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"Je me mets beaucoup moins de pression"

Toujours dans les points cette saison, Murisier espère faire de même à Adelboden. [Ehrenzeller]
Toujours dans les points cette saison, Murisier espère faire de même à Adelboden. - [Ehrenzeller]
Adelboden ouvre le bal des classiques ce week-end avec un géant et un slalom. Meilleur géantiste dans le clan suisse cet hiver, Justin Murisier aura à coeur de confirmer son bon début de saison sur la redoutable Chuenisbärgli.

Au-delà du mythe d'Adelboden, Justin Murisier garde un souvenir particulier de cette course, théâtre de ses débuts en Coupe du monde, lors du slalom en 2010. "Je partais avec le dossard 74, sans attente. J'étais un peu tout fou d'être là". Le Valaisan loupera finalement la 2e manche pour... 3 centièmes!

Six ans plus tard et quelques blessures laissées derrière lui, c'est un Justin Murisier transformé qui se présentera sur la Chuenisbärgli. Plus constant dans ses performances - il a obtenu 3 top-15 en géant cette saison- et plus mature, le skieur de Bruson pourrait s'offrir un joli cadeau lors du géant d'Adelboden, un jour après avoir fêté son 24e anniversaire.

RTSsport.ch: L'an passé, vous n'aviez pas atteint la 2e manche à Adelboden. Au vu de vos résultats cette saison, cela serait une déception de ne pas vous qualifier. Qu'en dites-vous?

J.MURISIER: Bien sûr! Jusqu’à présent, je n’ai pas fait de grosses saisons en Coupe du monde, à part la 1ère avant de me blesser. L’année passée, c’est vrai que c’était difficile pour moi. Cette saison, je suis beaucoup mieux parti. Malgré mon opération en novembre (réd: du ménisque), j’ai quand même fait de bons résultats. C’est clair que je peux attendre mieux que l’année passée, surtout être en 2e manche, voire même de refaire un top-15. Pour moi, cela serait déjà super.

RTSsport.ch: Vous avez toujours fini dans les points cette saison, alors que vous avez vécu plusieurs éliminations l'hiver dernier. Comment expliquez-vous cette nouvelle constance?

J.MURISIER: J'ai beaucoup travaillé avec mes entraîneurs cet été. J'ai essayé de faire des manches solides, pas forcément très très vite mais d’arriver en bas. Et on voit que cela paye ! Je suis toujours à l’arrivée, mais il me manque toujours une seconde pour être parmi les meilleurs. La saison prochaine, on travaillera un peu plus la rapidité et moins la constance. L’année passée, j’arrivais avec de nouveaux skis, j’allais très vite mais je commettais toujours des grosses fautes, donc ça n'a pas payé sur mes résultats.

"J'avais besoin de quelque chose de plus personnalisé"

RTSsport.ch: Vous vous êtes aussi tourné vers un préparateur physique individuel: Florian Lorimier. Que vous a-t-il apporté?

J.MURISIER: On a beaucoup travaillé au niveau de la solidité du tronc, des muscles abdominaux car j’avais un déficit à ce niveau. Cela m’aide beaucoup à être stable sur mes skis et à commettre moins de fautes.

RTSsport.ch: Les entraînements physiques de Swiss-Ski ne vous suffisaient-ils pas?

J.MURISIER:Ce n’est pas mal à Swiss-Ski. Ils font de l’excellent travail, mais après toutes mes blessures (réd: épaules en 2008 et 2010, déchirure des ligaments croisés du genou droit en 2011 et 2012), je sentais que j’avais besoin de quelque chose d'encore plus professionnel, et surtout de plus personnalisé. Je suis donc allé voir Florian. C'est un gros investissement, cela coûte de l’énergie, puisque je dois souvent me déplacer à Neuchâtel. Mais d’un autre côté, je savais que si un jour je voulais skier avec les meilleurs et ne plus avoir mal au dos, c’était la seule solution. Je ne regrette pas du tout ce choix, bien au contraire.

RTSsport.ch: On vous sent également plus serein. Est-ce qu'il y a eu un déclic mental, un changement d'état d'esprit?

J.MURISIER: C’est possible. Par rapport à l’année passée, je ne suis qu’un an plus vieux. Je sens que je me mets beaucoup moins de pression. Je skie pour moi. Je sais que les résultats sont pour moi. J’arrive à être au départ avec beaucoup moins d’attente. Et ce relâchement, il se ressent sur la piste. Le fait d’être parti chez Florian, de sortir des structures de Swiss-Ski, c’est également un signe de maturité. Beaucoup n’osent pas le faire. Cela m’a un peu ouvert l’esprit.

Cela m’a aussi montré le nombre de facteurs dont on doit tenir compte. A partir de ce constat, j'ai pu me concentrer sur des éléments que je n'avais jamais travaillé. Je suis un peu plus réaliste. Avant, je vivais sur un nuage. Maintenant, je me rends compte qu’on n'arrive pas en Coupe du monde seulement en claquant des doigts. Il n’y a que le travail qui nous amène là où on veut aller.

RTSsport.ch: L'équipe de Suisse a connu plusieurs blessures cette saison (Feuz, Küng, Janka...) et n'a pas encore fêté de podium. Comment l'équipe vit-elle cela?

J.MURISIER: On ne peut rien faire contre les blessures, c'est de la malchance. Cela peut arriver dans toutes les nations. Cette année, c’est nous. L’an passé, c’était Svindal. On ne peut mettre la faute ni sur Swiss-Ski, ni sur les athlètes. Ces blessures expliquent en partie pourquoi on n’a pas de podium.

"Swiss-Ski a fait des bilans trop tard"

RTSsport.ch: L'équipe a toutefois de quoi se réjouir avec les résultats de Daniel Yule et Luca Aerni en slalom...

