Suisse, a connu moult évolutions au fil des années. Dans ce reportage, nous remontons le temps, de la moitié du 19e siècle à nos jours, afin de vous faire découvrir le ski alpin de hier à aujourd'hui. A travers quatre volets, nous vous proposons de revenir sur l'évolution du matériel de ski alpin. Pour ce faire, nous sommes partis à la rencontre des acteurs du Cirque blanc. Des anciens skieurs à la nouvelle génération en passant par les hommes de l'ombre qui gravitent autour des athlètes ou encore un passionné, fondateur du Musée du ski, tous évoquent le matériel et son évolution. Pour ce quatrième et dernier volet, honneur aux combinaisons de ski.

Chapitre 1
Du rustique aux moindres détails, l'histoire des combinaisons

Wikipedia

Le point de départ historique pour parler des combinaisons de ski sont les années 1920. C'est là, à cette période, que le ski prend de l'ampleur. Arnold Lunn édicte les premières règles modernes des compétitions de ski. Plus qu'un loisir, il veut en faire un sport.

Il n'y a pas l'idée, à cette époque, que les combinaisons de ski puissent être aérodynamiques. Ainsi, la veste est rudimentaire et peu confortable. Composée de laine, de velours, de cuir, de fourrure et de tweed, il sert plus à protéger du froid qu'à aller plus vite. Et, les pantalons, bouffants et resserrés à la cheville, ne sont pas des exemples d'aérodynamisme, puisque sa largeur expose à une forte prise au vent.

Emile Allais pionnier de la volonté de performance

Il faut attendre les années 1930 pour voir arriver un "vrai" pantalon de ski. Et, c'est sous l'impulsion d'Emile Allais qu'il voit le jour. Le champion français cherche une combinaison plus performante qui épouse ses jambes. Le Français se rend à Megève pour rencontrer Armand Allard, tailleur renommé.

Emile Allais lui fait part de ses envies: il souhaite un équipement plus confortable et performant. Armand Allard l'écoute et crée alors le fuseau sauteur, premier nom donné à son invention car doté d'une bande élastique qui passe sous le pied. Emile Allais l'adopte et cumule les succès. Si le haut reste rudimentaire, un léger pas en avant s'effectue avec un confort accru, une résistance au froid plus importante et surtout des vêtements imperméables.

En 1931, le Suisse Walter Prager devient le premier champion du monde de l'histoire en descente. [STR - Keystone]
En 1931, le Suisse Walter Prager devient le premier champion du monde de l'histoire en descente. [STR - Keystone]

La tenue gagnante de Zeno Colò

Ce sont les années 1950, et plus particulièrement l'année 1952, qui font basculer les combinaisons dans un autre paradigme; "les combinaisons au service de la performance."

Ainsi, lors des Jeux olympiques de 1952 qui se déroulent à Oslo, l'Italien Zeno Colò prend le départ de la descente avec une veste qui adhère à son corps. Dans cette veste composée de nylon avec au niveau des coudes et des côtés des tulles bi-élastiques, il devient champion olympique. Ce modèle, plus confortable et résistant, est adopté par tous les skieurs.

La combinaison inédite de Zeno Colò n'est pas étrangère à son sacre lors de la descente des Jeux olympiques 1952. [TopFoto - Imago]
La combinaison inédite de Zeno Colò n'est pas étrangère à son sacre lors de la descente des Jeux olympiques 1952. [TopFoto - Imago]

Le lycra fait son apparition

Il faut attendre les années 1960 pour voir la création du lycra et la démocratisation de la combinaison une pièce. Véritable bond en avant, elle est composée d'une fibre plus résistante et bien plus élastique que le modèle précédent. Mêlé au nylon et à la laine, le lycra accroît encore la performance, le confort et offre une élasticité remarquable (on parle ici d'une matière qui peut s'étirer jusqu'à huit fois sa taille originelle).

Au début des années 1970, c'est l'ajout de matériaux en caoutchouc qui arrive. Mais, bien que plus aérodynamiques, deux problèmes se posent: les combinaisons ne permettent pas de respirer et elles aggravent les blessures des athlètes lors d'une chute, en engendrant, notamment, des brûlures. Ce nouveau modèle ne dure que quelques années.

