"Il prend sa retraite trop tard, c'est l'été dernier qu'il aurait dû le faire!". Franz Klammer n'en pense évidemment pas un mot. Il se montre même très admiratif de la performance de Didier Cuche qui, avec ce 5e succès sur la Streif, le prive du record de nombre de descentes gagnées à Kitzbuehel.
"On ne peut que l'admirer", poursuit l'Autrichien (58 ans) aux 25 victoires CDM en descente (record). "Maintenant, c'est lui le "Kaiser" (réd: l'empereur) de Kitzbuehel", annonce-t-il.
"Il a fait une superbe course, montré à tout le monde comment il faut s'imposer ici", précise Klammer. "Qu'il gagne une 2e descente sprint? Une victoire est une victoire! Il mérite ce record!".
Le tracé amputé d'environ 40 secondes
Cette descente aurait très bien pu ne jamais se tenir, tant les conditions météo sont mauvaises sur le Tirol. A l'exception d'une parenthèse au petit matin, il neige presque sans discontinuer sur Kitzbuehel depuis vendredi midi. Pire, le brouillard s'est gentiment installé en cours de matinée.
Les flocons tombaient avec force, mais les organisateurs ont maintenu le cap, abaissant seulement le départ à la hauteur de la "Alte Schneise", soit à peu près aux deux-tiers du tracé.
Comparé aux éditions "complètes", Cuche et Cie ont été privés d'environ 40" de course - il gagne en 1'13"28 (1'57"72 en 2011) - et surtout des passages de la "Mausefalle" et du "Steilhang".
"Une annulation m'aurait fait mal"
"Ce n'est pas la 1ère fois que les gens réalisent un miracle ici", raconte Didier Cuche. "La piste était juste parfaite, mieux même que lors du 2e entraînement!". Le Neuchâtelois, qui a annoncé sa future retraite il y a 2 jours, était évidemment soulagé d'avoir pu défendre son double titre.
"Vendredi soir, j'ai dit en plaisantant que si la course était annulée, je serais obligé de revenir gagner une 5e fois l'année prochaine", dit celui que l'on surnomme désormais "Cuchebuehel".
C'était bien évidemment un gag. Cuche ne reviendra pas sur sa décision de ranger ses skis. "Mais ça m'aurait quand même fait mal si la course avait dû être annulée", confie-t-il.
Cuche a rallié le sommet en Cuche
La course n'a donc pas été annulée, et Cuche a pu réaliser un nouveau festival, en fin de parcours surtout, pour, affront suprême - devancer 3 Autrichiens. "L'hymne suisse qui résonne ici à Kitzbuehel, dans la "cage au lions", c'est encore plus spécial", dit-il.
Clin d'oeil du destin, c'est dans la cabine au nom de Klammer que le futur vainqueur s'est rendu à la reconnaissance. "Mais c'était un pur hasard".
"Par contre, au moment de remonter pour la course, je me suis retrouvé devant la cabine no82, celle de Marco Buechel. Et je savais que la suivante était la mienne...". Le Vaudruzien a donc patienté un instant, histoire de rallier le sommet dans "l'oeuf" à son nom!
4e victoire en 5 ans à "Kitz"
Au moment de faire part des ses émotions, le "Suisse de l'année" 2011 se montrait lui-même étonné. "C'est tout simplement incroyable, surtout que ma manche était loin d'être parfaite. Tout le monde attendait ma victoire ici, et moi aussi d'ailleurs. Mais y parvenir est juste inimaginable", explique-t-il.
Et peu importe que Cuche, en 5 succès sur la Streif, n'ait gagné que 2 fois sur la "complète". Où que l'on place le départ, il s'impose (4e fois en 5 ans)!
"C'est beau de savoir qu'on domine toute la pente, de haut en bas", confirmet-il. "Mais quelque soit le lieu de départ, cela reste une course difficile à gagner", a-t-il déclaré, ne manquant pas de remercier son serviceman.
"J'en ai profité à fond"
Cuche fait donc ses adieux à Kitzbuehel en "empereur", avec le sentiment, certainement, que son record sera difficile à aller chercher. "J'ai pensé au fait que c'était ma "dernière" juste avant de m'élancer", raconte le skieur des Bugnenets. "J'ai poussé encore plus fort et j'en ai profité à fond!".
Mais pas question de crier victoire trop vite. Le Vaudruzien a attendu sagement le passage du dernier concurrent avant de se lâcher. "Quand il neige comme ça, tout peut arriver. Surtout si ça s'arrête tout d'un coup!".
Le "vieux lion" (37 ans) a donc rugi une dernière fois dans sa combinaison de skieur à "Kitz". Mais il n'est pas certain qu'il ne rugira plus cet hiver!
Le podium rend hommage à Cuche
ROMED BAUMANN/AUT (2e): Je ne sais pas si ce sera plus facile après le départ à la retraite de Didier Cuche. Les Suisses ont beaucoup de jeunes qui poussent. Il faudra être attentif.
KLAUS KROELL/AUT (3e): Ce que Didier a réalisé est incroyable. Gagner ici 5 fois, c'est exceptionnel. Il a écrit l'histoire. Après "Mich" Walchhofer, on perdra un autre "grand". En tant qu'athlète, on est content (rires), mais se frotter à lui à toujours été un sacré challenge!
"Pas déçu de ma 6e place"
BEAT FEUZ (6e):
Dommage que la météo était aussi mauvaise... Moi, je ne peux pas être déçu par ma 6e place, surtout que j'ai eu la toux et mal à la gorge ces 2 derniers jours. Mais ça ne m'a pas dérangé en course. Malheureusement, j'ai dû m'élancer après la pause TV, et il y avait de la neige sur la piste...
A propos de Cuche: C'est extraordinaire qu'il gagne à nouveau. On peut tous s'incliner. Son annonce de retraite lui a enlevé la pression, et je pense qu'on peut s'attendre à une suite d'hiver assez marrante avec lui (rires)... Ici, il skie vraiment dans son jardin, bénéficie d'une énorme confiance. Il maîtrise chaque passage. J'ai encore quelques années pour battre son record!
"C'était vraiment... sprint!"
SILVAN ZURBRIGGEN (24e): C'était une manche vraiment... sprint! Ca ne ressemblait pas à la traditionnelle descente de Kitzbuehel. Mais il faut penser au public, on ne peut pas annuler une course comme ça. La visibilité n'était pas mal, mais la piste était assez molle en milieu de parcours. Si c'était dangereux de s'élancer? Non pas du tout car la vitesse était basse.
A propos de Cuche: Ce qu'il a réussi est vraiment phénoménal, génial.
Kitzbühel/Daniel Burkhalter