Daniel Albrecht se trouve à la croisée des chemins. Arrêter ou continuer? La question semble le tarauder de plus en plus, et ce n'est pas sa performance samedi lors du géant d'Adelboden - sorti en 1ère manche - qui devrait le motiver à poursuivre son chemin de croix.
On s'en souvient tous, le Haut-Valaisan a été victime d'une terrible cabriole lors d'un entraînement de descente à Kitzbühel, le 22 janvier 2009. Hémorragie cérébrale, contusions à un poumon: il passe tout près de la mort. C'est presque miraculeusement qu'il "revient à la vie" après 3 semaines de coma. Amnésique, mais "en forme".
Un retour une première fois reporté de 12 mois
A ce moment-là, un retour sur les skis n'est évidemment pas d'actualité, mais il le deviendra bien vite. Il est même envisagé pour la saison 2009/10. Déjà. La raison l'emporte toutefois tout aussi vite. Insuffisamment préparé, le champion du monde de combiné 2007 reporte son come-back de douze mois.
"A l'époque déjà, je sentais que je reviendrais. Maintenant j'en suis convaincu"
, déclare Albrecht en octobre 2010, avec Sölden en ligne de mire. Une blessure à un genou lors d'un entraînement à Saas-Fee le ralentit. Ce n'est finalement que le 5 décembre, lors du géant de Beaver Creek - 681 jours après son accident -, qu'il revient. Il surprend même tout son monde en terminant 21e (17e de la 1ère manche).
Revenu de l'enfer, Daniel Albrecht a approché le soleil de près. Un retour qui lui offre les rêves les plus fous d'un retour au 1er plan, là où son talent l'avait mené avant ce tragique accident. Mais à la facilité, le skieur de Fiesch n'y a jamais cru. Il savait qu'un véritable retour prendrait du temps. Beaucoup.
Le souvenir de 2008, avec son "jumeau"
Un peu plus d'un an plus tard, Daniel n'a plus grand-chose d'"albright". Il se tient la mine défaite et frustrée dans l'aire d'arrivée de la "Chuenisbärgli, là où, en 2008, il avait fini 2e derrière son "jumeau" Marc Berthod. Une autre époque. Pour les deux hommes d'ailleurs, même si pour Berthod c'est une autre histoire. Albrecht hésite. Continuer ou arrêter. De son plein gré cette fois.
Depuis décembre 2010, Albrecht a aligné les échecs (9, dont 5 sorties de piste). Son meilleur résultat est une 11e place en descente, mais seulement en "South American Cup", au Chili. Sur le Cirque blanc, le vrai, il n'a réussi que deux résultats, à Beaver Creek justement, et à Adelboden l'an dernier (29e).
"Tu ne sais plus quoi faire, plus quoi penser"
Samedi, le triple médaillé des Mondiaux d'Are'07 a une nouvelle fois "fauté" sur le 1er tracé. "C'est un moment très difficile", confie-t-il. "Tu es au sol, tu te dis que rien ne marche. Tu ne sais plus quoi faire, plus quoi penser".
Albrecht sait que pour retrouver ses sensations, le géant n'est pas idéal actuellement, avec un tableau très relevé et de nouvelles dispositions. "Tout doit vraiment jouer, sinon tu n'as aucune chance de te qualifier". Au départ, le "feeling" était pourtant bon, assure-t-il. "Je me suis dit: vas-y, fais de ton mieux".
Mais les doutes sont vite apparus. "Comment réagir si tout ne roule pas à 100%? Quand tu n'es pas très bien, pas sûr de toi, tu peux être certain à 99% que tu feras les mauvais choix. Et ça s'est produit...". Le regard semble vide, mais on sent l'envie de se confier, de trouver une épaule accueillante. "Aujourd'hui, je peine à faire les choses justes...".
Tout recommencer à zéro? Il peine à se motiver...
Pour retrouver les sommets, Albrecht aurait envie de "tout recommencer à zéro, d'établir un nouveau planning". "Mais je peine de plus en plus à me montrer patient. J'éprouve toujours davantage de peine à y croire". Et si même lui n'y croit plus vraiment...
