plus sur sa soirée. Mais il a longuement évoqué sa semaine, ses émotions.
- Comment avez-vous vécu la cérémonie de la remise des trophées? On vous a senti au bord des larmes pendant l'hymne...
DIDIER CUCHE: C'était très émouvant, comme une sorte d'adieux. Contrairement peut-être à l'aire d'arrivée, il y avait énormément de monde, peut-être venu pour me dire adieu. C'était de l'émotion pure, la dernière fois ici.
- Votre popularité est grande ici. Les Autrichiens disent que "Cuche, c'est un des nôtres". Ca vous touche?
DIDIER CUCHE: C'est à la fois touchant et impressionnant. Je peine à expliquer cette cote de popularité dans le pays de nos principaux rivaux sur les skis.
- Des "anciens" comme Franz Klammer ou Luc Alphand affirment que vous êtes le "roi de Kitzbuehel". Comment prenez-vous ces hommages du "milieu"?
DIDIER CUCHE: Ce sont ceux qui touchent le plus, car ils proviennent de gens qui ont déjà skié cette piste, qui ont déjà gagné ici. Ils savent ce que représente une victoire sur la Streif.
"Revenir ici pour réaliser complètement"
- Vous semblez avoir de la peine à réaliser ce qui vous arrive cette semaine, avec votre annonce et ce 5e succès...
DIDIER CUCHE:
Si j'ai l'air un peu perdu ce matin, c'est parce que je suis un peu fatigué (rires)! C'est vrai que j'ai encore de la peine à réaliser. Il me faudra du temps, un an peut-être. Je devrai peut-être revenir ici pour réaliser complètement.
Il faudra que je me pose quelque part au bord de la piste - ce que nous avons rarement le temps de faire, à part parfois à l'entraînement. Ca fait toujours bizarre, car c'est toujours plus impressionnant à regarder qu'à faire. Ce recul-là me permettra peut-être de prendre conscience de la folie que représentent Kitzbuehel et la Streif.
- Marco Buechel nous disait l'autre jour qu'il lui avait été très difficile de revenir en tant que spectateur,de voir les copains descendre. Est-ce quelque chose qui vous fait peur?
DIDIER CUCHE: Je ne peux pas vraiment répondre. J'imagine que même après une année on se sent encore capable de descendre, et même de faire un bon chrono. Mais les choses vont tellement vite en ski. J'étais aussi en pleine possession de mes moyens au Lauberhorn et je finis 15e! J'aurai très certainement des regrets après avoir raccroché, mais je pourrai aussi apprécier le spectacle sans me mettre de pression, et sans prendre les risques pour arriver en bas
- Vous avez toujours dit skier pour les émotions. Votre semaine en a été riche. Comment l'avez-vous vécue?
DIDIER CUCHE: Cela avait déjà été le grand huit à Wengen, avec une déception difficile à encaisser puis cette élection comme "Suisse de l'année". Celle-ci m'a donné un coup de fouet, j'ai senti que le public était derrière moi, ce qui aide à se surpasser sur la piste. Puis, lundi, j'ai pris conscience que j'avais envie de raccrocher les chaussures au mur. Ensuite, tout s'enchaîne. C'est juste fou...
"L'émotion est là, mais contrôlée"
- Qu'est-ce qui vous a le plus marqué: votre annonce de retraite ou cette 5e victoire en apothéose?
DIDIER CUCHE:
Les 2 moments sont très forts, mais en même temps complètement différents. Les regrets vont gentiment survenir. Plus la fin de saison va se rapprocher, plus je vais comprendre que ce sera la fin. Cette décision s'est mise tellement gentiment en place, avec la prise de conscience que je
voulais quitter le circuit, que je n'avais plus toujours la force de me faire souffrir suffisamment pour être compétitif durant l'hiver. C'est venu gentiment. L'émotion est donc là, mais contrôlée.