Jean-Daniel Dätwyler en 1967 sur la mythique piste du Lauberhorn. [Widler - Keystone]
Jean-Daniel Dätwyler en 1967 sur la mythique piste du Lauberhorn. [Widler - Keystone]

Hans Hess, père de la combinaison moderne

Mais, c'est également au cours de cette décennie qu'un homme révolutionne la combinaison et fait basculer le ski dans une nouvelle dimension: le Suisse Hans Hess. Ce mécanicien de formation contribue largement aux succès des skieurs helvétiques en mettant au point les premières combinaisons de course aérodynamiques.

L'idée lui vient à Wengen alors qu'il assiste aux courses du Lauberhorn. Lors du passage de la tête de chien, il perçoit un sifflement dû aux pantalons bouffants qui flottent dans l'air, "un bruit comme si un train rapide passait", comme il le raconte un jour au "Wiler Nachrichten." Il se met alors en tête de créer une tenue plus rapide, qui colle à la peau des athlètes.

"Il a inventé cette combinaison et a bricolé dans sa cave avec un collègue (ndlr: Hannes Keller) qui avait déjà fabriqué des combinaisons de plongée. C'est ainsi que cette combinaison de course a vu le jour et n'a cessé depuis d'être perfectionnée", explique Walter Graff. Selon la légende, Hess, qui n'a aucune expérience en la matière, utilise les pantalons de ski de son épouse pour faire des tests. Sans jamais se décourager face aux moqueries de certains, il continue ses recherches et effectue des tests en soufflerie afin de parfaire et affiner son invention.

De la première génération ayant bénéficié des combinaisons d'Hans Hess, le Suisse Heini Hemmi a remporté l'or en géant lors des JO d'Innsbruck en 1964. [Dieter Endlicher - Keystone]
De la première génération ayant bénéficié des combinaisons d'Hans Hess, le Suisse Heini Hemmi a remporté l'or en géant lors des JO d'Innsbruck en 1964. [Dieter Endlicher - Keystone]

Chaque détail compte

De nos jours, la précision est poussée à un tel point, que chaque athlète a une combinaison d'une taille spécifique. Moulante, elle est composée de polyuréthane (entre 85 et 90%) et de polyester (entre 10 et 15%), elle permet de réduire la résistance face au vent de 50%!

Point crucial, une combinaison qui laisse passer moins de 30 litres d'air par mètre carré est interdite car elle irait trop vite. Tout athlète qui prend le départ d'une course avec une combinaison non homologuée - donc non testée - est disqualifié.

Comme l'entier du Cirque blanc actuel, Marco Odermatt porte une combinaison au summum de l'aérodynamisme et personnalisée à sa carrure. [KEYSTONE - Anthony Anex - Keystone]
Comme l'entier du Cirque blanc actuel, Marco Odermatt porte une combinaison au summum de l'aérodynamisme et personnalisée à sa carrure. [KEYSTONE - Anthony Anex - Keystone]

Chapitre 2
Les combinaisons actuelles

RTS

Aujourd'hui, les combinaisons de ski répondent à des normes strictes. La Fédération internationale de ski (FIS) édicte plusieurs mesures afin de normer la combinaison du skieur. Entre autres, elle ne doit pas être plastifiée - les premières l'étaient; non seulement elles ne permettaient pas de laisser passer l'air mais en cas de chute, la combinaison favorisait une chute longue - ni traitée par des moyens chimiques, qu'ils soient solides, gazeux ou liquides.

Ce cadre posé est la résultante de la quête d'une combinaison toujours plus performante et donc toujours plus aérodynamique. De nos jours, les tests en soufflerie sont nombreux et chaque athlète a une combinaison spécifique, qui lui correspond parfaitement.

La combinaison est portée maximum une ou deux courses

Walter Graff

Walter Graff, en charge de la production des combinaisons de ski pour les athlètes suisses, nous partage que chaque skieur a ses demandes: "Certains préfèrent une combinaison confortable, dans laquelle ils se sentent bien. Alors que d'autres optent pour une combinaison serrée, qui comprime les muscles."

Mais, et avant tout, la performance est conditionnée à ce qu'il n'y ait "aucun pli dans la position de recherche de vitesse (...). Et qu'elle soit toute aussi performante en position debout." La volonté de performance est d'ailleurs telle qu'un athlète ne porte pas la même combinaison plus "d'une ou deux course(s) d'affilée." En effet, elle se déforme vite et laisse ainsi "rentrer plus d'air", et donc réduit l'aérodynamisme. Ce perfectionnisme dans le détail de la performance est crucial au point que "les rainures, selon leurs positions, ont un effet aérodynamique" et que, selon la température, le tissu n'est pas le même. Ainsi, les athlètes suisses, selon les conditions météorologiques, disposent de "deux à trois tissus différents."

