Didier Cuche aime sa nouvelle vie. Retraité du Cirque Blanc depuis 9 mois désormais, le Neuchâtelois de 38 ans n'a aucun regret. "Je ne me suis jamais dis que j'étais bête d'avoir arrêté. J'ai eu une carrière bien remplie..."
"Kuke" transpire la sérénité et distille de manière ponctuelle ses conseils à la relève suisse. Avec succès à en juger le podium de Ralph Weber, Nils Mani et Vitus Lueoend la semaine passée lors de la descente Coupe d'Europe à Wengen. "Ce n’est pas parce que j’ai fait 2 jours avec eux qu’ils ont réussi un triplé. J'ai simplement essayé de leur dire comment j’abordais certaines courbes en Coupe du monde. L’équipe de coaches travaille vraiment bien".
Rencontré en milieu de semaine dans la station bernoise, là-même où il s'est classé 3 fois deuxième de la mythique descente (2011, 2008, 2007), Didier Cuche a abordé la situation compliquée que traverse le ski masculin suisse.
DIDIER CUCHE ET...
... LE LAUBERHORN: Ca commence progressivement. Il y a un virage important après une quinzaine de secondes qui conditionne le reste de la course. Quand on arrive à la "tête de chien", il y a 35-40 secondes très importantes et super risquées. La chute là fait très mal. La longueur de la piste impose le respect (ndlr: plus de 4400m en 2'30").
On sait qu'on va souffrir et qu'on va être amené vers la fin à négocier 3 virages en ne sachant pas si on aura la force dans les jambes d'y arriver. Et une fois la ligne d'arrivée franchie, on doit encore trouver l'énergie pour s'arrêter!
... SON COUP DE MAIN A LA RELEVE: J'étais pendant quelques années dans le groupe Coupe du monde des géantistes dans lequel figurait Michael Von Gruenigen. J'ai énormément appris à ses côtés. J'ai "volé" ce que je pouvais lui voler. Je lui ai aussi demandé des conseils. Il s'est retiré en transmettant son savoir aux plus jeunes, ce que j'ai fait aussi durant ma carrière.
Je trouvais égoïste une fois retiré de ne pas aider les suivants. Cela se faisait naturellement quand j'étais actif. Je ne vois pas pourquoi ne pas continuer de le faire de manière ponctuelle. J'ai eu la chance de faire la carrière que j'ai eue.
... LA SITUATION DIFFICILE DU SKI SUISSE MASCULIN (1): Il n'y a pas de solution miracle. Il faut continuer de travailler dur. Je suis persuadé que tous le font. Ce n'est pas dû à du dilettantisme ou à une préparation estivale durant laquelle on a mis les doigts de pieds en éventail. Quand on est dans cette phase-là, c'est dur parce que l'on est attaqué de tous les côtés. Il faut savoir faire le dos rond, se protéger, avoir de la patience et attendre que la situation tourne dans le bon sens.
... LA SITUATION DIFFICILE DU SKI SUISSE MASCULIN (2): Je souffre avec les gars. Le sport est fait de hauts et de bas. C'est très difficile de rester constant dans la durée. Quelques athlètes ont beaucoup de travail au niveau des réglages avec leur matériel. Quand les blessés reviendront, cela ira mieux. Gisin, Kueng et Lueoend se sont blessés entre février et mai. On oublie qu'il faut du temps pour revenir. C'est difficile de lâcher totalement le frein à main tout de suite car on a l'impression de prendre des risques. On oublie que Kueng, qui s'est blessé à un genou en février, réalise une saison exceptionnelle (ndlr: 2 top-15). C’est très positif.
Gisin a peut-être encore un peu de peine à confirmer lors des courses ce qu’il réussit aux entraînements. Il a tendance à "surskier". C’est dans son caractère mais c’est positif. Il faudrait qu’il soit encore un peu patient mais ça va le faire. Lueoend n’est entré dans la saison qu’avec 2-3 semaines de skis dans les pieds. Et puis il y a Beat Feuz qui a dû mettre un terme à sa saison.
... CARLO JANKA:
J'ai le sentiment qu'il n'avait pas tout compris lorsqu'il gagnait tout (ndlr: titre olympique, champion du monde, Coupe du monde). Est-ce lié à toute la pression qu'il a accumulée? Difficile à dire. En 2 ans, il a tout gagné. Il a placé la barre très très haut. J'ai l'impression qu'il doit digérer tout ça.
Et puis il y a le nouveau matériel. Les cartes ont été redistribuées. Ce qui correspond à un athlète ne l'est pas forcément pour un autre. Janka est gêné. J'espère qu'il retrouvera dans les prochaines courses son chemin et la confiance pour finir du mieux possible la saison.
... LE CHOC PSYCHOLOGIQUE: Cela reste un sport individuel. Je ne pense pas que l'on puisse changer beaucoup de choses en cours de saison. Il faut analyser l'entier de la saison au niveau de l'organisation. Peut-être que certaines personnes sont très compétentes mais simplement pas à la bonne place. Ce sont des éléments qu'il faut commencer à discuter maintenant et pas en mai.
... LA RECONVERSION AU SEIN DE SWISS-SKI: J'ai été approché, et je précise pas forcément par la présidence de Swiss-ski, pour représenter les athlètes chez les hauts dirigeants. Je pense que c'est encore trop tôt. Il me manque le recul nécessaire pour occuper une telle position. Je dois encore faire le point après ma première année de retraite.
... LES REVELATIONS DE LANCE ARMSTRONG: Il y a eu quelques cas de dopage dans le ski: Baxter avait dû rendre sa médaille de bronze lors des Jeux de Salt Lake City pour une histoire de spray nasal qui contenait un produit interdit. On oublie aussi Knauss (ndlr: nandrolone). Etait-ce une erreur? Difficile à dire. J'ai l'impression que ce cas a été un peu passé sous silence.
Schoenfelder avait aussi été pris lors de Championnats autrichiens et suspendu 6 mois en raison d'un spray nasal. Je ne pense pas que c'était du dopage volontaire. Dans le ski, il faut maîtriser et contrôler beaucoup de paramètres au niveau du feeling pour gagner. Le toucher de neige ne "s'achète" pas. Voilà pourquoi le dopage ne sert à rien dans notre sport. C’est la grande chance du ski.
Wengen, Miguel Bao
Didier Cuche et la relève suisse
Il y a 3 niveaux: la Coupe du monde, la Coupe d’Europe et les courses FIS. Pour les courses FIS, ce sont des jeunes qui ont entre 16 et 20 ans, qui font leur 1ères courses au niveau international. Il y en a déjà passablement qui ne passent pas ce cap.
Puis il y a les meilleurs qui font leurs armes en Coupe d’Europe. Cela peut durer 2, 3, 4 ans pour atteindre le plus haut niveau. Il y a des athlètes d’exception comme Lara Gut qui passent directement en Coupe du monde à 16 ans. Je vous assure que ça travaille très fort derrière.
Wengen, le programme
Samedi: descente (12h30)
Dimanche: slalom (10h15/13h15)