Albrecht a pourtant déjà voulu recommencer tout en bas, avec des courses FIS. Manque de chance, les 3-4 épreuves qu'il comptait disputer ont été annulées! "Tu te prépares, tu y vas et au final la course est annulée et tu rentres sans rien. Ce n'est pas très motivant...".
Pas sûr d'être à Wengen
Le garçon hésite d'ailleurs à se rendre à Wengen, où "il était prévu" qu'il fasse l'entraînement du super-combiné. "Mais avec les conditions de neige actuelles, aller tenter de retrouver un bon sentiment en course est juste quasiment impossible...". On en viendrait presque à parier que le Lauberhorn ne verra pas ses skis.
A 28 ans, le Haut-Valaisan tirera-t-il un rideau définitif sur une carrière ébranlée trop tôt, après seulement 3 succès en Coupe du monde. On semble s'en rapprocher de plus en plus.
Adelboden, Daniel Burkhalter
Les échos d'Adelboden
Défago, un bon pronostiqueur: Le Morginois l'avait dit: "on jouera la victoire entre skieurs expérimentés comme Raich ou des jeunes, comme Hirscher et Ligety". Bien vu! Le jeune Autrichien l'a emporté - 4e succès cet hiver - devant Raich (3 succès à Adelboden) et Blardone (gagnant en 2005 et deux fois 2e sur la "Chuenisbärgli"). "Les spécialistes sont à leur avantage ici", analyse "Déf".
Une autre époque, un autre chrono: Didier Cuche l'a souligné, le géant a "bien" évolué, est devenu beaucoup plus tournant. "En 2002, quand je gagne ici, je fais 11" de moins qu'aujourd'hui en 1ère manche aujourd'hui!". 1'12"67 contre 1'23"12! Une sacrée "évolution".
Feuz, une rencontre inattendue: pas de chance pour Beat Feuz en 2e manche. Deuxième coureur à s'élancer, le Bernois a vu un pisteur attardé interrompre sa course. "J'ai vu 1-2 secondes avant qu'il y avait un "obstacle", mais j'espérais qu'il allait disparaître". En vain. "Je ne peux pas lui en vouloir, il ne l'a pas fait exprès. C'est juste dommage car je bénéficiais alors d'une piste parfaite". Feuz a pu s'élancer une 2e fois, mais après le passage de 10 concurrents...
Que de déchet! 29 concurrents n'ont pas rallié l'arrivée de la 1ère manche, une sacrée "performance". Il y avait 66 skieurs au départ. Soit presque du 50-50.
Trop tard pour changer de "tactique": "il nous manque du temps par rapport aux spécialistes, qui ont toujours leurs skis de géant au pied", explique Didier Cuche. "Ils alignent les piquets et, chez eux, tout se fait à l'instinct". D'où une interrogation: "faudrait-il laisser tomber l'entraînement en vitesse durant l'été et l'automne, et privilégier le géant? On pourrait ensuite s'entraîner et chercher les réglages en descente sur les premières courses... Mais bon, pour moi il est un peu tard pour se poser ces questions!".
Pas de podium, mais un joli "tir groupé": les Français, qui avaient triomphé sur la "Chuenisbärgli" en 2011 (Cyprien Richard ex aequo avec Aksel Svindal) ont placé 4 des leurs dans le top-9. Chapeau.
Un Benjamin Raich heureux: victime d'une déchirure d'un ligament croisé du genou gauche au février lors des Mondiaux, l'Autrichien a signé son 1er podium depuis son retour. "Je ne peux pas expliquer à quel point je me réjouis de cette 2e place, qui plus est ici", a déclaré celui qui compte désormais 9 podiums à Adelboden, dont 3 succès. "Je savais au fond de moi que j'étais sur la bonne voie, même si ça ne se voyait pas de l'extérieur". L'homme aux 35 victoires en Coupe du monde n'avait, il faut le rappeler, rechaussé les skis que le 16 août dernier... On peut dire que c'est un retour réussi!