Finalement, ça ressemble un peu à ma victoire de samedi, très différente de la 1ère ici. Je ne veux pas dire que je me suis habitué à gagner ici (rires), mais quand on se prépare dans la tête à gagner et qu'on y arrive, c'est différent émotionnellement que lors d'une victoire surprise.
- Mais cette 5e victoire sur la Streif, n'est pas quand même la plus belle?
DIDIER CUCHE: Non, c'est d'atteindre le record qui est particulier. Ce n'était pas la plus belle course ici, personne ne me contredira. Mais dans quelques années, plus personne ne se souviendra s'il y avait du ciel bleu ou pas! Mais je me souviendrai aussi de ma victoire lors du 2e entraînement, sous un beau ciel bleu et sur ce dernier saut où je me suis fait plaisir.
- Cette 5e victoire ici constitue en quelque sorte un aboutissement. Sera-t-il difficile de se remobiliser?
DIDIER CUCHE: Non, ce sera même très motivant. Samedi soir, j'ai eu droit à une "standing ovation" sous la tente VIP, par des gens très importants, de gros sponsors. Que les gens se lèvent tous, c'était juste incroyable. Avec ces sensations-là, il est difficile de ne pas se sentir bien. Et en général, c'est ce qu'il faut, se sentir bien pour parvenir à lâcher ce qu'il faut.
"Je vais continuer mon petit bonhomme de chemin"
- Si vous ne deviez retenir qu'une image de votre semaine, ce serait laquelle?
DIDIER CUCHE: Le passage de la ligne. Entendre le public et la découverte du chrono. Tout se passe dans cette fraction de seconde: le record, le plaisir,... Savourer ces derniers moments avec une victoire, c'est un privilège.
Le scénario était peut-être écrit à l'avance, mais qu'il se concrétise, c'est vraiment une chance, un privilège, je le répète. J'ai conscience de cela. Mais je sais aussi que tout peut basculer très vite. On skie sur le fil du rasoir, et plus la bonne série se prolonge, plus la tuile se rapproche. J'apprécie donc le moment présent.
- Ce record maintenant en poche, vous allez désormais skier sur un nuage, dans des courses comme Garmisch ou Kvitfjell que vous appréciez...
DIDIER CUCHE: En fait, j'ai aussi pensé après ma victoire à Lake Louise que je skierais sur un nuage, mais j'en suis vite retombé! Les choses vont tellement vite. Je vais essayer de garder ce bon influx et cette façon de skier. Mais rééditer la même performance ne sera pas facile, les pistes et les conditions ne seront pas les mêmes. Je vais continuer mon petit bonhomme de chemin, en mettant tous les atouts de mon côté et en faisant les choses de la manière la plus professionnelle possible.
- Votre retraite, vous y pensez déjà?
DIDIER CUCHE: Non, c'est encore trop loin. Finissons déjà la saison. Après, il est sûr qu'il faudra que je trouve mes marques, et je sais très bien que ce ne sera pas facile, notamment lors des premiers mois. J'ai aussi conscience qu'il me sera impossible de revivre ce que je vis en ce moment. A moins que cela se fasse au travers d'un autre sport extrême, ou un sport automobile. Il faudra que je trouve mes marques...
de Kitzbühel, Daniel Burkhalter
"La lutte est relancée"
- D'un point de vue plus sportif, cette victoire vous relance également pour le Globe de la descente...
DIDIER CUCHE: Je prends volontiers ces 100 points. La lutte est relancée, même si Beat (réd: Feuz) est très fort en ce moment. Il a encore montré une très grande course samedi, malgré un départ après la pause TV et cette neige qui tombait. C'était une grosse performance
- Vous parlez beaucoup de Beat Feuz ces jours. Est-il le futur gros "crack"?
DIDIER CUCHE: Au niveau de la vitesse, nous avons une équipe très solide, avec beaucoup de gars pouvant gagner. Mais je pense que Beat, avec sa capacité de gagner en combiné, sera à l'avenir, et même dès cette saison, un gros client pour le général s'il ne se blesse pas