L’année dernière, le journal "L’Equipe" révélait dans une enquête les conséquences dramatiques du fluor dans les années 80 et 90 sur la santé de ceux qui l’ont manipulé. Mais pour Jovian Hediger, la situation n’est plus la même aujourd’hui. "A l’époque, on fartait sans aucune protection. Aujourd’hui, cela n’existe plus: les camions sont ventilés et les techniciens portent des masques. Il y a peut-être un décalage entre l’analyse que l’on fait sur des personnes qui pendant des années ont travaillé dans certaines conditions et aujourd’hui", tranche le Bellerin.
On est parti trop vite à mes yeux en voulant tout de suite interdire
Laurent Donzé, président de Romandie ski de fond, acquiesce: "Ces produits sont essentiellement dangereux dans la mesure où on ne les utilise pas selon les règles prévues. Cela veut dire aérer la pièce mais surtout de ne pas les surchauffer. A l’époque, on n’en parlait pas trop même si on disait quand même qu’il fallait éviter d’inhaler la fumée. Il y avait des bruits qui couraient, des mises en gardes dans les brochures mais personne ne les lit. Le but des entraîneurs, c’était la performance et pas de se soucier de la nocivité du produit. Si le produit est efficace, c’est bon. De plus, les vapeurs sont invisibles donc on sous-estime leur importance."
Reste que la FIS a pris une décision il y a quelques années d’interdire les farts fluorés. Problème, la mise en application de cette interdiction est un vrai casse-tête pour le monde du ski de fond et est sans cesse repoussée.
"On est parti trop vite à mes yeux en voulant tout de suite interdire, tout de suite appliquer l’interdiction, alors qu'on n'avait pas encore les moyens de le faire. Le problème, c'est que dès l'instant où on ne peut pas contrôler et mettre en application ces interdictions, ça devient extrêmement compliqué." Jovian Hediger ne mâche pas ses mots. Pour l'ancien fondeur, la FIS a pris une décision précipitée.
"Il y a des choses qui se développent, mais ce n’est pas encore au niveau. Peut-être que, petit à petit, on va réussir à passer devant les produits fluorés mais on est encore dans cette phase de transition. Pour l’instant, on est clairement désavantagé sur certaines neiges sans fluor."
Laurent Donzé abonde: "On touche un problème assez intéressant parce qu'il y a des gens qui ont des bonnes intentions, qui disent que le produit est potentiellement toxique. Donc, on va l'interdire sans réfléchir aux conséquences et si on peut assumer une telle interdiction."
On ne peut pas chauffer le ski ou prélever un échantillon
Et en effet: jusqu'à présent, aucun outil n'est en mesure de détecter les traces éventuelles de fluor sur les skis. "La méthode ne doit pas être invasive, on ne peut pas chauffer le ski ou prélever un échantillon", tonne Donzé. "On a donné une mission aux scientifiques qui, pour moi, est impossible à réaliser. On a vu lors des premiers tests que les réponses données n'étaient pas applicables. Il y a un énorme décalage entre la volonté de la FIS d'interdire les produits fluorés et la réponse apportée par la science."
Et l'ancien chimiste et professeur de poursuivre. "Il suffit d'utiliser une brosse qui a eu du fluor pour que le produit se retrouve sur le ski. Donc, qu'est-ce que l'on met comme limite? Est-ce que l'on accepte une certaine dose?"
Jovian Hediger apporte une première réponse. "La FIS va mettre en place un essai sur la fin de saison, sur une Coupe du monde. Je n'ai pas tous les détails en tête, mais dans l'idée, c'est d'autoriser un nombre de skis limité par athlète, le jour de course. Le fartage sera obligatoire via l'organisateur ou en tout cas le fart sera donné par l'organisateur dans une salle commune. Comme le test aura lieu durant un sprint, les athlètes n'auront pas la possibilité de changer de ski ou de refarter."
Une utilisation de farts non fluorés mais surtout une équité entre tous les athlètes: "Dès l'instant où tout le monde se bat avec les mêmes armes, pour moi, il n'y a pas de problème", conclut l'ancien fondeur.
Floriane Galaud