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Marc Rosset: "Selon moi, Wawrinka a un gros coup à jouer dans ce tournoi"

Marc Rosset, ici avec Stan Wawrinka et Roger Federer à Genève, espère que les Suisses poursuivront leur chemin à l'Open d'Australie. [Keystone - Salvatore Di Nolfi]
Marc Rosset, ici avec Stan Wawrinka et Roger Federer à Genève, espère que les Suisses poursuivront leur chemin à l'Open d'Australie. - [Keystone - Salvatore Di Nolfi]
Observateur avisé de l'Open d'Australie, le champion olympique 1992, consultant RTS et ancien No 9 ATP, analyse la 1re semaine du tournoi. S'il a aimé ce qu'a proposé Stan Wawrinka et s'il espère voir un Federer-Djokovic en demi-finale, Marc Rosset n'est en revanche pas convaincu par la surface, trop lente à ses yeux.

L'Open d'Australie attire tous les regards, dont celui de Marc Rosset. Toujours passionné, toujours passionnant aussi, l'ancien No 9 mondial prend du plaisir à suivre cette quinzaine. Même si tout ne lui a pas plu jusqu'à présent, il n'hésite ainsi pas à analyser les huit premiers jours du tournoi. Avec son regard pointu, naturellement, et sans langue de bois.

RTSsport.ch: Marc Rosset, quelle est la 1re chose que vous retenez de cette 1re semaine de l’Open d’Australie?

MARC ROSSET: Eh bien je dois vous dire qu’une chose m’a surpris: la lenteur de la surface. Je ne m’attendais franchement pas à cela et ça me déçoit. Il y a trois ans, on s’était félicité que l’Open d’Australie ait proposé une surface plus rapide et voilà que l’on se retrouve avec tout autre chose en 2020. C’est une sorte de retour en arrière, loin du tennis rapide et offensif de 2017, par exemple. Est-ce un choix délibéré? Ou bien est-ce que le fait que le tournoi ait changé de fournisseur de surfaces en est l’explication? Je l’ignore, mais avec une 2e semaine qui, a priori, s’annonce plus chaude, il faudra voir si la chaleur influe sur la surface.

Il y a trois ans, on s’était félicité que l’Open d’Australie ait proposé une surface plus rapide et voilà que l’on se retrouve avec tout autre chose en 2020.

Marc Rosset

RTSsport.ch: Au-delà de la surface, qu’avez-vous pensé de Roger Federer cette semaine?

MARC ROSSET: Il a eu des hauts et des bas. Mais sans doute aussi car la surface ne l’avantage pas du tout. Il peut gagner moins de points sur sa mise en jeu, il ne peut pas créer autant de différences rien qu’avec son service et se trouve ainsi embarqué dans de plus nombreux rallyes. Roger doit donc prendre davantage de risques, mais là où il devait parfois jouer deux coups, il se retrouve maintenant à devoir en taper le double en raison de la lenteur de la surface, ceci afin de gagner des points. Du coup, ton pourcentage de chances de commettre des erreurs augmente. C’est problématique pour lui, à 38 ans.

Tennys Sandgren. [KEYSTONE - ROMAN PILIPEY]
Tennys Sandgren. [KEYSTONE - ROMAN PILIPEY]

RTSsport.ch: Difficile toutefois de l’imaginer perdre contre Tennys Sandgren, ce mardi…

MARC ROSSET: J’ai vu jouer quelques fois l’Américain. C’est un gars visiblement très motivé en Grand Chelem, mais il a réalisé deux coups d’éclat en Australie et on n’en a que très peu entendu parler ailleurs. De fait,  sans vouloir lui faire injure, ce serait effectivement une grosse, grosse déception que de voir Federer perdre contre Sandgren. Car même s’il a eu des hauts et des bas dans ce tournoi, Roger n’est qu’à une marche du dernier carré. Et une fois en demi-finales, tout est possible avec lui.

Roger n’est qu’à une marche du dernier carré. Et une fois en demi-finales, tout est possible avec lui.

Marc Rosset

RTSsport.ch: Même s’il devait se retrouver contre un Novak Djokovic archifavori?

MARC ROSSET: Novak est bien entendu l’homme à battre, encore plus avec la lenteur de cette surface, mais Federer a au moins eu droit à un vrai test dans ce tournoi, contre John Millman. Et la manière dont il s’en est sorti, après avoir été mené 4-8 dans le super tie-break, peut aussi lui donner le mordant nécessaire pour aborder un face-à-face avec Djoko, qui reste un match différent d'un autre. Une rencontre comme celle contre Millman, gagnée à l’arraché, fait toujours du bien.

RTSsport.ch: Alors que Federer a eu des hauts et des bas, Stan Wawrinka, lui, monte vraiment en puissance…

MARC ROSSET: Oui, très clairement. Même si j’ai trouvé Daniil Medvedev un peu passif ce matin, Stan a livré un gros match. Il est bien. Il frappe fort. Lui aussi, comme Djokovic, peut se féliciter d’avoir une telle surface. Avec sa puissance, qui n'a quasiment aucun égal sur le circuit, Wawrinka peut faire des ravages. Il envoie du lourd et je crois qu’il a un très bon coup à jouer dans ce tournoi. Quand il passe les tours ainsi, cela nous rappelle forcément de belles choses.

