A 35 ans, Didier Cuche fait partie des "vieux" sur le Cirque
blanc. Au point que le Neuchâtelois en vient à se demander si cette
saison olympique ne sera pas la dernière. La 17e et dernière. C'est
en 1993 à Bormio que le champion du monde de super-G 2009 a posé
ses 1ers coups de latte sur les pistes de Coupe du monde. Un bail.
"C'est vrai que je pense parfois à profiter davantage de la
vie. L'esprit vagabonde vers l'après-carrière", concède-t-il,
clin d'oeil à l'appui Mais Cuche a encore un rêve. Une seule
médaille lui manque, la plus belle: l'or des JO. Le skieur des
Bugnenets s'est confié à tsrsport.ch. Avec philosophie.
"Ce serait déjà incroyable d'aller à Vancouver"
tsrsport.ch: Didier Cuche, 17 saisons sur
la Coupe du monde, ça fait longtemps, très longtemps. Qu'est-ce qui
vous fait encore courir, à 35 ans?
DIDIER
CUCHE: Mon but, c'est
de m'approcher toujours plus de la perfection. Cette dernière
n'existe pas, mais on peut aller tout près. On devrait ainsi
pouvoir faire abstraction du résultat. Maintenant, je ne sais pas
si ce sera ma dernière saison ou pas. Ca dépendra de la santé et de
la motivation.
tsrsport.ch: La médaille d'or aux JO, la
seule qui vous manque, ça décidera de tout?
DIDIER CUCHE: Les Jeux, il est clair que c'est LE
rendez-vous de l'hiver. Mais ça ne modifie pas mon approche pour
autant. Sans de bons résultats avant, il ne faudra pas trop rêver à
Vancouver. Ce serait déjà une chance incroyable d'y aller une
nouvelle fois (réd: après 1998, 2002 et 2006).
tsrsport.ch: Jusque-là, vous avez tout
gagné... sauf l'or olympique et le général de la Coupe du
monde!
DIDIER CUCHE: C'est vrai que le grand Globe de
cristal et l'or aux JO, ce serait la plus belle des fins. Mais ce
ne sera pas la fin du monde non plus si j'arrête sans ces lignes
sur mon CV.
tsrsport.ch: Mais aurez-vous des
regrets?
DIDIER CUCHE: Non, je ne pense pas.
"Sans les super-combinés, j'aurais gagné la Coupe du monde 3
fois"
tsrsport.ch:
Pourtant, sur les 3 dernières saisons, vous manquez le général
de peu!
DIDIER CUCHE: Ces 3 saisons m'ont justement bien
aidé à être plus serein. Toutes les courses que je peux "aller
chercher", je dois les avoir en mains. Si ce n'est pas le cas, je
ne peux pas gagner. Je dois dire que ma vision de la compétition a
beaucoup évolué. Mais il est clair aussi que sans les
super-combinés, j'aurais gagné la Coupe du monde 3 fois! Mais c'est
aussi de ma faute. Si je n'avais pas été blessé autant dans ma
jeunesse, j'aurais pu faire davantage de slalom. Aujourd'hui j'en
fais un peu pour avoir les atouts en mains.
La saison passée, c'est en décembre que j'ai perdu le général. Je
sentais que je l'avais tellement dans les pieds que j'ai trop
poussé. Mais j'ai toujours cherché à rester en dehors du discours
"général de la Coupe du monde", histoire de rester concentré sur
mes forces.
tsrsport.ch: Le fossé est-il vraiment trop
grand par rapport aux autres en slalom?
DIDIER CUCHE: Quand moi je ne passe que 2000-2500
portes pendant la préparation estivale, d'autres en passent 5 fois
plus! Mais j'ai de bons passages et, sur 2-3 portes, je n'ai pas
grand-chose à envier aux spécialistes.
tsrsport.ch: Vous ne vous êtes jamais dit:
"Bon, je suis bon en descente, en géant et en super-G, cette année
je vais axer davantage sur le slalom"?
DIDIER CUCHE: Non non, pas de là à sacrifier les
autres disciplines. Je dois quand même avouer que je suis à des
années-lumière de ce qu'il faudrait en slalom...
tsrsport.ch: Ca commence samedi, à Sölden.
Jusqu'à l'année passée, cette course se "refusait" à vous. Puis
cette 2e place!
DIDIER CUCHE: Là-bas, j'ai souvent eu
l'impression que j'avais ça sous les pieds...
Propos recueillis par Daniel Burkhalter
"Je n'aurai pas un goût d'inachevé"
tsrsport.ch: Finalement, quoi qu'il arrive, c'est donc l'esprit serein que vous tirerez le rideau sur votre carrière?
DIDIER CUCHE: Je veux arriver à la fin en ayant l'impression d'avoir donné tout ce que je pouvais. Alors là, je serai en paix avec moi-même. En plus, quand je regarde mon palmarès (médailles d'argent et de bronze aux JO, "panoplie complète" aux Mondiaux, Globes en descente et en géant et plusieurs titres nationaux), je ne pense pas qu'il y aura un goût d'inachevé au moment de la retraite.
tsrsport.ch: Vous évoquez souvent la notion de plaisir pour parler de votre métier...
DIDIER CUCHE: J'ai plaisir de savoir que je suis dans le portillon de départ avec toutes les cartes en mains, que je sais que je peux jouer la "gagne". Savoir avant de s'élancer que l'on sera l'un des acteurs principaux est valorisant et... très agréable (sourire)!
tsrsport.ch: Vous passez justement pour quelqu'un qui ne laisse rien au hasard, un athlète qui travaille énormément...
DIDIER CUCHE: Mon but est de pouvoir contrôler tout ce qui peut être contrôlable. Il est ainsi ensuite beaucoup plus dur d'avoir des regrets. Quand on se plante sur un événement, on sait ainsi qu'on a fait tout ce qu'il était possible de faire. Pour le reste, cela dépend de la chance du jour.