Sylvain Freiholz: "Toute l’équipe de Suisse profite des résultats de Killian Peier"

De retour de blessure, Killian Peier (26 ans) s’est montré très solide depuis le mois de novembre. Il a terminé à 5 reprises dans les dix premiers, dont deux fois au pied du podium à Engelberg. "Killian a marqué les esprits dans la station obwaldienne. Il a montré à tout le monde qu’il pouvait jouer la victoire. L’ascendant psychologique est de son côté. On sent qu’il a de l’énergie à revendre et que tout est en place pour s'illustrer en 2022", indique avec enthousiasme Sylvain Freiholz.

Killian Peier monte en puissance au fil des semaines et entraîne les autres sauteurs helvétiques dans son sillage. Même s’ils ne sont pas aussi réguliers que leur leader, Simon Ammann (40 ans), Gregor Deschwanden (30 ans) et Dominik Peter (20 ans) figurent souvent dans le top-30 mondial. "Cette belle densité des Helvètes me réjouit. La Suisse possède environ 150 licenciés. En Norvège et Pologne, ils se comptent par milliers…", souligne Freiholz.

RTSsport: Quelles sont les chances de Killian Peier à l'aube de la 70e Tournée des Quatre Tremplins qui s’ouvre mercredi?

SYLVAIN FREIHOLZ: Killian fait partie des sauteurs qui peuvent terminer sur le podium de la Tournée. Mais la liste des prétendants à la victoire finale demeure assez grande pour l’instant.

RTSsport: Il y a eu 6 vainqueurs différents en 9 concours cet hiver. Difficile de dégager un favori…

SYLVAIN FREIHOLZ: Le Japonais Ryoyu Kobayashi est actuellement le meilleur sur le tremplin. Mais il a manqué 3 concours en raison du Covid et n’a pas encore réussi à enchaîner 2 très bons sauts. Derrière lui, il y a une dizaine de sauteurs qui sont très proches. Cela promet beaucoup pour la Tournée. Je souhaite que les conditions météo soient optimales pour tout le monde lors du 1er concours afin de garantir du grand spectacle.

Killian est capable de mieux gérer ses émotions et d'éliminer le négatif. Dès qu’il y a un élément qui ne fonctionne pas, il le note dans un calepin en vue de le corriger par la suite

RTSsport: Comment expliquez-vous les belles performances de Killian Peier?

SYLVAIN FREIHOLZ: Physiquement, il est en pleine forme. Il a une détente qui est pratiquement similaire à celle qu’il avait avant sa blessure au genou droit. Mentalement, il est devenu plus fort. Killian est capable de mieux gérer ses émotions et d'éliminer le négatif. Dès qu’il y a un élément qui ne fonctionne pas, il le note dans un calepin en vue de le corriger par la suite.

RTSsport: Vous l'avez accompagné lors de ses 1ers sauts sur un tremplin. Quels souvenirs gardez-vous de cette période?

SYLVAIN FREIHOLZ: Avant de faire du saut à skis, Killian a pratiqué le basketball et la gymnastique. Il est arrivé avec ce "bagage" au bord du tremplin lorsqu’il avait une dizaine d’années. C’était plutôt tardif, mais il a su compenser ce retard. Je me souviens qu'il était capable de comprendre rapidement les indications et de faire les corrections nécessaires. Je pensais que tous les enfants étaient comme lui, mais je me suis rendu compte que ce n’était pas le cas (sourire).

Killian fait les bons choix, mais il y a aussi une équipe autour de lui qui travaille de manière optimale. C’est bon signe pour la Tournée et les JO

RTSsport: Cet hiver, on a l’impression qu’il est à l’aise sur tous les types de tremplin et dans n’importe quelle condition de vent...

SYLVAIN FREIHOLZ: On peut dire qu'il est l’un des sauteurs les plus constants du moment. Malgré des tremplins différents et des conditions de vent variables, il parvient à tirer son épingle du jeu. Cela signifie que son matériel (skis, combinaisons) est performant. Killian fait les bons choix, mais il y a aussi une équipe autour de lui qui travaille de manière optimale. C’est bon signe pour la Tournée et les JO.

RTSsport: C'est également positif pour les autres sauteurs helvétiques...

SYLVAIN FREIHOLZ: Absolument. Toute l'équipe de Suisse profite des résultats de Killian Peier. J’en ai discuté dernièrement avec Simon Ammann. Il m’a dit que c'était très important pour se situer et gagner en sérénité. J’avais connu la même chose en 2002 quand Simon était en état de grâce.

Un contre-la-montre pour "Simi"

RTSsport: À 40 ans, Simon Ammann a toujours le feu sacré. Comment jugez-vous ses performances?

SYLVAIN FREIHOLZ: Il a connu un bel été (réd: 3e à Courchevel). Malheureusement, il s’est ensuite blessé à un pied. Il lui manque de la force pour accélérer son mouvement au bout du tremplin. À l’heure actuelle, il n’a pas un niveau physique suffisant par rapport à sa technique. Simon est lancé dans une course contre-la-montre afin de valider sa qualification olympique, tout en renforçant sa musculation. Comme pour Killian, le défi est d’arriver à Pékin en étant capable de se battre avec les meilleurs et de créer l’exploit.

RTSsport: Le site olympique a été testé début décembre lors d’une épreuve de Coupe Continentale. Quels ont été les 1res impressions dans le camp suisse?

SYLVAIN FREIHOLZ: Le sauteur bernois Sandro Hauswirth et 2 entraîneurs se sont rendus sur place. Ils ont pu récolter un maximum d’informations. Il y a encore des inconnues, notamment en termes logistiques et sanitaires. Mais l’encadrement de l’équipe de Suisse bénéficie d’une bonne expérience. À l’instar du chef de discipline Berni Schödler, certaines personnes du staff étaient déjà présentes en 2002 lors des Jeux de Salt Lake City.

RTSsport: Il y a 20 ans, vous étiez justement aux côtés de Simon Ammann pour son 1er doublé olympique. Quelles sont les images que vous conservez de cette fantastique épopée?

SYLVAIN FREIHOLZ: Chez moi, j’ai une photo qui résume ma carrière. Il s’agit de celle où je porte Simon avec Andreas Küttel. Même si j’ai été médaillé aux Mondiaux (réd: bronze à Trondheim en 1997), les flashes que je garde en mémoire sont ceux d’un souvenir d’équipe. Il faut dire que ces 2 médailles d'or ont joué un rôle clé dans la survie et le développement du saut à skis en Suisse. Sans ces résultats, la pratique de ce sport aurait pu disparaître dans notre pays.

Sébastien Schorderet