Avec sa puissance, qui n'a quasiment aucun égal sur le circuit, Wawrinka peut faire des ravages.

RTSsport.ch: Wawrinka a rendez-vous avec Alexander Zverev mercredi. Que pensez-vous du tournoi de l’Allemand?

MARC ROSSET: Disons que, pour Stan, Zverev me fait du souci. Il a tellement l’habitude de jouer mal en Grand Chelem que quasiment personne n’a parlé de lui avant ce tournoi, mais il me paraît justement très bien dans ses baskets cette année. Le fait qu’il n’ait pas eu d’attentes sur les épaules lui a semble-t-il fait du bien. Cet Open d’Australie peut être un déclic pour lui. Il est solide, il n’a pas perdu de set, il est dur à déborder et, en plus, il peut accélérer rapidement grâce à son immense bras de levier. Et quand on sait que, lorsqu’il est pleinement «focus», il peut produire de l’excellent tennis, attention…

Alexander Zverev. [KEYSTONE - DITA ALANGKARA]
Alexander Zverev. [KEYSTONE - DITA ALANGKARA]

RTSsport.ch: Un mot sur Nadal?

MARC ROSSET: Il a été fébrile ce matin contre Nick Kyrgios. On sent qu’il y a de la tension chez lui, qu’il est nerveux. Mais après tout, cela est normal. Personne n’a en effet envie de se coltiner Nick Kyrgios. Encore moins le Kyrgios de ces derniers jours, qui était très bien dans son tournoi. Au-delà de ce match, je constate aussi qu’il y a une énorme disparité entre les deux parties du tableau. Le haut du tableau, où figure justement Nadal, est terrible. Après avoir dû affronter l'Australien, Rafa va devoir faire face à Thiem. Puis ensuite, s’il passe, à Wawrinka ou à Zverev. Avec, qui plus est, un jour de récupération en moins en cas de qualification pour la finale! Cela n’a rien à voir avec ce que ceux placés dans le bas du tableau connaissent.

RTSsport.ch: Bas du tableau dont fait partie Novak Djokovic. Lequel ne semble pas pouvoir perdre mardi contre Milos Raonic…

MARC ROSSET: Je suis de votre avis. Certes, Raonic joue assez bien, un peu comme à sa meilleure époque, mais ce serait vraiment incroyable qu’il parvienne à battre le No 2 mondial. Ce serait un immense exploit. Si le match devait se disputer au meilleur des trois sets, je ne dirais pas non. Mais là, sur cette surface et au meilleur des cinq, je ne vois pas le Canadien passer. Ou alors il faudrait qu’il serve l’acier, qu’il ne commette pas une erreur et que Djokovic craque. Cela fait beaucoup de paramètres.

Certes, Raonic joue assez bien, un peu comme à sa meilleure époque, mais ce serait vraiment incroyable qu’il parvienne à battre Djokovic.

Marc Rosset
Novak Djokovic. [RTS]
Novak Djokovic. [RTS]

RTSsport.ch: Wawrinka est-il le seul à pouvoir battre Djokovic?

MARC ROSSET: Il faut prendre match après match, ne pas vouloir aller voir trop loin, car beaucoup de choses peuvent se passer, mais Stan est effectivement celui qui, sur le papier et dans ces conditions, semble le plus en mesure de dérouter le Serbe. Car si Djokovic a l’avantage sur Federer avec cette surface, cela se rééquilibre face au Vaudois. Et on sait que Novak est toujours nerveux quand il doit affronter Stan.

RTSsport.ch: Un mot sur le tableau féminin; Serena Williams a encore craqué. Est-ce qu’elle parviendra, un jour, à s’offrir un 24e titre majeur?

MARC ROSSET: Vous savez, on s’est longtemps posé la question pour Roger Federer lorsqu’il détenait 17 trophées du Grand Chelem et on a vu ce qui est finalement arrivé. Alors effectivement, ça a l’air compliqué pour elle. Mais j’ai le sentiment que si elle arrive à s’offrir ce 24e titre, elle pourra en enquiller encore deux ou trois derrière. Actuellement, Serena est habitée par un vrai stress psychologique, elle cède à chaque rendez-vous du Grand Chelem. Mais elle est une immense championne et personne ne doit l’enterrer. Ce qu’elle traverse actuellement démontre aussi à quel point cela est difficile même pour ces athlètes d'exception. On les croit blindés, imperméables à tout, intouchables, mais non, ils peuvent aussi mouiller, craquer, avoir peur… On l’a vu avec Nadal et ses doubles fautes ce matin contre Kyrgios. C’est davantage un problème dans la tête qu’un souci de tennis pur.

Arnaud Cerutti, Genève - @arnaud_cerutti

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