En fait, sans un petit "détail", elle aurait été exceptionnelle. Beat Feuz devant Carlo Janka et Patrick Küng, pour le quatrième triplé helvétique de l'histoire de la descente, le premier depuis le 19 janvier 1996 à Veysonnaz (Kernen 1, Besse 2, Mahrer 3... et même Gigandet 4!).
Il aura fallu qu'un Autrichien de 34 ans, avec son dossard 19 - Küng n'était pas encore descendu - vienne gâcher la fête. Son nom? Hannes Reichelt.
"Je suis vraiment désolé pour les Suisses", s'est défendu le Salzbourgeois, vainqueur de sa 3e "classique" après Bormio 2012 et Kitzbühel l'an dernier (9e succès Coupe du monde). "Mais l'année passée, j'avais aussi été privé du succès pour 0"06 par Küng...".
La victoire de Reichelt est en fait tout sauf une surprise au Lauberhorn. C'est même la 4e fois d'affilée qu'il y termine sur le podium (2e derrière Feuz en 2012, 3e en 2013 puis donc 2e l'an passé). Seul son illustre compatriote Franz Klammer a fait aussi bien à Wengen!
"J'adore cette descente, tout simplement. C'est même ma préférée après celle de Kitzbühel", raconte celui qui s'offre un 2e succès cette saison après le super-G de Beaver Creek.
Janka, une petite erreur qui lui coûte la victoire
Beau perdant, Janka reconnaît que le succès de Reichelt est mérité. "Il a été le plus rapide, il faut l'accepter, c'est tout". Et le Grison de préciser que l'Autrichien est un "gars très sympa, avec qui on peut facilement discuter". "En plus, il est aussi passé par des moments difficiles et a dû se battre pour revenir à un tel niveau".
Ce podium (le 1er en descente depuis janvier 2011), il le prend, "Janks", "même si j'attends toujours davantage ici en descente à Wengen". Reste que sans une faute en entrée de "Kernen-S", le vainqueur du super-combiné aurait fêté un 2e succès oberlandais en 3 jours! "J'ai tout risqué, bien sûr, mais je me fais "taper" et me retrouve sur le ski intérieur. Ca m'a énervé, c'est sûr".
L'erreur de Janka dans le "Kernen-S" est d'autant plus dommage que c'est un passage qu'il est généralement le seul à négocier à la perfection... "Je savais que je pouvais avoir tout perdu à ce moment-là". Une petite inattention qui coûte gros, alors qu'au final il ne perd que 0"14 sur Reichelt...
Si le skieur d'Obersaxen affiche une frustration légitime, il en est tout autre pour Beat Feuz, privé d'un doublé historique pour seulement 0"12 (Reichelt comptait encore 0"17 de retard au dernier intermédiaire...).
C'est que le Bernois a vécu un début de semaine difficile, avec un genou gauche à nouveau très douloureux. "Pourquoi, je ne sais pas. Mais j'ai alors dû recommencer avec les médicaments, ce qui n'est jamais très bon. Je n'ai pu arrêter que hier (réd: samedi)".
Un "combat pour la vie" pour Feuz
S'il se réjouit d'avoir pu skier sans anti-douleurs ce dimanche, Feuz reconnaît qu'en bas, c'était "un combat pour la vie". "Mais pouvait-il vraiment en être autrement après cette semaine? Après ces traitements, mon genou était fatigué et je suis surpris que ça ait marché aussi bien sur une course aussi longue".
"De toute façon, tout le monde est très fatigué en bas! Avec ma façon de skier moins exigeante physiquement, je savais que quelque chose était possible...".
L'Emmentalois sait toutefois que les prochains jours à Kitzbühel seront difficiles. "Ce résultat donne des ailes, bien sûr. Mais chaque semaine est une lutte pour moi. Je ne suis plus aussi en forme qu'en 2012...".
Si les Suisses regretteront évidemment d'avoir lâché la victoire sur "leur piste", force est d'admettre qu'ils ont réussi une sacrée performance d'ensemble, avec 4 coureurs dans les 8 premiers, et même 7 dans le top-12. Ce résultat, après un début d'hiver difficile, est forcément encourageant à 15 jours des Mondiaux de Vail/Beaver Creek.
"C'est vrai que s'il n'y avait pas eu Reichelt, cela aurait été un résultat de rêve", lâche un Janka qui est assurément, avec Feuz, l'un des grands gagnants du week-end au pied de l'Eiger.
Et, finalement, comme s'en amuse Küng, "Reichelt devant nous, c'est quand même du rouge et du blanc, non? Cette fois, c'est nous qui gagnerons à Kitz!".
Wengen, Daniel Burkhalter - Twitter @DaniBurkhalter
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Küng surpris, mais satisfait
Tenant du trophée, Patrick Küng n'est donc pas parvenu à conserver sa couronne au Lauberhorn, mais le Glaronais se montrait toutefois satisfait de sa 4e place, presque surprenante...
Küng et sa course: Je n'avais pas un très bon sentiment en piste, d'autant que j'avais raté la 1ère courbe et que j'étais ensuite sorti trop large dans le "Langentreien" (réd: partie de glisse après le passage sous le tunnel). Je n'imaginais donc pas finir 4e, d'autant que j'étais encore malade la semaine dernière. Je suis content.
C'est une belle réponse aux critiques de mes entraîneurs à Beaver Creek. Je n'avais ensuite plus très bien skié. Ce résultat me fait donc du bien.
DIDIER DEFAGO (10e avec le no6): Voilà, c'est fini pour moi ici.. Un petit dossard n'est jamais un inconvénient, mais j'attendais mieux pour mon dernier Wengen. Une erreur dans la traverse avant le "Hundschopf" me fait perdre de la vitesse. Feuz? Sur ce genre de neige, avec son toucher, il est très fort. Et on retrouve un grand Janka!
ALAIN BERSET (conseiller fédéral): Il n'a pas manqué grand-chose. Sur une descente de plus de 2'30, 0"14 c'est rien! Mais ça reste une performance incroyable sur cette piste mythique. Et c'est bon signe pour la suite. On attend désormais les Suisses ailleurs! C'était ma première fois ici, mais j'ai envie de revenir! Je vais en discuter avec les collègues (rires).
Une descente marathon!
On l'a dit, les conditions étaient absolument parfaites pour cette descente du Lauberhorn, la plus longue du Circuit avec 4,5 km. Toujours est-il qu'il aura fallu plus de 2h30 pour que les 55 coureurs rallient l'arrivée (éliminés ou non).
S'il y a évidemment eu quelques chutes - et donc des coureurs arrêtés qu'il a fallu remonter au départ -, la plus longue interruption (près de 40') a été causée par un problème de radio entre les commissaires!