Même au bout d'une longue saison, Marc Rosset reste un observateur de très haut niveau, qui livre toujours des analyses très pointues et quelques bons mots. En cette période qui voit la nouvelle formule de la Coupe Davis virer à l'échec et Roger Federer rassembler des meutes de fans en Amérique du Sud, l'ancien no 9 mondial, pose un regard lucide sur deux thèmes qui se situent aux deux extrêmes de l'échelle de la popularité. Morceaux choisis.
RTSsport.ch: Marc Rosset, on imagine que vous suivez cette 1re édition de la Coupe Davis "new-look"...
MARC ROSSET: Evidemment que je regarde ce qui s'y passe et, très franchement, je tombe de ma chaise en l'observant. Voir que certaines équipes refusent de jouer le double sous prétexte qu'elles sont déjà qualifiées ou parce que c'est trop tard le soir est proprement hallucinant! Cela déséquilibre totalement la compétition. Imaginez que l'équipe de Suisse de foot refuse d'affronter les Iles Féroé car elle aurait déjà son billet pour un Euro... C'est illogique. Et ne parlons même pas de la programmation de cette Coupe Davis!
Je l'ai dit depuis qu'elle a été réformée: ce n'est plus la Coupe Davis.
RTSsport.ch: Doit-on encore la baptiser ainsi?
MARC ROSSET: Personnellement, je l'ai dit depuis qu'elle a été réformée: ce n'est plus la Coupe Davis. Ca ressemble à la World Team Cup d'antan, à une Coupe du monde, mais on est très loin de ce que l'on a connu dans le passé. Ceux qui ont joué l'ancienne formule, la vraie, doivent trouver très bizarre de jouer cette édition. En plus, il n'y a que 200 spectateurs...
Doit-on stopper Roland-Garros car il y a les gilets jaunes?
RTSsport.ch: Soit tout l'inverse de la tournée sud-américaine de Roger Federer, qui déchaîne les passions et remplit les stades...
MARC ROSSET: "Rodg" m'a envoyé quelques photos de ce qu'il vit en Amérique du Sud; c'est magnifique, fabuleux! Déjà avant de s'y rendre, il m'avait montré certains clichés des endroits où il allait jouer et il en parlait avec des étoiles dans les yeux. Il était comme un gosse, heureux et impatient. Alors oui, j'ai entendu certaines critiques comme quoi il s'y rend pour l'argent ou qu'il ne devrait pas aller à certains endroits car la politique va mal, mais il faut arrêter avec cela! Critique-t-on les Rolling Stones sur les endroits où ils vont faire leurs concerts?
RTSsport.ch: On vous sent très remonté...
MARC ROSSET: Oui, ça m'énerve. Primo car on ne sait pas s'il ne va pas donner cet argent à sa Fondation ou à d'autres œuvres, comme il le fait avec ce qu'il touche aux Swiss Indoors. Deuxio, si on commence à mêler sport et politique, alors il ne faut pas se rendre aux JO de Pékin ni à la Coupe du monde 2022. Voire carrément stopper Roland-Garros car il y a les gilets jaunes? Bref, tout le monde occulte le fait que Federer dispute ces matches justement pour avoir les sensations qu'il vit là-bas, pour faire plaisir aux spectateurs. Il est une rock star et il donne du plaisir aux gens.
Federer, ça dépasse le cadre du sport. Tout le monde s'éclate avec lui.
RTSsport.ch: D'ici, on a le sentiment que les gens viennent aussi le voir simplement pour se changer les idées!
MARC ROSSET: Peut-être bien que durant les deux ou trois heures de match, les Sud-Américains oublient les tracas du quotidien. Federer, ça dépasse le cadre du sport. Tout le monde s'éclate avec lui. Le "Ole Ole Roger" que les gens lui ont réservé à Buenos Aires est d'ordinaire un chant consacré à Maradona ou Del Potro, des icônes locales. Lui n'est pas Argentin et a droit à ça, C'est juste dingue! Je peux vous assurer que si je pouvais remplir un stade à Buenos Aires et entendre des "Ole Ole Rosset", je m'y rendrais à la nage!
Arnaud Cerutti, Genève - @arnaud_cerutti
"Il faut retravailler le produit!"
"Quand j'observe cette 1re édition de la Davis, j'ai le sentiment que tout a été fait à la va-vite, dans l'urgence. Je ne veux pas jouer au vieux con, mais cette compétition ne semble pas sur la bonne voie. Je refuse cependant de tirer des conclusions car beaucoup de gens étaient également contre la Laver Cup et, pour avoir vécu la 3e édition à Genève, j'ai tout simplement adoré. Le format, l'ambiance, le niveau; c'était "bestialissime". Concernant la Coupe Davis, j'espère que Gerard Piqué et l'ITF se rendent compte qu'il va falloir retravailler le produit."
"Aurais-je joué cette Coupe Davis? Je l'ignore"
En son temps, Marc Rosset aurait-il disputé une Coupe Davis dans ce nouveau format? "Franchement, je l'ignore, répond-il. En tout cas, quand tu as connu les folles ambiances de Genève, de Lille, des toutes grandes rencontres, il y a de quoi se poser des questions. Peut-être qu'un jeune de 17-18 ans qui n'a connu que cette nouvelle formule y trouvera son compte, mais c'est difficile pour moi d'y croire. Rien ne fonctionne pour l'instant dans cette 1re édition. Il y a beaucoup de choses à revoir."
"Ces "guéguerres" m'énervent"
Marc Rosset est chagriné par ce qui se passe dans les coulisses du tennis. "Ce qui me gonfle actuellement, c’est qu’il y a trop de "guéguerres" internes. On parle davantage de ce sport pour ce qui se passe en coulisses que sur le terrain. L’ATP s’oppose à l’ITF, Djokovic s’oppose au duo Federer-Nadal, etc, etc. Il y en a qui ne pensent qu'à leur petit confort, à leurs intérêts et globalement cela dessert notre sport. J’espère vraiment qu’un jour les choses vont s’aplanir..."