>> Reportage à Buchs chez Wams, le fabriquant des combinaisons des Suisses :

Reportage à Buchs chez Wams, le fabriquant des combinaisons des Suisses
Ski alpin - Publié hier à 22:12

Chapitre 3
Paroles d'ex: l'évolution de la tenue de ski

Jean-Daniel Dätwyler et Roland Collombin nous partagent leurs souvenirs d'antan concernant la tenue qu'ils portaient en compétition. Une combinaison, certes, déjà monopièce mais moins aérodynamique que les actuelles.

>> Paroles d'ex: l'évolution de la tenue de ski :

Paroles d'ex: l'évolution de la tenue de ski
Ski alpin - Publié hier à 21:30

Chapitre 4
Bonus: l'histoire des bâtons de ski

Bezirksmuseum and fis zdarsky

Les bâtons de ski existent depuis des millénaires (la plus vieille représentation remonte à -3263 avant Jésus-Christ, avec une gravure retrouvée en Norvège). Néanmoins, et pour être raccord avec notre premier volet sur l'histoire des skis, nous allons commencer leur histoire au milieu du 19e siècle, époque où les Norvégiens Sondre Norheim et Fridtjof Nansen ainsi que l'Autrichien Mathias Zdarsky imaginent une vision sportive du ski.

Nous avons parlé de bâtons de ski, vraiment? Eh bien non. Les premiers skieurs n'ont qu'un bâton pour effectuer des virages ou freiner dans la pente. Atteignant pratiquement deux mètres, très large, très résistant et composé de pin ou de bouleau, il a avant tout pour but d'avancer sur les surfaces planes. Systématiquement tenu à deux mains, il est le premier modèle de bâton.

Fridtjof Nansen a fait partie de la génération de skieurs qui n'utilisaient qu'un seul bâton. [Imago]
Fridtjof Nansen a fait partie de la génération de skieurs qui n'utilisaient qu'un seul bâton. [Imago]

L'arrivée de deux bâtons munis d'une rondelle

Mais, rapidement, dès le début 20e siècle, les skieurs se rendent compte que deux bâtons améliorent l'équilibre et permettent de tracer des courbes plus rapides.

Munis de rondelles en métal, bien plus imposantes qu'aujourd'hui - les pistes n'étant pas damées -, faits en châtaignier, en noisetier ou en bambou, et réduits au niveau de leur taille, ils sont bien plus légers. L'entrée des bâtons dans le ski moderne s'effectue.

Dès le 20e siècle, les skieurs sont munis de deux bâtons. [Imago]
Dès le 20e siècle, les skieurs sont munis de deux bâtons. [Imago]

Deux étapes sont franchies entre les années 1930 et 1950. En effet, en 1933, l'Américain John B. Dickson invente les bâtons de ski en acier, avec poignée amovible et un revêtement en caoutchouc. Mais, et en raison des pistes, les rondelles restent imposantes.

Le Suisse Rudolf Rominger, champion du monde en descente en 1936, est ici équipé de bâtons en aluminium. [STR - Keystone]
Le Suisse Rudolf Rominger, champion du monde en descente en 1936, est ici équipé de bâtons en aluminium. [STR - Keystone]

En 1959, son compatriote Edward L. Scott met au point des bâtons de ski bien plus légers, composés d'aluminium. Aussi légers que solides, avec des rondelles similaires à celles d'aujourd'hui, ils améliorent la vitesse dans les virages.

Bernhard Russi dans ses oeuvres, avec des bâtons en aluminium munis de rondelles bien plus petites. [Imago]
Bernhard Russi dans ses oeuvres, avec des bâtons en aluminium munis de rondelles bien plus petites. [Imago]

Aujourd'hui, les bâtons de ski sont à la pointe de la technologie. En carbone depuis 1989 et une invention de l'Américain David P. Goode, ils sont légers. Les poignées améliorent grandement la prise en main pour les athlètes.

Aujourd'hui, les bâtons sont en carbone et épousent, en vitesse, le physique du skieur afin de diminuer au maximum la traînée. [John Locher - Keystone]
Aujourd'hui, les bâtons sont en carbone et épousent, en vitesse, le physique du skieur afin de diminuer au maximum la traînée. [John Locher - Keystone]

Dans les disciplines de vitesse (parfois aussi en géant), les bâtons épousent la forme du corps afin de réduire au maximum la traînée.