J.MURISIER: Tout à fait. Yule et Aerni font à 22 ans de très bons résultats. A cet âge, à part Kristoffersen, il n'y a personne devant eux. Les résultats vont arriver, leur carrière va être pleine de succès, je pense, vu qu’à 22 ans, ils sont déjà dans le top-10! Par rapport à notre absence de podiums, ce n'est pas facile à vivre, surtout pour les médias. Ils ne s’en rendent pas compte que cela prend du temps d’arriver en Coupe du monde, que c’est un chemin semé d’embûches. Chez les Autrichiens, il y a la montagne qui cache le reste. A part Marcel Hirscher, il n’y a pas 40 podiums.

RTSsport.ch: Mais n'aurait-on pas pu éviter ce passage à vide chez les Suisses?

J.MURISIER: Je pense que le problème est que Swiss-Ski a fait des bilans trop tard. On a attendu que les 2 Didier (réd: Cuche et Défago) arrêtent pour se rendre compte qu’il n’y a plus de podium, qu’il y a un manque en technique. Swiss-Ski a commencé à travailler avec des gens très compétents, avec Steve Locher et Jörg Roten, mais beaucoup trop tard. Ils ont pris des jeunes pour les amener en Coupe du monde, mais cela dure bien sûr, de 3 à 5 ans.

Il aurait fallu prendre des initiatives, essayer d’aller recruter des jeunes et de bons entraîneurs plus tôt. Je pense que Swiss-Ski a appris de ses erreurs. On est en train de construire une bonne équipe. Il faut seulement être patient. Nous allons au-devant de quelques années plus difficiles.

RTSsport.ch: Vous êtes un peu le seul à surnager en géant cet hiver. Quels sont vos objectifs pour la suite de la saison?

J.MURISIER:Mon but au début de saison était de rentrer dans les 30, de baisser mes numéros de dossards. Là, je les ai déjà bien baissés. Ce qui va venir dans la saison ne sera que du bonus. J’ai pu faire 3 top-15. Je veux continuer sur cette lancée. On sait qu’il y aura des courses plus difficiles, mais sur de belles courses et avec de bonnes conditions, je vais pouvoir faire de bons résultats. Mon objectif, c'est donc de faire des top-15, de me rapprocher des meilleurs. Et pourquoi pas l’année prochaine, déjà faire un podium. Cela serait génial.

Propos recueillis par Jennifer Ballmer - @jenni_ballmer

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"Ce que j'ai vécu à travers mes blessures m'a rendu plus fort"

RTSsport.ch: Vous avez été opéré du ménisque en novembre. Comment avez-vous vécu cette nouvelle opération ?

J.MURISIER: Au premier abord, je croyais que je m’étais de nouveau cassé les croisés donc mentalement, c’était très difficile. Quand j’ai su que ce n’était « que » le ménisque, je l’ai pris de manière plus positive, car je me suis dit "au pire, je loupe une ou deux courses mais je vais quand même pouvoir faire ma saison". Plus les jours passaient, plus je retrouvais ma condition physique et mon agilité dans la jambe. De jour en jour, je me suis approché de mon but d'être à Beaver Creek. Finalement, j’ai mis toutes les chances de mon côté et cela a marché. Une blessure comme cela, pour moi, c’était plus facile à passer au-dessus que celles des ligaments que j’avais vécues avant.

RTSsport.ch
: Que retirez-vous de toutes vos blessures ? Vous ont-elles rendu plus fort?

J.MURISIER
: Je ne crois pas qu'une blessure en tant que telle te rend plus fort. Cela abîme ton corps, ça te fait compenser, ça t'amène des douleurs partout. Mentalement, c’est difficile. Par contre, les expériences que j’ai vécues à travers mes blessures m’ont rendu plus fort. Me rendre compte de la charge d’entraînement, de la nutrition… de tout ce qu’il y a autour. Avant, j’étais plutôt inconscient. Je m’entraînais sans trop réfléchir.

Justin Murisier et...

l'ambiance sur circuit:
Je suis, je pense, assez ouvert. Je m’entends aussi bien avec un Autrichien qu’avec un Allemand, un Français ou même un Anglais comme Dave Ryding. L’ambiance est vraiment super. Après, il y a toujours des confrontations. Cela restera toujours les Autrichiens et les Suisses (rires)! Mais cela reste plutôt un mythe qu’autre chose. Contrairement, à la Formule 1 ou à la moto, on n’a pas notre team privé. Souvent, entre les 2 manches, on est dans la même pièce tous ensemble donc cela serait dommage de s’ignorer. La saison serait trop longue. Je me bats plus contre le chrono que contre les autres athlètes.

ses modèles:
Daniel Albrecht a longtemps été un modèle pour moi. Il a amené une nouvelle technique. Il a révolutionné notre sport. Sinon, les deux Didier (réd: Cuche et Défago) pour leur longévité et leur carrière incroyable sont aussi des exemples. Aujourd’hui, j'admire Marcel Hirscher. C’est le plus fort mais c’est aussi un des athlètes les plus sympathiques sur le circuit, toujours souriant, à dire bonjour à tout le monde. Et il travaille pour gagner. Entre les manches, il va toujours travailler pour trouver la meilleure solution pour la 2e manche.

Justin Murisier en quelques informations

Né le 8 janvier 1992 à Martigny

Première course en Coupe du monde:
10.01.2010 - Adebolden, géant (pas qualifié pour la 2e manche)

Meilleurs résultats en Coupe du monde:
12.12.2010 - Val d'Isère, 8e du slalom
26.01.2014 - Kitzbühel, 9e du super-combiné
12.12.2015 - Val d'Isère, 11e du géant